Punctum Unicum.
B. — (Eæ improbantur : 1.° Scriptura.) L’Écriture recommande aux enfants de l’Église qui doivent être sérieux, la gravité et la modestie chrétienne1, et il n’est rien de si contraire que ces mouvements indécents et folâtres qui se font aux danses. Les enfants du monde se réjouissent et prennent leurs ébats, dit le saint homme Job2. Il ne dit pas : Ils s’entre-tuent ou ils se battent, ils se querellent, ils s’enivrent, ils cajolent les filles ; mais ils se réjouissent à jouer, ils se plaisent au son du tambour, du fifre et des violons ; ils se divertissent, ils passent le temps et ils descendent en enfer en un moment. Il ne dit pas : Ils tombent, mais ils descendent pour fermer la bouche à ceux qui ne cessent de chicaner avec Dieu et demander : Est-ce un péché mortel que de danser ou d’aller au bal ? Quand les Pères reprennent les vices de leur temps, ils n’ont pas coutume de dire : C’est un péché mortel, c’est un péché véniel, parce que ce doit être assez à un chrétien de savoir qu’une action déplaît à Dieu pour s’en abstenir et l’avoir en horreur ; et il y a quantité de péchés qui ne semblent que véniels, et qui sont néanmoins des pentes et des degrés par lesquels les hommes descendent en enfer, ou à cause des circonstances qui les enveniment, ou parce qu’ils conduisent à d’autres plus grands péchés, ou qu’ils nous privent des secours et des grâces actuelles de Dieu, qui nous seraient très salutaires pour nous conserver en bon état, et ne pas succomber aux secousses des tentations qui nous sont quelquefois livrées.
Le Saint-Esprit dit en l’Ecclésiastique : Détournez vos yeux d’une femme bien ajustée3. Donc il défend▶ de vous ajuster pour être vue ; et comme si vous aviez juré de lui désobéir, vous allez au bal tout exprès pour voir de ces femmes, ou pour être vue. Malheur à vous qui vous levez le matin pour vous remplir de vin, dit le prophète Isaïe ! vous vous plaisez à l’harmonie des hautbois, et par ce moyen l’enfer a ouvert sa gueule, et les hommes y tombent à la foule4 ! Et le prophète Amos : Malheur à vous qui cherchez les viandes exquises et délicates, les vins délicieux ou les chansons mondaines, la pompe des habits et les démarches étudiées et fastueuses5 ! Et le prophète Michée : Malheur à vous qui avez des pensées inutiles6 ! Et notre béni Sauveur dit : Je vous déclare que les hommes rendront compte au jugement de toute parole oisive qu’ils auront dite. Malheur à vous riches qui avez votre consolation en ce monde ! malheur à vous qui riez ! malheur à vous qui êtes rassasiés !
Ce n’est pas qu’il soit ◀défendu de se réjouir ; mais remarquez que toutes les fois que l’Ecriture parle de se réjouir, elle ajoute toujours : En Notre Seigneur. Que les justes se réjouissent au Seigneur, dit David7. Je me réjouirai en mon Sauveur, dit Habacuc8. Soyez toujours joyeux, non pas des passe-temps du monde, mais en Notre Seigneur, dit S. Paul aux Philippiens. Et écrivant aux Ephésiens : Qu’on n’entende point parmi vous de paroles sales, de railleries ni de bouffonneries ; elles ne sont pas bienséantes en la bouche des chrétiens, qui sont obligés d’être saints, et ne permettez pas qu’on vous flatte trompeusement, vous disant qu’il n’y a pas grand mal, car ces propos attirent la colère de Dieu sur ceux qui lui désobéissent9. Bref, l’Ecclésiaste dit que les hommes sages se plaisent aux lieux où il y a du deuil et de la tristesse, et que les fous se plaisent aux compagnies où il y a des ébats et réjouissances mondaines10.