Lettre Française et Latine du Révérend Père François Caffaro, Théatin ; à Monseigneur L’Archevêque de Paris. Imprimée à Paris en 1694. in-quarto.
A MONSEIGNEUR, Monseigneur l’Archevêque de Paris, Duc et Pair de France, Commandeur des Ordres du Roi, Proviseur de la Maison de Sorbonne, et Supérieur de celle de Navarre. | ILLUSTRISSIMO Domino D. Archiepiscopo Parisiensi, Duci et Pari Franciæ, Regiorum Ordinum Commendatori, Sorbonæ Provisori, Regiæ Navarræ Superiori. |
MONSEIGNEUR, | |
Je n’ai pu apprendre qu’on me croyait dans le monde Auteur d’un libelle fait en faveur de la Comédie, sous le titre de Lettre d’un Théologien, etc. et voir en même temps le scandale qu’a donné cet ouvrage, sans en être sensiblement affligé ; et j’ai cru même qu’il était de mon devoir pour l’édification de l’Eglise, et pour l’honneur de mon ministère de déclarer publiquement que cette Lettre n’est point de moi, et que je n’y ai aucune part, que je n’en ai rien su qu’après qu’elle a paru, et que je la désavoue absolument. Mais je ne puis me dispenser de reconnaître humblement, comme je le dois, ce qui peut avoir donné lieu à me l’attribuer, d’avouer ingénument les sentiments que j’ai eu sur ce qui en fait le sujet, et de marquer en réparation, ceux où je suis sur cela présentement. C’est, Monseigneur, ce qui me fait prendre la liberté d’écrire à VOTRE GRANDEUR vous reconnassant pour mon Juge né et d’institution divine en matière de Doctrine, comme vous l’êtes aussi de tout le Troupeau qui vous est confié, dont je me fais honneur d’être, et auquel le saint Esprit vous a donné pour Pasteur, établi par Jésus-Christ même, et me tenant par cette raison obligé de faire cette déclaration de mes sentiments entre vos mains, pour la rendre publique sous votre autorité, si vous le jugez convenable. | Libelli cujusdam Gallice ad Comœdiæ defensionem compositi, et sic inscripti, Lettre d’un Théologien etc. meme vulgo authorem circumferri audire, simul et natam ex eo offensionem nosse non potui : Archipræsul Illustrissime, quin acri inde dolore percellerer, mihi que tum ad Reipublicæ-Christianæ utilitatem, tum ad sacri quo fungor muneris honorem censui incumbere publice ut profiterer, epistolam hanc non esse meam, measque in ea partes esse nullas, eam, priusquam ederetur, meam ad notitiam non pervenisse, et plane omnem qua in me conjiceretur de ea scripta suspicionem, a mei ipso jam repelli. Ab hac tamen demissa, ut par est, confessione, me nolim immunem, qua ipse aperiam, quid causa esse potuerit, cur ea mihi adscriberetur, pristinam meam de ipsius argumento sententiam detegam, et hodiernam quasi in prioris expiationem patefaciam. Facit hoc, Archipræsul Illustrissime ut tuam ad Celsitudinem scribam, cum te meum, ut et universi gregis tibi crediti, ex quo esse honori duco, in doctrina judicem jure divino natum, a Spiritu sancto positum et a Christo ipso constitutum habeam, meque eo nomine obstrictum sentiam, ut hancce meæ mentis explicationem penes te deponam, quam ipse, si tibi expedire videbitur publicam in lucem prodire jubeas. |
Je fis il y a dix ou douze ans un écrit Latin sur la Comédie, où sans avoir mûrement examiné la matière, et par une légèreté de Jeunesse, je prenais le parti de la justifier, de la manière▶ que je me figurais qu’elle se représentait à Paris, n’en ayant jamais vu aucune, et m’en faisant, sur les rapports que j’en avais ouï, une idée trop favorable, et je ne puis que je ne reconnaisse à ma confusion, que les principes et les preuves qui se trouvent dans la Lettre qui s’est donnée au public sans ma participation, sont les mêmes que dans mon écrit particulier, quoi qu’il y ait quelques endroits de différents entre les deux, où l’Auteur de la Lettre dit ce que je ne dis pas, et parle autrement que je ne fais moi-même dans mon écrit, comme en ce qu’il apporte sans raison en faveur de la Comédie, votre silence sur sa représentation, Monseigneur, pour en inférer un consentement et une approbation tacite de votre part, ce que je n’ai point fait dans mon écrit, où je ne dis rien du tout qui puisse regarder personnellement V. Grandeur, ainsi que l’illustre Monsieur Pirot, qui l’a vu depuis peu par votre ordre vous en peut rendre témoignage, aussi bien que de la différence d’expression qu’il y a entre la Lettre et mon écrit au sujet des Rituels, que la Lettre semble traiter d’un air qui ne marque pas d’assez grands égards pour des Livres aussi dignes de respect que le sont des Rituels, en parlant de cette ◀manière▶, certains Rituels, au lieu que je dis simplement dans mon écrit, quelques Rituels : Nonnulla Ritualia aliquarum Diœceseum. Je ne puis disconvenir qu’à comparer la Lettre avec mon écrit, il ne soit visible qu’elle en est tirée presque de mot à mot, et que par là ce que j’ai fait avec précipitation a donné malheureusement et contre mon dessein, ouverture à cette Lettre; Je n’ai jamais fait état d’imprimer mon écrit : il n’était pas composé avec assez d’exactitude pour prétendre le rendre public ; je ne m’étais pas assez instruit du sujet que j’y traitais, ni des autorités que j’apportais ou pour ou contre, entre autres de celle de S. Charles dont je me faisais fort ; je ne savais pas bien même ce que c’était que la Comédie Française de la ◀manière qu’elle se joue à Paris, n’ayant jamais lu de Comédies de Molière, et n’en ayant lu que fort peu d’autres et sans application, n’ayant d’ailleurs qu’entendu parler des Rituels sur les Comédiens, sans avoir même lu celui de Paris. C’est ce manque d’attention et de réflexion qui m’avait engagé à prendre dans mon écrit particulier, et que je n’ai jamais voulu rendre public, la défense de la Comédie. J’en ai un très grand regret, et il n’y a rien que je ne fisse volontiers pour réparer le scandale qui s’en est suivi, et que je ne prévoyais point. Il ne m’a pas été difficile de changer mon premier sentiment sur la Comédie, et de prendre celui où je suis présentement. Je suis très convaincu après avoir examiné la chose à fond, que les raisons qu’on apporte d’un côté pour excuser la Comédie sont toutes frivoles, et que celles qu’a l’Eglise au contraire sont très solides et incontestables, quand elle met les Comédiens au nombre de ceux à qui elle refuse dans la maladie le Viatique, à moins qu’ils ne réparent le scandale qu’ils ont donné au public, en renonçant à leur profession, et qu’elle ne les veut pas admettre à recevoir des Ordres, s’ils s’y présentaient. Ce sont deux articles entre autres, qui sont marqués dans le Rituel de Paris, et en très grand nombre d’autres qui y sont conformes. Je reçois, Monseigneur, de tout mon cœur et dans un esprit de parfaite soumission, cette discipline Ecclésiastique, et la doctrine qui en fait le fondement ; et je souscrirais sans réserve tout ce qui est dit dans votre Rituel, soit contre les Comédiens directement ou indirectement, soit en toute autre matière. C’est, Monseigneur, ce que je proteste à Votre Grandeur avec une entière sincérité, prêt à faire tout ce que vous m’ordonnerez pour édifier l’Eglise. Je suis avec un très profond respect |
Ab annis decem aut duodecim Latinum mihi in Comœdiam scriptum excidit, in quo, prævio non habit rei, de qua agerem, maturo examine, juvenilis animi levitate elatus, ab illius vindicandæ partibus stabam, quo eam more Parisiis haberi mihi finxeram, cum nulli unquam adfuissem, et ex aliorum relatione nonnunquam auditâ illius mihi in mentem effigiem induxissem puriorem. Et vero pudore suffusus non possum non fateri, quin epistolæ me inconsulto editæ capita et momenta, illa ipsa sint, quæ et meo in privato scripto haberentur, etsi duo hæc in quibusdam differant, ubi hoc habet epistolæ author quod ego non attigi, et alia ille ratione loquitur, quam qua meo sim in scripto usus : quemadmodum cum, in Comœdia patrocinium, tuum, Archipræsul Illustrissime, de ea habenda silentium temere adducit, unde illam a te, tacito saltem consensu probari inferat, cui simile nihil meo inscripto præstiterim in quo nequicquam dixerim quod tuam nominatim celsitudinem ullatenus spectare possit ; cujus quidem inter utrumque discriminis, eximius vir D. Pirot qui hoc non ita pridem jussu tuo exploravit, fidem tibi facere poterit ; non minus quam et alterius, ritualium, ut vocant, occasione, quippe quæ ita Epistola videtur excipere, quasi minus iis exhiberet observantiæ, quam ad hoc librorum genus tanta dignum reverentia par esse possit, de quibus sic illa loquitur, certains Rituels, cum meo in scripto candide tantum ita habeam, nonnulla Ritualia aliquarum Diœceseum. Non est quod negem, quin, si semel epistola meo cum scripto conferatur, ex hoc illa prope ad verbum Collecta, atque ita meo ex præsipiti scripto, præter meam mentem orta infeliciter epistola perspiciatur. Scriptum meum numquam statui apud me prælo mandandum ; neque vero accurate adeo elaboratum illud erat, ut juris ipsum publici fieri contenderem. Quod in eo tractabam argumentum, mihi non sat erat exploratum ; neque authorum, quos alterutram in partem asserebam testimonium satis compertum ; imprimis vero quod ex Divo Carlo petebam, cujus in authoritate, perinde ac si meæ sententiæ suffragaretur, vim faciebam. Imo nequidem noveram quonam more Comœdia Parisiis daretur, cum comica Molieri Carmina nulla unquam, aliorum paucissima, nec attento animo, evoluissem, et aliunde una ex fama Ritualium notitiam haberem, nec ipso etiam Parisiensi lecto. Hoc attentionis et recognitionis vitio contigit, ut meo in scripto, quod palam edere mihi nunquam fuit in animo, Comœdia causam agerem. Hujus me Consilii vehementer pœnitet ; nihilique non præstarem lubens, quo subortum inde improvisum offendiculum amoveretur. Gravis non fuit oper, ut primavum meum de Comœdia sensum deponerem, et ejus loco alium caperem, quem deinceps sequar. Re penitus excusa mihi plane persuasum est quidquid altera ex parte ad Comœdiam excusatam habendam affertur, leve esse prorsus ac frivolum ; stabile vero et inconcussum quod e contrario tenet Ecclesia, cum nimirum iis, quos in morbo a sacro viatico arcendos decernit ni vitæ ante actæ instituto penitus abdicato impactam eo populis offensionem eluant, Comœdos annumerat, nec ad sanctos ordines, si quando eos ipsi postulent, suscipiendos, vult admitti. Duo hæc sunt præceteris de illis hominibus in Parisiensi Rituum volumine, aliisque permultis eatenus consonis sancita capita. Hancce Ecclesiæ disciplinam, doctrinam que qua leges hujusmodi nituntur toto animo, tota obtemperatione amplector, eaque omnia sine ulla exceptione subscriberem quæ tuo in Rituali habentur, tum quæ in Comœdos quomodocunque incidunt, sive eos recta spectent, sive ad ipsos oblique referantur, tum quæ aliud quid, quodcunque sit, attingunt. Id equidem, Archipræsul Illustrissime, omni asseveratione tua Celsitudini religiose confirmo, ad exequendum paratus quidquid imperes, ut me sensaque mea Reipublicæ Christianæ probem, et ei fiat satis. Summâ sum reverertia. |
Monseigneur
De V. G.
Le très humble et très obéissant serviteur, François Caffaro C. R.
A Paris le 11. May 1694
|
Archipræsul Illustrissime
Tua Celsitudinis
Humillimus et obsequentissimus Franciscus Caffaro C. R.
Parisiis die Maii 11. 1694.
|