(1769) Réflexions sur le théâtre, vol 8 « Réflexions sur le théâtre, vol 8 — RÉFLEXIONS. MORALES, POLITIQUES, HISTORIQUES, ET LITTÉRAIRES, SUR LE THÉATRE. LIVRE HUITIEME. — CHAPITRE V. Réforme de Fagan. » pp. 110-128
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(1769) Réflexions sur le théâtre, vol 8 « Réflexions sur le théâtre, vol 8 — RÉFLEXIONS. MORALES, POLITIQUES, HISTORIQUES, ET LITTÉRAIRES, SUR LE THÉATRE. LIVRE HUITIEME. — CHAPITRE V. Réforme de Fagan. » pp. 110-128

CHAPITRE V.
Réforme de Fagan.

Moliere est le premier qui, à l’occasion de la condamnation de son Tartuffe, de toutes ses pieces la plus condamnable, ait osé faire une apologie ouverte de la comédie. Cette apologie est digne de lui : c’est un tissu d’injures & de plaisanteries. La Fontaine, à son exemple, orna ses Contes d’une apologie des obscénités dans les vers. Quelque année après, Boursaut mit à la tête de son théatre une lettre apologétique qu’il avoit surprise du P. Caffaro, Théatin. On avoit méprisé les sarcasmes de Moliere ; mais le caractère du nouveau défenseur causa le plus grand scandale. Tout s’éleva contre lui. M. Bossuet, le P. Lebrun écrivirent, & la Sorbonne prononça, & M. de Harlai, Archevêque de Paris, obligea le P. Caffaro de se rétracter. Cette rétractation & ces écrits firent tomber les armes des mains. Il s’est passé cinquante ans sans que personne ait osé soutenir une si mauvaise cause. Enfin en 1751 il a plu au sieur Fagan, homme obscur, & Auteur médiocre de quelques pieces jouées aux François, aux Italiens, & à la Foire, de se mettre sur les rangs, & il a été suivi d’une foule d’autres. Huetue, d’Alembert, Laval, Marmontel, l’Enciclopédie, &c. A mesure que la religion & les mœurs sont attaquées, il n’est pas surprenant qu’il s’élève des défenseurs du théatre, qui porte les plus funestes coups à l’une & à l’autre. Les Observations de Fagan, qu’il appelle nouvelles, ne sont qu’un foible & léger extrait de la lettre du P. Caffaro. Cette mince brochure, écrite d’un ton hardi & ferme, qu’à peine oseroit prendre un homme en place habile Théologien, ne mériteroit que le mépris, si, comme disoit Bossuet dans une pareille occasion, il étoit permis de mépriser le péril des ames infirmes ou mondaines, toujours aisées à tromper sur ce qui les flatte. Il termine son petit écrit par quelques règlemens de réforme du spectacle, dont à la vérité l’austérité ne révoltera pas même les Actrices, mais qui renversent la suite de son système apologétique, qui suppose toutes les perfections de la vertu dans le théatre, & ne demande qu’à l’y maintenir.

Fagan s’étaye de l’autorité de Crébillon, son Censeur, également suspect & intéressé à soutenir le théatre, où il a un nom acquis à peu de frais. Fréron, Lett. 6. 1761, vie de Crébillon, nous fournit de quoi apprécier son suffrage : Un Procureur (autre Juge compétent) chez qui il logeoit, l’entendant parler de tragédie, en sur si satisfait qu’il lui conseilla d’en faire une à trente-un an. Ils s’en défendit. Enfin à force de le presser, il en sit une. Le Procureur, attaqué d’une maladie mortelle, se fit porter à la représentation (c’étoit bien le temps d’aller à la comédie). Il l’embrassa, & lui dit : Je meurs content, je vous ai fait Poëte, je laisse un homme à la nation. Voilà une belle préparation à la mort, un grand sujet de s’applaudir ! Fréron convient que depuis son enfance Crébillon fut toujours un débauché livré à la fougue de toutes les passion, qu’il ne s’appliqua qu’à ses plaisirs, & n’eut que le génie tragique, sans aucune science ni vertu chrétienne (voilà un Censeur d’un grand poids). Il se mésallia ; son père le déshérita. Il vécut comme il put, obtint quelque pension, mangeoit prodigieusement, même dans ses maladies. Il a essuyé les plus grands chagrins. Ses cinq ou six pieces ont quelques beautés, mais bien des défauts. Fréron, qui en fait un éloge outré, en convient. Il veut à toute force en faire un grand homme, & pour cela il assure qu’il n’étoit ni insolent, ni méchant, ni impudent, ni menteur, ni impie, ni fou, ni frippon. C’est toujours le commencement d’un grand homme, comme dans le système des Péripatéticiens la privation est le premier principe des corps.

Quoique Fagan ne dise rien que de trivial, il étale avec assurance un ait d’érudition qui fait rire, tant il ignore & confond tout. Sous les derniers Empereurs la comédie avoit porté la licence à l’excès. Néron, Caligula, Commode, Héliogabale, monstres sous lesquels seuls le vice ne connoissoit plus de bornes, ni au théatre, ni ailleurs, ne sont pas les derniers Empereurs. Ce ne fut même que des excès passagers de licence. Vespasien, Tite, Alexandre-Sévère, les Antonins, Trajan, quoique Payens, réprimèrent les Comédiens, les punirent, les chasserent ; & depuis Constantin, premier Empereur Chrétien & ses successeurs, le théatre fut absolument réformé. Les loix de Constantin, Théodose, Valentinien, Honorius, Justinien, subsistent encore ; dès-lors comme aujourd’hui régna sur la scène la décence qui exclud les grossieretés. Ces loix sont plus sévères que les nôtres ; ils avoient beaucoup moins de pieces, elles étoient plus châtiées que les nôtres ; celles qui sont venues jusqu’à nous en font foi. Sénèque est moins dangereux que Racine, & Térence moins licencieux que Moliere, Poisson, Dancour, Monfleuri, &c. le théatre Italien, la Foire, les Parades. C’est cependant sur le théatre réformé par les Princes Chrétiens, que tombent les anathemes des Conciles tenus depuis la paix de l’Eglise. S. Augustin, S. Jérôme, S. Chrysostome, Salvien, Lactance, tous les Pères, les Canonistes, les Casuistes, les Jurisconsultes ont écrit depuis ; le digeste & les deux codes, les canons, les loix qui déclarent les Comédiens infames, sont postérieurs. Il n’y a que Tertullien & S. Cyprien qui parlent de la scène payenne, & qui la condamnent par les mêmes raisons que nous employons contre la moderne, malgré sa prétendue réforme.

La comédie fut ensevelie avec l’empire de Rome, & ne reparut en Orient qu’à la fin du septieme siecle, à l’occasion des Iconoclastes. Peut-on ignorer l’histoire à ce point ? Le théatre subsista toujours dans l’empire d’Orient avec le même éclat : témoins les Conciles & les Pères Grecs, les loix impériales qui en parlent. Il subsista en Italie, même depuis la chûte de l’empire, quoiqu’avec moins de magnificence : témoin les Lettres de Cassiodore, Ministre de Théodoric, Roi Visigot. L’hérésie des Iconoclastes, qui parut vers le milieu du huitieme siecle, n’avoit aucun rapport avec le théatre ; & ces hérétiques, non plus que les autres, ne se sont point avisés de jouer le Clergé. Ce ne fut que dans le neuvieme siecle, au commencement du schisme des Grecs, que Michel III, Prince sans religion & sans mœurs, fit jouer S. Ignace, Patriarche de Constantinople, qu’il chassa de son siege, pour avoir refusé d’enfermer dans un Monastère l’Impératrice Théodora, qu’il vouloit forcer à être Religieuse. Il mit Photius à sa place, qui eut la lâcheté d’applaudir à ces infames représentations contre un Saint dont il avoit usurpé la dignité. Le Concile de Trente, qu’il accuse de n’avoir condamné la comédie que par haine contre Luther & sa morale, n’a pas même parlé de comédie, & n’avoit pas besoin d’en parler, puisque sa condamnation ne fut jamais révoquée en doute par les Protestans, & Luthériens & Calvinistes, qui l’ont proscrite dans leurs Synodes, & combattue dans leurs écrits. Nous l’avons vu ailleurs. Tout ce qu’il dit sur les tournois, n’est pas plus juste. C’est un Poëte qui traite l’histoire comme une intrigue de théatre, il accommode à son gré la fable, pour préparer le dénouement qu’il se propose. N’a-t-il pas bonne grace de dire que jusqu’à lui on n’avoit fait du spectacle que de foibles apologies, que personne n’avoit exposé les raisons avec soin ? Quelle mauvaise cause qui n’a pas trouvé de bons défenseurs ! quel cas doit-on faire de ces apologies qu’il avoue être si foibles, & que penser de la sienne, qui est la plus foible de toutes, quoique si vantée ? Il ne confond pas moins le siecle des Auteurs que celui des événemens. Solon, Platon, Aristote, Cicéron, Scipion Nasica, ennemis du théatre, parloient-ils de celui des Empereurs ? nos Rituels, nos Conciles, nos Evêques, nos Théologiens, ne défendent-ils que les pantomimes de Rome ? Senèque peut-il se donner pour un approbateur du théatre, lui qui dans les principes de Fagan ne pouvoit l’être sans se déshonorer, puisque le théatre de Néron, sous lequel il vivoit, étoit précisément ce théatre porté aux derniers excès qu’il condamne ? Etoit-il supportable aux yeux des Philosophes Payens que sur la fin de l’empire les théatres fussent bâtis plus superbement que les Temples, & que les jeux du cirque fussent plus brillans que les cérémonies religieuses ? Que signifie cette réflexion ? A la fin de l’empire en Occident au cinquieme siecle, & en Orient au quinzieme, quand Mahomet II prit Constantinople, il n’y avoit plus ni Temples ni Philosophes Payens ; les théatres de Pompée, de Scaurus, de Marcellus, les plus magnifiques de tous, ne subsistoient plus. On a vu dans tous les temps ce contraste : les théatres de Paris, de Lyon, de Bordeaux, sont plus magnifiques que la plupart des Eglises. Est-ce faire leur éloge de dire que la folie & le vice l’emportent sur sa religion & le culte de Dieu ?

Fagan trouve une contradiction insoutenable que la comédie & les Comédiens soient à même temps proscrits & tolérés. Mais à qui peut-on reprocher cette contradiction ? est-ce à l’Eglise, qui lance toujours les mêmes anathêmes ; à l’Etat, qui a toujours toléré ? Si l’Etat n’est pas d’accord avec l’Eglise, est-ce à nous à leur faire le procès ? veut-on donc mettre aux mains la religion & la politique ? L’Etat souffre le mal pour des raisons que je respecte. L’Eglise blâme, instruit, fait ce qu’elle peut pour diminuer le mal que l’Etat croit ne pouvoir empêcher ; il n’est pas obligé de corriger tous les abus : l’Eglise elle-même tolère bien des choses qu’elle condamne. La tolérance civile & extérieure du Prince est bien différente de la tolérance intérieure & théologique du Pasteur. Le gouvernement fût-il plus indulgent encore, les loix de la conscience ne sont ni moins sévères ni moins certaines ; on a quelquefois toléré le duel, l’usure, le divorce, les femmes publiques, sont-ce moins des crimes ? Tous les Pères à qui on a fait cette objection, répondoient de même. On ne peut remédier à tous les maux, ce ne sont pas moins des maux. Tout ce qui va à la comédie n’est pas également coupable, & n’en revient pas également corrompu. Les Auteurs ne font pas le même mal que les Acteurs ; la poësie peut être châtiée, & l’exécution dangereuse. Se livrer par état, passer sa vie à inspirer la passion à tout le monde, est un plus grand mal que d’y aller quelquefois. On n’a donc pas dû frapper les mêmes coups sur tout le monde. On est allé à la source du mal, en proscrivant les Comédiens, qui le répandent ; mais on ne néglige pas les spectateurs, on les instruit, on les exhorte. Au reste l’Etat n’a jamais fait que tolérer, sans approuver la comédie ; jamais il n’a ordonné d’y aller. Il y a au contraire une foule de Canons qui la défendent. Si l’abus prévaut, c’est un malheur dont il faut gémir. Les loix de la conscience doivent l’emporter sur les loix civiles : dans un objet arbitraire & frivole un vrai Chrétien balancera-t-il à mettre son salut à couvert ? Il diffame sans scrupule les gens à talens quand ces talens sont très-frivoles, très-pernicieux, & que l’usage qu’on en fait est si authentiquement condamné.

L’Auteur méprise trop l’autorité ecclésiastique pour en être arrêté. Le Concile de Trente n’a prononcé que par haine contre Luther sans examen. Ce n’étoit pas le moment de se flatter qu’il se prêteroit à examiner la nature des spectacles pour une troupe d’Acteurs imbécilles qui paroissoient alors depuis quelque temps. Il a donc jugé imprudemment sans connoissance. Les Parlemens ont agi de même. Les autres Conciles ont condamné par des motifs qui n’existent plus : c’étoit l’ancienne comédie, non la nouvelle. Les rituels & les mandemens des Evêques ne sont qu’une suite des décisions des Conciles. Un Catholique y voit, y respecte la décision, la loi de l’Eglise, la règle de la conduite dont il ne peut s’écarter sans pécher. Fagan prétend qu’ils portent à faux, & poursuivent le fantome d’une comédie qui n’est plus. Les Théologiens ne valent pas mieux que les Prélats ; ils parlent par passion, & ne cherchent qu’à entretenir le courroux de l’Eglise. Ils croient se rapprocher en disant qu’on peut tolérer ceux qui vont au spectacle, & qu’à l’égard des Acteurs on peut au moment de la mort recevoir leur abjuration. Voilà donc leur crime. Eh que peut-on faire de plus à ces pécheurs, comme à tous les autres, que de les absoudre quand ils se convertissent ? Pour la tolérance théologique de la conscience, jamais les Théologiens ne l’ont accordée aux spectateurs. Le P. le Brun est si outré, qu’on ne peut respecter que son zèle. Ainsi se défait-on cavalierement d’un adversaire trop redoutable pour oser entrer en lice avec lui. Le P. le Brun n’a rien d’outré, il ne dit que ce qu’enseigne toute la théologie ; il est plein d’érudition, de modération, de sagesse, de piété. C’est un des meilleurs ouvrages qu’on ait fait contre les spectacles. Il fut entrepris par l’ordre de l’Archevêque de Paris, & prononcé aux Conférences de S. Magloire. Le Prince de Conti n’est pas plus épargné ; il sit en 1669 un livre contre la comédie, que l’Abbé de Voisin a défendu & fort augmenté. C’est une ferveur outrée, on y apperçoit trop le dégoût du monde. C’est donc un crime à un Chrétien de ne pas aimer le monde, d’en connoître la vanité ! C’est pourtant là tout l’Evangile. Mais pourquoi dissimuler que ce Prince prouve par une infinité de passages des Pères & de Canons des Conciles, que c’est un véritable péché d’aller à la comédie ? Il oppose le Prince de Condé, qui l’aimoit & y alloit. Qu’en conclure ? Ce grand Capitaine, ce grand politique, étoit-il Théologien ? a-t-il fait des livres en faveur des spectacles ? Le vertueux Riccoboni est tourné en ridicule sur la réforme qu’il a proposée des Comédiens & du théatre. Qu’on se rassure, les Acteurs & les Actrices sont irréformables, même sur les idées d’un Comédien Italien, dont la troupe ne fut jamais accusée de sévérité. Il faut que le désordre soit bien grand, puisqu’il a cru la réforme nécessaire, par une expérience de quarante années d’exercice. Le suffrage du P. Caffaro peut-il étayer ? qui ne sait qu’il fit la plus authentique rétractation de sa décision téméraire ?

Peut-on tirer plus d’avantage de la conduite de plusieurs grands hommes qui ont lu des comédies ? les approuvent-ils pour cela ? S. Augustin s’accuse d’avoir pleuré à la lecture du quatrieme livre de l’Enéide ; il pleure ses criminelles larmes. S. Jérôme avoit lu Térence, Plaute, Ovide, Tibulle, &c. les lisoit-il encore dans son désert ? en conseilleroit-on la lecture ? S. Paul cite des vers du Poëte Ménandre ; approuvoit-il la comédie ? M. Huet dit qu’il y a dans l’Ecriture des paraboles, des allégories, des ironies qui sont de petites représentations, des peintures, des dialogues dans le Cantique des Cantiques qui semblent de petites scènes ; il a même fait l’églogue ingénieuse Mimus, où il explique l’adresse des Pantomimes à contrefaire : donc il approuve la comédie ? il permet la peinture, la sculpture, le chant : donc les tableaux, les statues, les chansons obscènes ? Le Prince de Conti a été cent fois à la comédie, Bossuet & Fenelon ont lu Moliere & Racine ; sont-ils donc des approbateurs du théatre ? Un enfant riroit de cette objection. Il cite la Bruyere. L’a-t-il lu ? il est déclaré contre le spectacle. Sénèque, qui rapporte avec éloge des traits de Publius Sirus, ne l’est pas moins. Port-Royal a traduit Térence, Nicole a loué Athalie, Arnaud a examiné Phèdre, & ils ont foudroyé le théatre. Racine, Corneille, Quinaut ont fait pénitence d’avoir composé des tragédies.

En choisissant si mal ses armes, Fagan en fournit contre lui-même par les aveux que lui attache la force de la vérité, & les erreurs où il se jette pour la combattre. Toutes les pieces qui conduisent à employer des termes sacrés ou mystiques, doivent être bannies du théatre : les sujets tirés de l’Ecriture ne doivent jamais y paroître. Les Magistrats n’ont pas permis le Moyse de l’Abbé Nadal. Que deviennent donc Esther, Athalie, Joseph, Jephté, &c. ? Quand il se trouve dans une comédie quelque trait de bonne morale, il frappe d’autant plus qu’on s’attendoit moins à l’y trouver. Quelle idée a donc le public, quelle idée a-t-il lui-même de cette école des mœurs où la bonne morale est un prodige ? N’est-il pas cruel que Corneille & Racine aient été forcés à verser des larmes sur leurs ouvrages ? Leurs ouvrages étoient pourtant décens. Ose-t-on approuver ce que ces oracles ont condamné ? Qu’on pense différemment lorsqu’au moment de la mort on examine, au flambeau de la religion, les égaremens de sa jeunesse ! Le grand usage du spectacle doit être blâmé, même en le supposant un plaisir permis. Peut-on donc permettre aux Comédiens d’y passer leur vie ? Cela seul doit suffire pour s’en abstenir tout-à-fait : il est si difficile de ne pas s’y livrer avec passion ! Que toute une ville même pieuse ne peut s’y refuser, même les jours saints. Si la modération est impossible, & l’excès criminel, la fuite est indispensable. La comédie est un plaisir très-vif. Cette idée, peu propre à rassurer les Disciples d’un Dieu crucifié, les avertit de se tenir sur leurs gardes. Un homme sage va-t-il dans des lieux où l’on ne peut s’empêcher de boire à longs traits un poison violent ? Que l’homme est ingénieux à se justifier l’usage des plaisirs ! il est inépuisable en prétextes : Quam sapiens argumentatrix sibi videtur ignorantia humana, cùm aliquis de gaudiis sæculi metuit amittere ! Tertull. de Spectac.

On veut sur-tout attirer les jeunes gens à la comédie, & leur en faire une sorte de nécessité pour leur éducation. On ose dire : Bien des jeunes gens qui ne vont pas au sermon n’auroient aucune idée de bonnes mœurs, s’ils n’alloient au spectacle. Où sont ces jeunes gens qui n’ont aucune idée de bonnes mœurs ? Ce ne peut être que dans les forêts de l’Amérique, & ceux-là n’ont pas de théatre & ne sont pas en état d’en prendre les leçons. On y perdroit bien plutôt qu’on n’y acquerroit les vraies idées des bonnes mœurs. Si on ne va pas au sermon, c’est qu’on va au spectacle, & qu’on y perd le goût des exercices de religion. Malgré les éloges qu’il fait de la morale de la comédie, l’Apologiste avoue qu’il y a beaucoup à réformer, qu’elle est très-dangereuse, qu’on ne passeroit pas aujourd’hui à la police les comédies de Moliere. Mais il compte beaucoup sur la vigilance des Censeurs, amateurs déclarés, Poëtes eux-mêmes, trop intéressés à l’indulgence pour être bien sévères. Aucun d’eux ne se fait scrupule d’y souffrir l’amour ; ils se contentent de retrancher les traits contre le gouvernement, les obscénités, les impiétés trop marquées. Encore même, s’ils sont tournés ingénieusement, ces traits obtiennent-ils grace. Mais le Censeur peut-il répondre des mœurs & de la licence des Acteurs & des Actrices ? M. Fléchier, Evêque de Nîmes, porte plus loin la précaution ; il ne veut pas qu’on imprime des écrits en faveur du théatre. Ils ôtent aux ames timorées leur timidité, favorisent le relâchement & le libertinage, du moins l’oisiveté des gens du monde. Il faut laisser aux Confesseurs le soin de décider ces sortes d’affaires, & ne pas les abandonner au jugement d’une infinité de gens qui se prévalent de tout, & ne sont pas assez sages pour s’arrêter à ce qui est permis, même par les plus relâchés.

Pour établir son corps de doctrine erronnée, Fagan avance des principes également faux ; 1.° le théatre est un danger ordinaire qu’on trouve partout, qui ne nuit qu’à ceux qui succomberoient également ailleurs ; 2.° le danger des ames foibles est bien récompensé par l’avantage qu’en tirent les forts ; 3.° il faut sacrifier le salut des ames à l’avantage temporel du public. Aussi n’adresse-t-il son ouvrage qu’au petit nombre de personnes qui savent unir le délassement avec la religion, & savent que beaucoup de préjugés donc on croyoit ne pouvoir revenir, ont été détruits dans la suite. De là vient que quantité de Saints, de grands hommes, de Philosophes, de Théologiens scholastiques, ont été favorables au théatre. Tout cela, comme on voit, est assorti à la morale relâchée. On a accusé une Société célèbre de relâchement. Jamais aucun Casuiste ne l’a porté si loin que le théatre. Il y a du danger par-tout, & ceux qui succombent au spectacle succomberoient ailleurs. Cela peut être. Mais quoi ! parce qu’il y a beaucoup de dangers, faut-il les multiplier & les augmenter ? faut-il imaginer de nouveaux pieges & de nouvelles tentations ? Nous sommes environnés d’ennemis, faut-il aiguiser leurs armes ? Tous les objets réveillent les passions ; il faut donc chercher des objets exquis, les embellir, les assaisonner pour les rendre plus séduisans, en réunir un grand nombre pour attaquer plus sûrement le cœur. Il est des tentations qui arrivent par hasard, par nécessité ; Dieu nous y donne sa grace. Il en est qu’on recherche volontairement ; Dieu nous y abandonne, on s’y perd. Quel besoin avez-vous d’aller à la comédie ? Qui amat periculum peribit in illo. Il faut sacrifier le salut des foibles pour l’avantage des forts. Ce n’est pas la morale de S. Paul : Non sunt facienda mala, ut eveniant bona. Ce sont les foibles qu’il faut sur-tout ménager : Nolite peccare in conscientiam coram infirmum. Je m’abstiendrai des choses les plus indifférentes, si quelqu’un doit en être scandalisé : Si esca scandalisat non mandacabo in æternum. Vsilà une morale bien payenne, on ne connoît que la probité, on n’a parlé d’aucune vertu chrétienne.

Autres principes aussi peu Catholiques. Il humanise la piété pour la rapprocher de la scène. Inviter l’homme à rapporter toutes ses actions à Dieu, c’est une spéculation que bien des gens ne sont pas en état de supporter. Quelle expression ! Le rapport des actions à Dieu n’est pas une spéculation, mais une pratique de piété inconnue au théatre. Peut on rapporter à Dieu la comédie & tout ce qui s’y passe ? S. Paul, qui dit à tout le monde, soit que vous mangiez ou que vous buviez, faites tout pour la gloire de Dieu, S. Paul n’étoit pas homme de théatre. On prétend que les pompes du diable auxquelles on renonce au baptême ne sont que le péché, & non le faste, le luxe, les habits pompeux, les divertissemens mondains. Les premiers Chrétiens, qui au baptême renonçoient nommément au spectacle, & qui étoient traités d’apostats quand ils y paroissoient, n’avoient pas été aux sermons de Fagan. Ne confondons pas les œuvres & les pompes de Satan. Celles-là sont des péchés ; la loi les défend. La renonciation va plus loin ; les pompes sont les avenues, les occasions, les facilités, les objets, l’aiguillon, l’instrument, le piege du péché, parés de l’éclat éblouissant de la scène, & du poison séducteur de la volupté. C’est par là que le démon reprend l’empire fatal qu’il avoit sur nous avant le baptême. Tous nos Catéchismes nous ont appris ces grandes vérités. Tout ce qui nourrit la concupiscence, réveille la cupidité, excite l’impureté ; voilà le démon, la chair & le monde, que nous abjurons. L’appareil du théatre, les maximes, les objets, les représentations, fournissent au tentateur les armes les plus fortes & les plus dangereuses. Les pompes du démon, dit S. Cyprien, sont dans l’hyppodrome, le théatre, les courses des chevaux : Diaboli pompa in theatris, in hyppodromo, in cursu equorum, venationibus, & omni hujusmodi vanitate. Mais, dit-on, les gens pieux ne connoissent d’autre péché que l’amour, & ne s’embarrassent pas de bien assortir les mariages. On n’a donc jamais entendu de sermon, lu de livre de piété ; on auroit vu l’orgueil, l’avarice, la médisance, l’irréligion, tous les vices foudroyés, aussi-bien que l’amour, & mieux qu’au théatre ; on auroit vu exhorter les parens & les enfans de bien assortir les mariage, de ne pas écouter l’ambition, la cupidité, un fol amour, mais de consulter Dieu. C’est au contraire la comédie qui apprend à les mal assortir, puisqu’elle apprend à surprendre, à braves les parens, pour ne suivre que la passion, & à profaner ce lien sacré.

La derniere ressource de Fagan est de faire l’apologie & l’éloge des Acteurs & des Actrices ; il ne tarit point, quoiqu’il lui échappe des aveux & des réflexions qui le trahissent. 1. excuse. Le théatre est-il le seul endroit où les femmes trouvent des amans ? Non, sans doute, ni les lieux publics non plus ; il y faut donc aller ? Les Actrices ne sont pas les seules qui perdent la jeunesse, ni les Courtisannes non plus ; il faut donc les fréquenter ? Quel Mentor que le sieur Fagan ! Si ce n’est pas le seul endroit, c’est du moins celui où l’on en trouve le plus & les plus dangereuses, où on apprend à en chercher. 2. excuse. Les Comédiennes ne sont pas plus immodestement habillées qu’à la Cour & à la ville, elles en suivent les modes. Ce n’est pas faire l’éloge des femmes de la ville & de la Cour. Rendons justice à la vérité, il y a sans doute à la ville & à la Cour des femmes immodestes, mais ce n’est pas le grand nombre. Elles le sont moins que les Comédiennes, qui outrent tout en ce genre ; on méprise, on traite de Comédiennes celles qui se montrent dans l’état où l’on paroît au théatre. Les Actrices ne suivent pas les modes, mais les inventent, les répandent. Le théatre maintient l’immodestie des femmes ; on seroit modeste sans lui, on l’étoit avant lui. 3. excuse. Une fille de condition peut avoir une galanterie sans être infame ; pourquoi les Actrices le sont-elles ? Parce qu’elles en font métier, & se donnent tous les jours en spectacle pour de l’argent, tiennent école de galanterie, & font tout ce qu’elles peuvent pour exciter la passion. 4. excuse. Le théatre n’est pas responsable de tous les crimes. Non ; mais il l’est d’un très-grand nombre. Une ville où n’a jamais été la comédie a ses vices sans doute, mais incomparablement moins en tout genre qu’une ville où elle règne. Elle fortifie, répand, fait aimer le mal qu’elle trouve, & en introduit de nouveau. Je ne sais en quel heureux climat est située cette ville si pure, si dévote, & cependant si enthousiasmée de la comédie, qu’on l’y joue par dévotion la semaine sainte, pour se disposer à faire ses Pâques, tandis que les villes les plus licencieuses respectent ces saints jours. Un homme sage peut-il avancer ces absurdités ? 5. excuse. Une comédie est un livre, la morale de l’opéra une chanson ; qui est assez simple pour prendre des chansons pour des vérités ? Pourquoi donc représenter ? il n’y a qu’à lire. L’action, le mélange des sexes, les passions vivantes, les gestes efféminés, les chants, les danses, n’est-ce qu’une lecture ? est-il permis de lire de mauvais livres, de chanter de mauvaises chansons ? La belle & édifiante lecture, de faire, comme dit Gresset, son oraison dans Racine, Moliere, Dancour ! Si ce ne sont que des chansons, la bonne, comme la mauvaise morale, ne sera qu’une chanson aussi. Que devient la prétendue école de vertu ? 6. excuse. Un Comédien est un Académicien. Je ne sais de quelle Académie. De la Françoise depuis l’éloge de Moliere donné pour sujet du prix. Il peut prétendre à inspirer la politesse & l’honneur. Par malheur la plupart des pieces n’inspirent que la fourberie, les intrigues, les fripponneries, pour réussir à satisfaire la passion. Quelles leçons d’honneur ! 7. excuse. Les Actrices sont des hommes de lettres, si occupées, qu’elles n’ont pas à craindre l’oisiveté. Elles n’ont pas même un moment à donner à leurs amans. Cependant, deux pages après, Fagan dit qu’elles sont trois ou quatre mois par an sans paroître sur la scène, & dans le temps le plus rempli la plus nécessaire ne paroît que trois fois la semaine. Mais ce loisir n’est employé qu’aux plus graves réflexions, aux matieres les plus sérieuses & les plus saintes. Quelles contemplatives ! les Actrices sont de vraies Carmelites. Thomassin ne montoit jamais sur le théatre sans faire le signe de la croix. Les Courtisannes Italiennes & Espagnoles commencent ainsi leurs dévotes fonctions. Beaubourg étoit un modèle de piété dans l’Eglise. Il y jouoit la comédie, il savoit jouer toute sorte de rôles. Les Pharisiens étoient si dévots ! La Beauval étoit une honnête femme. Fagan en est le garant. Il est possible qu’un Comédien soit juste devant Dieu. Nous voilà donc réduits à la possibilité ; y est-elle même cette possibilité ? ces deux idées sont si peu faites l’une pour l’autre ! Non, il n’est pas possible qu’un Comédien soit juste devant Dieu, sa profession même est un grand péché. Enfin, forcé de convenir de la dépravation des Comédiens, il implore la charité des fidèles. Il faut présumer le bien ; il s’est quelquefois trouvé des Comédiens qui par des dévotions fréquentes ont tâché de racheter devant Dieu le malheur de leur profession. Il faut le croire sur sa parole. Les usuriers, les concubinaires font quelquefois de bonnes œuvres, en valent-ils mieux ? Le grand acte de charité qu’il demande, & que l’Eglise ne fera jamais, est de révoquer l’excommunication portée contre les Comédiens, & approuver leur profession. Ce sera le moyen de les rendre saints ; l’infamie portée contr’eux les désole, ils se livrent au crime par désespoir. Faut-il pour un mauvais livre brûler une bibliothèque ? Non ; mais si tous les livres sont mauvais, on doit la brûler. Faut-il aussi approuver le désordre des mauvais lieux, & en lever l’infamie ? Quelle charité ! les loix doivent aussi rétracter les peines portées contre les malfaicteurs. Si les Comédiens sont insensibles à la honte de l’infamie, ils sont donc incorrigibles. Si la crainte des peines ne les arrête pas, que seroit la liberté ? Quand même la censure seroit levée, seroit-ce moins un péché devant Dieu ? L’Eglise peut-elle approuver une profession essentiellement mauvaise, lever la barriere de l’infamie & des censures que les gens de bien respectent ? Ce n’est qu’augmenter le danger. Ce panégiriste des Comédiens y pense-t-il, & peut-on en donner une idée plus désavantageuse, que de les représenter comme insensibles aux plus grands coups, & s’abandonnant à tout par désespoir ? Est-il étonnant que des personnes sur qui on imprime une tache continuelle, ne se piquent pas de régularité ?

Il conclud son ouvrage par un plan de réforme qui n’est pas difficile : il consiste en deux choses ; faire choix de bons sujets, & mettre ordre à leur mauvaise conduite, si elle éclatte trop ; recommander aux Censeurs d’examiner soigneusement les pieces, & de n’en point approuver d’indécente ou qui soit prise de l’Ecriture. Tout cela est bien sans doute, c’est un mal de moins ; mais ce n’est pas une réforme, le fonds du théatre reste le même, & nous dirons, comme Bossuet, n. 35. qu’on affecte de ne pas citer, quoiqu’un des plus redoutables adversaires, pour n’être pas écrasé sous le poids d’une si grande autorité : Le charme des sens est un mauvais introducteur des sentimens vertueux. Un Auteur disoit ingénieusement : Quand la vertu n’est gardée que par des vices, il est aisé de forcer la garde & de surprendre la sentinelle. La vertu payenne, mondaine, superficielle, peut à la bonne heure s’insinuer par le théatre ; mais le théatre n’a ni l’autorité, ni la dignité, ni l’efficace qu’il faut pour inspirer les vertus-chrétiennes. Dieu nous renvoie à sa loi & à sa grace pour apprendre à pratiquer nos devoirs. La touche des instructions théatrales est trop légère. Rien de moins utile qu’une école où l’on se fait un jeu des vices & un amusement de la vertu.

Telle est cette petite brochure, aujourd’hui tombée, & qui ne mérite pas un meilleur sort. C’est un amas d’erreurs, de bévues, de faux raisonnemens, de propositions téméraires, injurieuses aux Saints, aux Evêques, à l’Eglise, dont elle attaque audacieusement la morale & les censures, pour défendre l’un des plus grands maux du Christianisme.

Le célèbre Gresset, homme d’un tout autre mérite que le sieur Fagan, dans le moral & dans le littéraire, répondra d’une maniere bien convaincante à son apologie. Par une chûte que les uns regardent comme surprenante, les autres comme naturelle, il avoit passe du théatre du Collège à celui de la comédie Françoise. Plusieurs pieces qui avoient réussi, ne marquoient pas moins son talent que le Vert-Vert & la Chartreuse. Il préparoit d’autres ouvrages dont il pouvoit espérer le même succès, lorsque rentré en lui-même, toute la France a vu avec édification la Lettre aussi ingénieuse que solide qu’il a écrite contre les spectacles, le 15 mai 1759, où il déplore & répare le scandale qu’il a donné, déclare qu’il a brulé plusieurs pieces qui n’avoient point vu le jour, & démontre sensiblement le danger de la comédie. On a cru dire un bon mot quand on a dit d’un ton railleur : Il n’a point à se reprocher de scandale, en se condamnant au silence, il ménage sa réputation. Tout cela porte à faux ; Gresset étoit applaudi & méritoit de l’être, & le dépit de se voir condamné par un Auteur célèbre, qu’on ne peut accuser d’ignorance ni de foiblesse, n’ôte rien à la solidité de ses raisons & à la vérité de sa morale.

En voici quelques traits. Depuis plusieurs années j’avois beaucoup à souffrir intérieurement d’avoir travaillé pour le théatre. Convaincu, comme je l’ai toujours été, des vérités de notre religion, la seule divine & incontestable, il s’élevoit des nuages dans mon ame sur un état si peu conforme au Christianisme. Au défaut de raisons solides, j’appelois à mon secours tous les grands & frêles raisonnemens des apologistes du théatre. Je tirois des moyens personnels, d’apologie de mon attention à ne rien écrire qui ne pût être soumis à toutes les loix des mœurs (ses pieces sont en effet décentes). Mais tout cela ne pouvoit rien pour ma tranquillité. Les noms vénérables dont on abuse pour justifier les spectacles, les décisions prétendues favorables, les anecdotes fabriquées, les sophismes, tout cela n’est que du bruit, & un bruit bien foible contre le sentiment de la conscience. Je vois sans nuage & sans enthousiasme que les loix de l’Evangile & les maximes de la morale profane, le sanctuaire & la scéne, sont absolument inaliables. Tous les suffrages de l’opinion, de la bienseance, de la vertu purement humaine, fussent-ils réunis en sa faveur, il n’a jamais obtenu, il n’obtiendra jamais l’approbation de l’Eglise. Ce motif m’a décidé invariablement. L’unique regret qui me reste, c’est de ne pouvoir réparer le scandale que j’ai pu donner & le mal que j’ai pu causer par ces ouvrages. Dans les délires de la jeunesse on se laisse entraîner à établir des principes qu’on n’a point. Un vers brillant décide d’une maxime scandaleuse. L’idée est téméraire, le trait impie, n’importe, le vers est heureux, on ne peut se résoudre à le sacrifier. La vanité des mots l’emporte sur la vérité des choses, la scène, cette prétendue école des mœurs, où l’amour propre ne vient reconnoître que les torts d’autrui, & où les vérités le plus lumineusement présentées n’ont que le stérile mérite de délasser un moment le désœuvrement & la frivolité, sans arriver jamais à corriger le vices, ni à réprimer la manie des faux airs dans tous les genres & le ridicule de tous les rangs. Si quelqu’un est tenté de me condamner, qu’après avoir apprécié le phosphore qu’on nomme esprit, ce rien qu’on appelle renommée, cet instant qu’on nomme la vie, qu’il interroge la religion, qui doit lui parler comme à moi, qu’il contemple la mort, qu’il regarde au-delà. Le temps vole, la nuit s’avance, le rêve va finir. Pourquoi perdre un instant qui nous est donné pour croire & adorer, &c.