CHAPITRE VIII.
De la Comédie les jours de fête.
Dans le grand nombre d’ouvrages qu’on a écrits contre le théâtre, on n’a guère traité la question s’il est permis d’aller à la comédie les jours de fête. Tout occupé à sauver le fond de la religion et des mœurs, que les spectacles détruisent, on n’a point parlé de l’observation des fêtes, qui n’en est qu’une branche. Cependant
cette obligation remonte au commencement du monde : c’est le premier commandement que Dieu ait fait. Le Seigneur, dit la Genèse, se reposa le septième jour, le consacra par son repos, et ordonna qu’il fût à jamais observé. Le précepte du sabbat, dans la loi écrite, ne saurait être plus précis, les châtiments de la transgression plus rigoureux, les reproches plus vifs : « Memento ut diem sabbathi sanctifices. »
Quel est l’enfant Chrétien qui ignore les commandements de Dieu et de l’Eglise : Les dimanches tu garderas, etc. Les fêtes tu sanctifieras, etc. si ce n’est les enfants des Comédiens, à qui on n’enseigne pas le catéchisme ? Or je demande, quel est le Comédien qui observe cette loi, qui puisse même l’observer dans son métier ? J’ajoute que ceux qui ces saints jours vont au spectacle, la transgressent, et qu’on ne devrait pas y souffrir parmi des Chrétiens les représentations théâtrales, mêmes dans les collèges.
Mais, dira quelque mauvais plaisant, les Comédiens ne célèbrent-ils pas des fêtes sur le théâtre ? Sans doute : ils n’en célèbrent que trop. Plusieurs pièces ne sont que des fêtes, la plupart sont terminées, souvent même à chaque acte, par quelque fête, mais quelles fêtes ? les fêtes de l’Amour, de Bacchus, de Pomone, les plaisirs l’Ile enchantée, etc. Comment les célèbre-t-on ? par des intrigues, des danses, des débauches. Sont-ce là les fêtes des Chrétiens, dont quelque saint mystère est toujours l’objet, et que l’Eglise ne solennise que par des exercices de piété ? Ce sont les fêtes et les pompes du Démon, auxquelles on a renoncé par le baptême. Ces deux solennités si différentes, pour faire mieux sentir l’esprit qui les anime, sont quelquefois mises en contraste dans le même jour et le même lieu ; car dans bien des villes, sans aucun égard pour la décence, on a bâti les théâtres auprès des Eglises : les deux
foules, dont l’une va prier et l’autre offenser Dieu, se croisent et s’embarrassent ; et si l’office est un peu prolongé, comme il arrive certains grands jours, le chant des psaumes et les violons de l’orchestre se troublent mutuellement, et dans un concert très irréligieux, forment des dissonances plus insupportables à un cœur chrétien qu’à une oreille délicate. On voit même ordinairement les bateleurs, à la honte des Magistrats municipaux qui le souffrent, dresser leur théâtre dans une place en face de quelque Eglise, intercepter par ce moyen ceux qui allaient dans le lieu saint, et leur offrir, sans doute pour les préparer à la prière, ou en assurer le fruit, les gambades, les bouffonneries, les nudités, dont ces misérables théâtres foisonnent. Quel contraste dans le sein de la religion ! les uns sacrifient avec zèle le plaisir du spectacle, pour assister au service divin ; les autres ne trouvent pas un moment pour entendre la messe ou le sermon, et passent trois ou quatre heures à la comédie, ou peut-être après avoir fait de la messe un spectacle profane, où ils ne sont allés que pour voir et pour être vus, ils passeront de l’Eglise au théâtre, comme on passe des coulisses sur la scène. De bonne foi, où est le christianisme ? quelle est ici la voie étroite qui conduit à la vie, et la voie large qui mène à la mort, enfin où sera le paradis et l’enfer ? « Quam arcta via quæ ducit ad viam ! quam pauci inveniunt eam ! »
La terrible vérité du petit nombre des élus a-t-elle besoin de preuves ? Les spectacles seuls en seraient la démonstration.
Ainsi en ont parlé les Empereurs Théodose, Valentinien, Gratien, Justinien, etc. Le premier, par une loi expresse (Cod. Theod. L. 2. de Spectac. L. 15.) défend▶ absolument de donner des spectacles le dimanche, qu’on appelait alors le jour du soleil, pour ne pas profaner la solennité
du culte public : « Nullus die solis spectaculum præbeat, nec divinam venerationem confusa solemnitate confundat. »
Ses successeurs sont allés plus loin, en y ajoutant beaucoup d’autres fêtes, toujours par la même raison essentielle de religion et de piété : « Omni theatrorum voluptate per universas urbes denegata, totæ Christianorum mentes Dei cultibus occupentur. »
(L. Dominico 5. Ibid.) Loi célèbre, sur laquelle le Président Brisson a fait un savant commentaire. Elle s’observait de son temps à Paris, comme lui-même l’atteste. Or je demande si l’on a plus de raisons aujourd’hui de permettre la comédie les jours de fête, qu’on n’en avait au quatrième siècle, où le peuple, à demi Païen, accoutumé depuis mille ans dans tout l’empire Romain à toute sorte de spectacles, et livré à la plus grande corruption, pouvait encore moins s’en passer que la France, où la frivolité seule et la dépravation en ont fait un prétendu besoin. Mais les Empereurs Chrétiens ne connaissaient rien de plus nécessaire que le culte et la loi de Dieu.
Cette loi fut portée à la prière du cinquième concile de Carthage (L’année 401.). Ce concile voulait abolir le théâtre ; mais craignant de ne pas réussir, il se borna dans le canon 61 à demander à l’Empereur que les spectacles fussent interdits les dimanches et les grandes fêtes de l’année, et que même les autres jours les Chrétiens ne fussent point obligés d’y aller. L’Empereur souscrivit avec plaisir à des prières si justes ; tous les Chrétiens s’y conformèrent avec joie. Heureux siècle, où l’on respectait le grand précepte de la sanctification du sabbat, et où les autres jours même il fallait user de violence pour forcer les Chrétiens de paraître à la comédie ! Cet heureux temps n’est plus, les Acteurs et les amateurs connaissent-ils des temps consacrés au
service de Dieu ? « Ut spectacula theatrorum, cæterorumque ludorum die dominico, et cæteris religionis christianæ diebus celeberrimis amoveantur, nec oportere quemquam Christianum cogi ad spectacula. »
Nous avons dit que le zèle de ces Princes ne se borna pas à interdire les jours de dimanche les spectacles aux Chrétiens, ils y ajoutèrent beaucoup d’autres fêtes, et renfermèrent dans la défense les Juifs et les Païens. « Quoique d’une religion différente, dit la loi, ils ne connaissent point nos fêtes, ils doivent les respecter et s’abstenir du théâtre. »
Sur ce principe on les obligeait de s’abstenir des œuvres serviles. A plus forte raison y oblige-t-on les Protestants les jours des fêtes des Saints, dont ils avouent la sainteté, quoiqu’ils n’en approuvent pas le culte religieux. « Si quis vel Judeæ impietatis amentia vel stolidæ paganitatis insania detinetur aliud noverit esse supplicationum tempus, aliud voluptatum. »
Il semble d’abord que le peuple étant libre les jours de fête, on pourrait tolérer en sa faveur un divertissement qui alors ne prend rien sur son travail ; mais le théâtre ne fut jamais dans le christianisme un moyen de sanctifier les fêtes, il n’est bon qu’à les profaner. Et chez des Princes Chrétiens l’intérêt de la religion l’emporta toujours sur celui de la politique. On peut voir la loi 7. et la loi 11. C. de feriis, où Justinien rappelle et renouvelle les lois de ses prédécesseurs. Tous les Jurisconsultes sont sur ce point unanimes : pourraient-ils penser autrement que la loi ?
Qu’on ne pense pas, ajoute l’Empereur, être dispensé de la loi lorsque des réjouissances publiques, même le jour de notre naissance ou de notre avènement à l’empire, tombent le dimanche ou dans quelqu’une de ces fêtes. Ce serait nous faire mal la cour de les célébrer alors par des spectacles. Que tout le monde soit bien persuadé qu’on
ne peut nous plaire qu’en rendant hommage au Dieu tout-puissant : on ne nous rend jamais plus d’honneur que quand on l’honore davantage. Les maîtres du monde ne croyaient pas que d’avoir de la religion, c’était se dégrader par des bigoteries. Les temps ont bien changé : une fête publique, la plus simple entrée de quelque Seigneur dans une ville, le jour de dimanche ou quelque autre (car qui songe à la fête ?), n’est bien célébrée que par quelque comédie : « Ne quis ambigat quod tunc maxime nobis ab humano genere defertur, cum virtutibus Deo omnipotenti obsequium orbis impenditur.
. »
Les jours où les spectacles sont défendus par l’Empereur, sont les fêtes de Noël, de l’Epiphanie, de Pâques, de Pentecôte et des Apôtres, tout le carême, la semaine sainte, la semaine de Pâques (Voilà toutes les fêtes connues alors dans l’Eglise). C’étaient, dit-il, des jours destinés à célébrer la régénération des fidèles dans le baptême, et l’heureux établissement du christianisme par la descente du Saint Esprit, pendant lesquels les nouveaux baptisés sont revêtus de blanc pour célébrer leur naissance spirituelle. Tout cela est expliqué fort au long dans le commentaire du Président Brisson : « Quamdiu cœlestis lumen lavacri, imitantia novam sancti baptismatis lucem candida vestimenta testantur. »
Il n’y a point de fête qui outre la fin générale du culte de Dieu, si opposée à celle du théâtre, n’ait aussi son esprit particulier qui ne le combat pas moins. La Nativité nous offre un Dieu né dans une étable, couché dans une crèche ; le spectacle nous montre le vice triomphant dans la magnificence et le luxe. L’Epiphanie nous invite à l’adorer avec les Mages ; le théâtre nous engage à adorer avec le monde le crime dans les Dieux et dans les Héros. La Purification nous fait admirer une Vierge qui vient dans le temple consacrer son Fils au Seigneur ; sur la scène on est enchanté d’une Actrice qui vient immoler les cœurs au Démon. La semaine sainte nous conduit aux pieds de la croix du Sauveur mourant ; le théâtre nous étale les idoles de la débauche. Nous nous réjouissons à Pâques de la gloire de la résurrection ; on va au parterre applaudir à des danseuses, à des chanteuses. A la Pentecôte nous invoquons le Saint Esprit, qui remplit les Apôtres de ses lumières ; à la comédie on est rempli de l’esprit du Démon, qui entraîne au péché. A la Fête-Dieu nous remercions la divine bonté qui nous nourrit du fruit de vie ; nous apprenons aux loges et aux coulisses à nous en éloigner, à le profaner, à lui substituer le pain de mort, de la volupté. Dans les fêtes nous chantons des cantiques, nous écoutons la divine parole, nous faisons des prières, nous approchons des sacrements ; aux spectacles on chante des chansons licencieuses, on prêche la morale lubrique de Quinault, les impiétés de Molière, on rend hommage aux anciennes et aux nouvelles Déesses, à Vénus et aux représentantes. Ceux qui n’ont pas tout à fait abjuré le christianisme, croient pouvoir concilier ces deux ennemis : ils vont sans scrupule de l’Eglise au théâtre, du sanctuaire aux foyers, de l’office divin aux Italiens, de Bourdaloue à Racine. Les autres abandonnent tout à fait le culte divin, pour se livrer au plaisir. Quel des deux est le plus déplorable, de l’irréligion ou du sacrilège ? Mais à quoi bon, dira-t-on, citer ces ordonnances rendues il y a mille ans, et ces raisons de mysticité dont notre siècle se moque ? les Comédiens, le parterre, entendent-ils ce langage dévot ? avez-vous du goût pour le ridicule, et voulez-vous fournir la matière de quelque scène comique ? On a raison : il faut se taire, prier et gémir.
La défense des spectacles aux jours de fête n’est pas aujourd’hui si rigoureuse en France qu’elle l’était dans les empires d’Orient et d’Occident, et par conséquent dans les Gaules, qui en faisaient partie. L’ordonnance d’Orléans (article 24.) et celle de Blois (article 38.) se bornent à les interdire les jours de dimanche et de fête pendant l’office divin. La fureur du théâtre est si grande, que le Prince a cru n’en pouvoir exiger davantage : ce n’est qu’à regret sans doute que sa religion aura été forcée de se renfermer dans ces bornes. Les Comédiens font beaucoup valoir l’usage de suspendre les représentations pendant la semaine sainte. Ce serait en effet une chose criante de jouer la comédie tandis que toute l’Eglise en deuil est occupée de la passion et de la mort de son Dieu. Ils ferment bien le théâtre à la maladie du Roi, à la mort des Princes ; l’ouvriront-ils à la mort d’un Dieu ? Mais sans vouloir diminuer le prix d’une action de religion qu’au contraire je loue, je souhaiterais qu’aussi fidèles à la piété le reste de l’année, ils ne profanassent et ne fissent profaner aucun jour de fête par des divertissements si opposés à leur sanctification, et même qu’ils renonçassent à un métier si pernicieux.
Mais si la police du royaume, qui ne réprime que les désordres les plus grossiers, n’a expressément proscrit les jeux de théâtre que pendant l’office divin, les Conciles de toutes les provinces les ont absolument interdits les jours de fête. On peut en voir un recueil, tom. 5. des Mémoires du Clergé, du Culte divin, tit. 2. ch. art. 31. et suivants. (Concile de Rouen en 1581. Concile de Reims en 1583. « Ludos theatrales, etiam prætextu consuetudinis exhiberi solitas, in festivitatibue omnino prohibemus.
) » (Concile de Bordeaux, Concile de Tours, même année 1583. « Ludos scenicos vel theatrales, et alia hujus generis irreligiosa spectacula,
sub anathematis pœnæ prohibet.
) » (Concile de Bourges en 1584. d’Aix 1585. « Prohibetur larvas et ludos theatrales diebus festis exercere.
) » (Celui de Narbonne en 1589. « Non fiant ludi theatrales, spectaculæ, aut tragediæ, nec choreæ, etc.
) » L’assemblée du Clergé à Melun, en 1579. titre des Fêtes, tient le même langage. Un arrêt du Parlement de Paris du même temps (1. oct. 1588.) les ◀défend▶ à tous bateleurs, joueurs de farce, et semblables, esdits jours de fête. Bien plus, le Concile de Sens (en 1528.) ◀défend▶ d’employer des acteurs ou des violons, et autres instruments du théâtre, dans les motets qui se chantent dans l’Eglise, et même de les y laisser entrer : « Prohibemus ne Histriones aut Mimi intrent Ecclesiam ad pulsandum tympano, cythara, aut alio instrumente musicali. »
D’où il est aisé de conclure qu’on ne doit pas souffrir que les Organistes, Musiciens, ou instruments du Chapitre, aillent chanter ou jouer au théâtre. On trouve de pareilles défenses dans le Concile 3. de Milan, titre des Fêtes, dans le Concile 3. de Tolède, can. 23. etc.
Les mêmes Conciles ◀défendent▶, les jours de fête, les danses publiques, les jeux de hasard, la fréquentation des cabarets. Les ordonnances de nos Rois ne sont pas moins sévères sur tous ces articles, et si elles s’expliquent moins sévèrement sur le théâtre, il est aisé de comprendre que le théâtre égalant et surpassant même tous ces désordres, il est à plus forte raison conforme à leur esprit de s’en abstenir. Les raisons en sont bien sensibles. Ces divertissements, disent les Conciles, profanent la décence et la sainteté de l’Eglise : « His Ecclesiæ inquinatur honestas et sanctitas. »
Il faut sanctifier les fêtes, en imitant les Saints dont on fait la mémoire, non par de frivoles amusements : « Imitentur his diebus Sanctos quorum memoriam celebrant. »
Il est absurde que
par des plaisirs frivoles et séduisants on détourne les fidèles de l’office divin et des exercices de piété, dans des jours destinés à apaiser un Dieu irrité : « Valde absurdum est diebus Deo propitiando destinatis, fallacibus istis Satanæ blanditiis illectos fidèles, a divinis officiis et supplicationibus religiosis abduci. »
Tous les Parlements ont interdit les Congrégations des Jésuites, comme des assemblées dangereuses, et comme des exercices opposés à la sanctification des fêtes, en détournant de l’assiduité à la paroisse. Je ne réclame point contre leurs arrêts ; mais j’en conclus qu’ils n’épargneront pas les théâtres, qui à ce double titre méritent plus la proscription. On ne dira certainement pas que les amateurs de la comédie soient plus assidus à la paroisse que les Congréganistes, qu’ils soient plus pieux, qu’ils sanctifient mieux les jours de fête. L’Apologie des Jésuites attribuée au P. Neuville, et digne de lui, parce qu’elle est très bien écrite, parle ainsi (l. 1. C. 17.). « De quelle utilité ne doit pas être pour l’Etat un établissement de Congrégations qui tous les jours de fête, qu’on sait être pour la multitude des jours de dissolution, ôte deux ou trois heures à la passion, et occupe à la prière, à de pieuses lectures, à de bonnes œuvres, un temps qu’elle perdrait peut-être dans l’ivresse, les querelles, la débauche, les théâtres ? Nous ne nous permettrions jamais ce parallèle, propre à faire rougir la religion, s’il n’était encore plus propre à faire rougir l’impiété. Les théâtres sont regardés par quelques politiques comme un établissement utile, parce que dans les temps d’oisiveté ils peuvent faire diversion aux crimes. Comment donc la politique n’applaudirait-elle pas aux Congrégations, qui dérobent tant d’occasions au vice et fournissent tant de moyens à la vertu ? »
Suivons un moment la comparaison. De part et d’autre ce sont des assemblées ; mais l’une bien plus nombreuse, se fait tous les jours ; l’autre une fois la semaine, le dimanche. Dans l’une c’est un mélange des deux sexes et de tous les états, y va qui veut. Dans l’autre ce sont des gens connus et choisis ; point de mélange de sexe, les états mêmes sont séparés pour mieux proportionner l’instruction, Ecoliers, Artisans, Messieurs, Ecclésiastiques. Les Congréganistes sont communément des gens de bien ; ils ne vont régulièrement à des exercices peu amusants, que par principe de piété, ils n’y font que de bonnes œuvres. Ceux qui fréquentent assidûment la comédie, ne sont que des libertins, n’y vont que par libertinage, n’y apprennent, n’y pratiquent que le vice. On est édifié dans les Congrégations, on n’y entend que de bonnes choses, on n’y voit que des objets de piété et de bons exemples, on y célèbre la sainte messe, on y approche des sacrements, on y forme des liaisons utiles, on en revient plus réglé, instruit, touché, pieux. Qui oserait comparer la morale du théâtre avec un sermon, les décorations avec les tableaux d’une Eglise, les chants, les danses, avec des exercices de piété, les actrices, les coulisses, les loges, le parterre, avec des assemblées de religion ? Mais est-ce bien sérieusement que je compare les Congrégations à la comédie ? Non sans doute ; mais j’en conclus très sérieusement que la justice, la sagesse, le zèle du bien public, ne permet pas à plus forte raison aux Magistrats de tolérer les théâtres, après avoir supprimé les Congrégations. La suppression des Jésuites impose la même loi. Jamais leur morale ne fut plus relâchée que celle du théâtre. Pour faire un livre d’assertions plus infâme en tout genre que celui qui a fait condamner ces Pères, on n’a qu’à extraire la moitié des opéra, comédies, tragédies, farces, théâtre italien, on fera une chaîne de tradition non interrompue, jusqu’au moment présent, des plus grandes horreurs, même du régicide. Attendons tout du zèle des Parlements sur l’objet le plus pernicieux à la religion et aux mœurs.
Ce n’est point ici un zèle outré. Rien n’est plus opposé à la sanctification des fêtes que les représentations théâtrales. 1.° Ce sont des œuvres serviles. 2.° Ce sont des œuvres dangereuses, et même mauvaises. 3.° Fussent-elles indifférentes, ces œuvres empêchent les bonnes. Qu’on consulte tous les bons Casuistes (le P. Alexand. Théolog. moral. de Fest. Reg. 3. Collet, sur le troisième commandement, C. 3. art. 1. Pontas, v. Dimanche, C. 5.), sans compter une multitude d’anciens, on verra que le sentiment presqu’unanime condamne les spectacles les jours de fête.
1.° La servilité de l’œuvre n’est pas douteuse pour tous les ouvriers qui travaillent au théâtre, aux décorations, aux habits, aux machines, aux chandelles, à habiller, parer les Acteurs et les Actrices les heures, les journées entières, et pour des objets qu’on ne peut certainement traiter d’absolument nécessaires ; pour tous ceux qui enseignent à chanter, à danser, à réciter, à jouer des instruments. Qui doute que les leçons d’un maître à danser, d’un maître de musique, du violon, du clavecin, etc., ne soient des œuvres serviles ? en est-il aucun qui aille donner ses leçons les jours de fête ? le souffrirait-on ? Le théâtre change-t-il la nature de l’œuvre ? la rend-il meilleure ? Enfin cette servilité n’est pas douteuse pour les Acteurs, car quoique la déclamation ne soit pas par elle-même une œuvre servile, elle est devenue pour eux un métier très servile, et servilement exercé. Qu’est-ce qu’un Comédien ? un artisan, qui aussi bien qu’un Tapissier, un Charpentier, un Cordonnier, gagne sa vie à servir le public pour de l’argent. La poésie et la musique sont bien des arts libéraux, aussi bien que l’architecture et la peinture. Ainsi la composition des pièces n’est point pour l’Auteur une œuvre servile ; mais l’exécution est mécanique, aussi bien que de bâtir la muraille et de broyer les couleurs. Il faut de l’esprit et du talent pour bien rendre un personnage, comme il en faut pour faire un habit de goût, un ameublement bien entendu, une menuiserie, un équipage, etc. Mais l’œuvre n’est pas moins servile ; le corps et ses attitudes, la voix et ses inflexions, les pas, les gestes y dominent plus que l’esprit, qui n’est ici qu’une sorte de goût et de routine. C’est si bien un métier et des plus serviles, qu’on n’y a jamais employé que des esclaves, tandis que l’esclavage a été souffert, et depuis qu’on l’a aboli, on n’y a jamais vu que des gens de la lie du peuple, ou si quelquefois le libertinage a fait entrer un honnête homme dans quelque troupe, il n’a fait que se dégrader en y entrant ; et je demande aux plus grands amateurs s’ils voudraient se déshonorer jusqu’à se faire Comédiens, ou souffrir que leurs femmes, leurs enfants, leurs parents s’en fissent ? Le temps qu’on y donne est plus que suffisant pour un péché grief ; on y consume plusieurs heures, on le fait cent fois, on y consacre toute sa vie. Ceux qui ces jours-là, vont à la comédie s’engagent eux et leurs domestiques à beaucoup d’œuvres serviles, la toilette est plus longue et plus embarrassante, le baigneur, la coiffeuse, le valet, la femme de chambre, y passent une partie de la journée. Les représentations théâtrales sont donc évidemment des péchés mortels les jours de fêtes. Ceux qui y vont en sont complices, tout se fait pour eux ; ils paient les ouvriers comme d’autres qui travaillent pour eux. On en est donc coupable devant Dieu. La loi est expresse : Vous ne ferez travailler ni vos enfants, ni vos esclaves, ni vos animaux, ni même les étrangers qui passent sur vos terres : « Etiam filii tui, et servi, et jumentum, et advena. » Exod. 20.
Les raisons de dispense des œuvres serviles, sont le culte divin, pour parer les autels ; la charité du prochain, pour servir un malade ; une perte considérable, pour cueillir la moisson exposée à l’orage ; un danger de naufrage sur mer, une incendie à éteindre, une ville assiégée à ◀défendre▶, un besoin pressant, un pauvre qui n’a pas un morceau de pain, les aliments ordinaires à apprêter, etc. Quelque hardi que soit le théâtre, je ne pense pas qu’il ose accorder à la comédie aucun de ces privilèges. Quelle part a-t-elle au culte divin ? quel service rend-elle aux malades ? quelle nécessité publique ou particulière ? Quel besoin pressant, quel danger, obligent à monter sur le théâtre, ou à venir aux spectacles ? Tout au contraire engage à s’en éloigner, le culte divin qu’il empêche, la charité qu’il refroidit, l’intérêt temporel qu’il ruine, le bien des familles qu’il scandalise, le plus grand danger qu’il présente, l’attrait des passions et des vices, le plus grand intérêt public, la religion et les mœurs qu’il corrompt. Encore même dans le cas de la nécessité, doit on demander à l’Eglise la permission de travailler. Un Comédien y pense-t-il ? l’oserait-il ? Pontas dans son Dictionnaire, au lieu cité, décide que le Seigneur justicier et le Juge pèchent, s’ils souffrent les spectacles dans leur paroisse les jours de fête. L’irréligion peut faire oublier ou plutôt mépriser un commandement si sacré ; l’ignorance excuserait-elle ? qui l’ignore, qui peut l’ignorer ?
2.° Aller à la comédie, à plus forte raison la représenter, est une action frivole, dangereuse, mauvaise. Je le démontre dans tout cet ouvrage. Elle est donc opposée à la sanctification des fêtes ; la conséquence est évidente, le principe est certain et reconnu de tout vrai Chrétien. Aucun qui n’en soit persuadé, qui ne s’en confesse, qui n’y renonce, quand il rentre en lui-même, surtout à l’heure de la mort, où tout se montre dans son vrai jour. Le théâtre fut-il par lui-même indifférent, il devient très mauvais par la multitude des péchés qui s’y commettent, qui en sont inséparables, dont il est l’occasion prochaine ; pensées, paroles, regards, actions, parties de plaisir, esprit de malignité, d’irréligion, les péchés en sont les préludes, le cortège, les suites ; c’est évidemment un scandale public, une source intarissable de fautes : quelle sanctification des fêtes ! n’est-ce pas là la véritable fête du démon ?
Il est trois sortes de servitudes, dit S. Thomas (2. 2. quest. 122. art. 4.). La première, de l’homme à Dieu : elle est infiniment utile et glorieuse et fait faire de bonnes œuvres ; elles sont expressément commandées pour la sanctification des fêtes. La seconde, de l’homme au démon, par le péché : infiniment funeste, elle produit les mauvaises œuvres. La troisième, d’homme à homme : elle est indifférente, et devient bonne ou mauvaise par l’usage que l’on en fait ; les services qu’elle fait rendre, sont les œuvres serviles. Elles sont défendues par le texte du précepte, les mauvaises par son esprit et sa fin. Rien de plus opposé à la sanctification de la fête que le péché ; il l’est plus que les œuvres serviles, par elles-mêmes indifférentes. Il en est de la sainteté des temps comme de celle des lieux ; un péché commis dans l’Eglise en est plus grief, il tient du sacrilège. La fête imprime de même au péché un nouveau degré d’énormité ; les seules distractions volontaires pendant la messe sont des péchés ; un péché plus volontaire encore est bien plus condamnable qu’une simple distraction. L’irrévérence dans le lieu saint est condamnée ; est-il de plus grande irrévérence qu’un péché ? Quoique les Théologiens soient partagés sur la qualité de ces deux circonstances du temps et du lieu, que plusieurs prétendent n’être pas mortellement aggravantes, il n’y en a aucun qui n’avoue qu’elles l’augmentent du moins véniellement, et qu’elles sont plus opposées que les œuvres serviles à la sanctification des fêtes. Il vaudrait mieux, disait S. Augustin, labourer que pécher ; et pour ne pas laisser d’excuse dans l’innocence prétendue du spectacle, il dit expressément en plusieurs endroits : Il vaut mieux travailler toute la journée que d’aller au bal ou à la comédie : « Melius est arare qum saltare vel in theatro desidiosus existere. »
Il est rare qu’on déclare à confesse la circonstance du jour de la fête. On a tort, puisqu’elle est aggravante. Ce qui peut excuser, c’est que la plupart des péchés étant bientôt commis, ils n’emportent pas le temps qui serait nécessaire pour qu’une œuvre servile fût une transgression mortelle. Mais lorsque le péché dure les heures entières, comme le bal, la comédie, les lectures mauvaises, il n’est pas douteux que la circonstance ne doive être déclarée, comme mortellement aggravante. Tout cela paraît encore plus évident, quand on pense que Dieu exige de bonnes œuvres les jours de fêtes. Rien de plus opposé aux bonnes œuvres que le péché. Un ouvrier dont on paie les journées, un Ministre chargé de quelque affaire, un soldat commandé pour quelques travaux, un domestique employé à quelque service, etc., se rendent coupables par la seule omission de leurs devoirs, s’occupassent-ils d’ailleurs même à de bonnes choses. A combien plus forte raison seraient-ils inexcusables, s’ils insultaient leur maître, leur Roi, si au lieu de ménager ses intérêts, ils lui causaient du dommage. Tous les Pères, tous les conciles tiennent ici le même langage. Celui qui forme le péché s’en rend esclave : Servus est peccati. Il n’est point d’œuvre plus servile, par conséquent plus interdite les jours de fête. Le théâtre est un tissu de péchés ; rien de plus servile, de plus proscrit les jours de fête que le théâtre. Quel langage ! C’est celui de la vérité. Il passera pour une folie. A la bonne heure, la religion Chrétienne passait bien pour une folie aux yeux des sages Païens : Gentibus stultitium.
3.° Enfin le théâtre ne fût-il qu’un obstacle aux bonnes œuvres, il devrait être interdit les jours de fête. Ce grand principe, faire le bien et fuir le mal, a surtout lieu ces saints jours. Le précepte de leur sanctification est, et négatif, en ce qu’il ◀défend les œuvres mauvaises et les œuvres serviles, et affirmatif, en ce qu’il ordonne des œuvres de piété ; d’abord la messe, d’une manière précise et absolue ; et l’office divin, la parole divine, l’approche des sacrements, etc., autant qu’il est possible. La seule expérience pourrait décider la question. Quel est le Comédien qui daigne aller à la messe, à vêpres, au sermon, surtout les jours de représentation ? Les amateurs de la comédie n’y vont guère davantage, et à moins que quelque cérémonie d’éclat, quelque brillant motet, quelque Prédicateur extraordinaire, ne pique la curiosité, cette nation ne grossit pas la foule aux exercices de piété, et n’y est pas un modèle de modestie. Le scandale est frappant dans ces occasions, lorsqu’on a l’imprudence d’y appeler pour chanter ou jouer des instruments, les Musiciens de l’opéra. Le tumulte, les dissolutions, les irrévérences, montrent à l’oreille, au doigt et à l’œil, les suppôts et les amis du théâtre. Que le Casuiste le plus relâché juge donc si c’est là sanctifier les fêtes.
Quoique les autres œuvres de piété ne soient pas d’une obligation aussi précise que la messe, puisque l’Eglise nous laisse la liberté du choix, ce serait s’abuser de croire qu’après une messe basse entendue, on est quitte de tout, et si fort maître de son temps, qu’on peut impunément le perdre. Tous les temps sont à Dieu, aucun instant ne nous est donné que pour travailler à son service, aucun dont on ne doive rendre compte, où l’on ne puisse gagner le paradis ou l’enfer. Les jours de fête sont spécialement réservés à Dieu, il en exige plus sévèrement un saint usage et un compte plus rigoureux. Il appelle le jour du sabbat délicat, pour marquer avec quel soin extrême on doit le sanctifier : Sabbatum Domini delicatum. Au spectacle apprend-on, pratique-t-on cette sainte délicatesse ? Sa durée, plus longue que celle des plus longs offices, emporte une grande partie du jour ; les préparatifs, les suites emportent le reste. Une honnête recréation est permise les jours de fête, plus même que les autres jours. Un des objets du précepte est le délassement du corps, par la cessation du travail. Mais un divertissement si vif, si long, si suspect, si opposé à la sainteté, ne fut jamais cette joie sainte que Dieu recommande, cette honnête recréation qu’il permet : Gaudate in Domino semper. Que les plaisirs du monde sont dangereux ! on les recherche en insensé, on s’y livre en bête, on y croupit en démon. Il en est peu que la religion ne condamne, que la vertu ne redoute, que la pénitence n’interdise. Un plaisir dont l’ivresse est la plus grande, obtiendra-t-il grâce les jours de fête ? le précepte de la cessation du travail ne serait-il donc qu’un précepte d’oisiveté, et par conséquent de libertinage ? le commandement de la sanctification ne serait-il qu’une loi de paresse, qui canoniserait la source intarissable de tous les vices ?
Non seulement le théâtre détourne des exercices de piété, mais encore il apprend à farte fort mal le peu qu’il laisse pratiquer. L’idée de la comédie, portée à l’Eglise, portée partout, dégoûte de toute pratique de religion : le théâtre inspire un esprit de dissipation et de frivolité, un goût de mollesse et de volupté, un penchant à la satire et à la malignité, une tournure de mensonge et de fausseté, un ton d’irréligion et d’impiété, le mépris de tout objet sérieux, l’opposition à toute réflexion religieuse ; prière, lecture, instruction, visite des pauvres, pénitence, modestie, en un mot il éloigne de tout ce qui forme la vie Chrétienne. Les fêtes sont établies pour rendre hommage à Dieu et faire rentrer l’homme en lui-même, pour s’instruire, s’animer, approcher des sacrements, demander des grâces. Le spectacle écarte toutes ces idées, éteint tous ces sentiments, abolit tous ces exercices. Quel est le Comédien qui fait ses pâques ? Il aurait horreur de son infâme métier, s’il les faisait. L’entrée dans la troupe est un renoncement solennel à la pénitence et à l’Eucharistie. On se moquerait d’une Actrice qu’on verrait se confesser et communier : n’en est-elle pas indigne ? elle irait manger et boire sa condamnation ; on n’a pas besoin de l’exclure, elle se fait justice. Les amateurs du théâtre n’en approchent guère davantage ; je m’en rapporte à leur conscience : qui pourrait soutenir l’assemblage monstrueux de la comédie avec la sainte table !
O aveuglement ! ô impiété ! disait S. Cyrille, d’employer les saints jours au jeu, aux danses,
aux spectacles, et se rendre d’autant plus criminel, que les jours qu’on devrait sanctifier, et qu’on profane, sont plus saints : « O cæcam impietatem, diebus festis, cum magis virtutibus est incumbendum, et a sceleribus abstinendum, curritur ad ludos, spectacula, choreas, ad irrisionem divini nominis, et diei prævaricationem, eo gravius fit peccatum, quo tempore sanctiori committitur. »
Ajoutons, en terminant ce chapitre, que selon l’esprit et les lois de l’Eglise, on ne doit pas aller à la comédie les jours de jeûne. Le théâtre doit donc être fermé tout le carême, les quatre temps et les vigiles. Mais c’est trop demander : les Comédiens savent-ils s’il y a un carême, des vigiles et des quatre-temps ? en est-il un seul qui observe ni abstinence ni jeûne ? Sans se donner la peine, comme les Protestants, de combattre la loi et l’autorité de l’Eglise, ils se moquent de ceux qui leur en parlent. Le grand nombre des mondains qui vont habituellement à la comédie, ne l’observent pas mieux : que leur dirais-je ? leur parlerais-je de l’esprit et de la fin d’une loi dont ils méprisent les dispositions les plus expresses ? Pour le petit nombre des amateurs qui l’observe, je lui représenterai que non seulement l’esprit de pénitence proscrit toutes ces voluptés, mais qu’en particulier deux choses condamnent les spectacles dans la loi du jeûne. 1.° Le jeûne doit être exempt de péché et accompagné de bonnes œuvres. 2.° Le véritable jeûne ne se borne pas à la privation des aliments, il embrasse tous les plaisirs : « Frustra corpori esca subtrahitur, nisi mens ab iniquitate reveretur. »
S. Léon. A quoi vous servent vos jeûnes, disait le Seigneur aux Juifs ? j’y trouve le vice de votre propre volonté, qui les dépare. Vos jeûnes sont extrêmes, disait le Sauveur aux Pharisiens, vous
affectez même un air de tristesse qui en annonce la rigueur. Les péchés que vous y commettez, vous en font perdre le mérite. Dieu n’en tient aucun compte. Pour jeûner comme il faut, unissez-y la prière et l’aumône, le démon n’est vaincu que par ces armes ; offrez le sacrifice d’un cœur contrit, visitez les malades, rendez justice à vos frères, pratiquez les vertus, refusez-vous les plaisirs des sens ; faites jeûner vos yeux, détournez-les de la vanité ; faites jeûner vos oreilles, fermez-les aux mauvais discours ; faites jeûner votre langue, interdisez-lui les paroles inutiles ; faites jeûner votre cœur, n’y souffrez que de pieux mouvements ; faites jeûner votre esprit, rejetez toutes les mauvaises pensées. A quoi vous servira l’abstinence, si le dédommagement de la volupté vous rend criminel ?
Est-ce donc moi qui tiens ce langage ? Non : c’est celui de tous les Pères, de tous les conciles, c’est celui de la religion. O vous à qui il reste encore quelque principe de piété, que le théâtre arrachera bientôt, si vous entretenez des liaisons avec lui, en voilà tous les fruits ; l’esprit, le cœur, les sens, tout y est souillé, tous les vices y règnent, toutes les vertus chrétiennes y sont anéanties. Vous auriez beau faire des œuvres de pénitence, vous détruiriez d’une main ce que vous auriez bâti de l’autre, et Dieu serait plus irrité de votre présence à la comédie, qu’honoré de tous vos jeûnes. S. Grégoire de Nazianze (Epist. 74.) fait les plus vifs reproches à un Gouverneur de province qui avait donné le spectacle un jour de jeûne, et S. Chrysostome (Hom. 5. in Genes.) reprend fortement le peuple d’y avoir assisté pendant le carême. Mais connaît-on les saints Pères à la comédie ? un Acteur est-il fait pour être pieux ? une Actrice veut-elle l’être ? peut-elle souffrir qu’on le soit ? un spectateur y va-t-il par piété ? peut-il l’y conserver ?
Finissons par une autorité singulière, mais très respectable, peut-être plus frappante. C’est celle du Prince de Conti, dans son fameux Traité contre la Comédie. Il décide très précisément (Pag. 48. et 49.), d’après et les canons les Pères, que « la comédie est contraire à la sanctification des fêtes, que c’est un plus grand péché que de faire des œuvres serviles, que c’est ajouter crime sur crime, mépriser Dieu, sa parole et ses sentiments, etc. »
. A quel titre récuserait-on l’autorité d’un si grand Prince ?