Introduction.
« Evitez cette école où l’on instruit les cœursA flatter la licence, à mépriser les mœurs. »Cardinal de Bernis.
Autrefois ceux qui faisaient profession de piété témoignaient, par leurs discours et leur conduite, l’horreur qu’ils avaient pour les spectacles ; et ceux qui se les permettaient reconnaissaient du moins qu’ils ne suivaient pas en cela les règles de la religion. Mais aujourd’hui qu’on a trouvé l’art de concilier le devoir avec le plaisir, on ne se contente pas de les fréquenter ; on veut encore qu’ils soient innocents. On va même jusqu’à ériger les comédiens en docteurs et les comédies en leçons de morale propres à réformer le vice. Comme il n’y a point de divertissements qui flattent davantage les passions, on ne néglige rien pour s’en assurer une possession douce et tranquille ; on s’en forme une idée métaphysique ; on en sépare dans la spéculation le mal qui en est inséparable dans la pratique ; et on s’imagine ensuite qu’il n’y a point de mal à les fréquenter. Mais ce n’est point dans une spéculation chimérique qu’il faut les considérer, c’est dans la pratique commune et ordinaire. Il faut considérer quelle est leur origine, quelles sont les mœurs ordinaires des acteurs et des actrices, quelle est la matière et le but de leurs représentations ; quels effets ces représentations produisent dans les acteurs et dans les spectateurs ; quelles impressions elles leur laissent. Il faut considérer ensuite si tout cela peut se concilier avec la vie et les sentiments d’un disciple de Jésus-Christ et d’un véritable chrétien. Il sera alors facile de reconnaître que l’innocence ne court nulle part de plus grands dangers que dans les spectacles ; que c’est là que le père du mensonge règne en souverain, qu’il débite ses maximes, qu’il distille son poison, qu’il allume ses flammes, et qu’il égorge les victimes dont il doit se rassasier au jour des vengeances. C’est ce que nous allons démontrer dans cet écrit.