CHAPITRE III.
Des Comédies de ce temps, si elles sont moins mauvaises et moins
condamnables que celles du temps passé.
Paroles de l’Auteur.
« C’était quelque chose de si horrible et de si infâme que la Comédie, comme on la jouait du temps de nos pères, qu’il n’y a personne à l’heure qu’il est, qui ne la condamnât, comme ils ont fait. Et ce n’est pas une chose étonnante que ces saints Personnages aient employé toute la force de leur zèle contre une chose aussi scandaleuse qui fût dans l’Eglise. »
Réponse.
après que les Empereurs eurent embrassé le Christianisme, il est certain que l’infamie des spectacles ou cessa entièrement, ou au moins diminua beaucoup. Les Pères de l’Eglise ne laissèrent pas néanmoins de continuer après cela à parler encore contre la Comédie avec autant de zèle et de force, qu’ils avaient fait auparavant.
Ce n’était donc plus l’infamie des pièces, que les Comédiens
représentaient alors, qui engageait les Pères à en user ainsi ; mais c’étaient d’autres
raisons pareilles à celles que j’ai ci-devant exposées, qui les portaient à représenter
aux chrétiens la sainteté de la Religion qu’ils professaient, et à les exhorter à n’avoir
que du mépris pour un divertissement aussi bas et aussi indigne d’eux qu’est la Comédie :
« Etsi Comœdiæ non habent crimen, habent tamen maximam et parum congruentem
nomini Christiano vanitatem »
, comme parle saint Cyprien dans son traité des
Spectacles.
En effet, supposé que les Pièces qu’on joue présentement ne soient pas à beaucoup près si infâmes, que l’étaient celles du temps passé ; supposé que les expressions en soient honnêtes ; que les Acteurs en soient sages, retenus et circonspects dans tous leurs gestes et leurs postures ; la manière de traiter les passions, et de tâcher de les allumer dans le cœur des Spectateurs, n’est-elle pas toujours la même ? les décorations de théâtre, les habits magnifiques des Comédiens ; les mélodies et les concerts des divers instruments ; le concours du grand monde ; enfin les parures si affectées des Dames ; cette pompe, et cet assemblage du beau monde, et toutes les autres choses qui s’y trouvent ne concourent-elles pas à faire sortir les Spectateurs d’eux-mêmes, à les séduire, et à leur faire croire que le monde a quelque chose d’aimable ; quoi qu’en comparaison des biens ineffables du Ciel, tout cela ne doive effectivement passer que pour des rêveries et des songes. Mais développons davantage cette matière, et suivons pied à pied l’Auteur de la lettre.
§. I.
Paroles de l’Auteur de la lettre.
« De la manière qu’on joue à présent les Comédies dans Paris, elles sont sages, modestes et bonnes. »
M. Corneille s’étant avisé de représenter sur le Théâtre le martyre de quelques Saints, comme l’on avait accoutumé d’y faire paraître auparavant les Héros et les Héroïnes de l’antiquité ; cela a donné occasion à ceux qui ne connaissaient pas assez le danger de la Comédie, d’en faire de grands éloges.
Mais c’est au contraire ce qui les devait porter à la blâmer davantage. Car y a-t-il rien de si déshonorable au Christianisme, et si opposé à la sainteté de notre Religion, que de voir des gens excommuniés par l’Eglise, oser impudemment faire le personnage d’un Saint, et d’en contrefaire les actions ? N’est-ce pas confondre la lumière avec les ténèbres, et J.C. avec Belzébuth ?
Pour une Comédie sainte, ou deux qu’on a representées dans Paris en quarante ans, l’on en a joué des centaines, qui ont choqué tous les honnêtes gens, tant elles étaient préjudiciables aux bonnes mœurs. Cela ne sera pas difficile à prouver.
L’on sait le bruit qu’il y eut à Paris dans la Paroisse de saint Germain l’Auxerrois en 1657. au sujet des Comédiens Italiens, que M. le Curé tâchait de faire sortir de dessus sa Paroisse, à cause des Pièces impies et scandaleuses qu’ils représentaient. Il porta sur ce sujet à M. Vincent Supérieur des Pères de la Mission, cette consultation qu’il avait fait faire en Sorbonne.
Les Docteurs de la sacrée Faculté de Théologie de Paris soussignés qui ont été consultés pour savoir si les Comédies que représentent les Comédiens Italiens à Paris, peuvent être permises. Ayant vu une partie des affiches qui leur ont été communiquées, à savoir celles du 29. et 31. Juillet ; celles du 12. 15. 16. et 21. d’Août ; celles du 18. Octobre ; celles du 16. et 18. Novembre sont d’avis que telles comédies ne peuvent être sans péché mortel en ceux qui les représentent, et en ceux qui y contribuent. Déliberé à Paris ce 25. jour de Novembre 1657. et signé.
PEREYRET. N. CORNET. HALLIER.
R. DU VAL. M. GRANDIN. COQUERET.
Il faut remarquer que ces Messieurs étaient la plupart Professeurs en Théologie, et peu suspects de Rigorisme.
Nous allons voir que Molière donne plus d’occasion de dire que les Comédies d’à présent sont encore plus condamnables que celles du temps passé.
§. II.
Plus les Comédies d’à présent paraissent honnêtes, plus elles sont
dangereuses.
Paroles de l’Auteur.
« L’emploi des Comédiens établis pour donner aux hommes une récréation honnête, n’a rien, selon moi, qui mérite d’être défendu ; et je ne les crois pas en état de péché, pourvu qu’ils n’usent de cette sorte de jeu qu’avec modération : c’est-à-dire, qu’ils ne disent et ne fassent rien d’illicite, qu’ils ne mêlent point, comme on dit, le sacré au profane, et qu’ils ne jouent point en un temps défendu. »
Réponse.
On met d’ordinaire les Romans au nombre des pièges du démon les plus dangereux. Et c’est certainement avec grande raison : car c’est là d’ordinaire où les jeunes gens commencent à se corrompre. Mais il est pourtant vrai de dire que les Comédies le sont encore infiniment davantage, parce que les paroles qui sont accompagnées du ton de la voix et des gestes frappent plus fortement les sens, et font bien de plus vives impressions sur l’esprit.
« Segnius irritant animos demissa per aures,Quam quæ sunt oculis subjecta fidelibus. »
« Mille gens d’une éminente vertu, et d’une conscience fort délicate, pour ne pas dire scrupuleuse, ont été obligés de m’avouer qu’à l’heure qu’il est, la Comédie est si epurée sur le théâtre Français, qu’il n’y a rien que l’oreille la plus chaste ne pût entendre. »
L’on ne convient pas de ce que le Théologien avance ici, que mille gens d’une conscience délicate, pour ne pas dire scrupuleuse, vont à la Comédie. Mais passons et disons qu’une Comédie ne doit pas être appelée épurée et honnête, pour n’avoir pas de ces ordures grossières que des oreilles un peu chastes ne peuvent souffrir ; quand d’ailleurs elle est remplie d’autres passions spirituelles, qui déplaisent autant à Dieu, qui est un pur esprit, que ce vice grossier qui tire son origine de la boue de notre corruption.
« Si cessat affectus, nulla est voluptas, et est reus jam ille vanitatis eo conveniens, ubi nihil consequitur », dit Tertullien.
« ils prennent bien garde, (dit l’Auteur de la Lettre) à n’employer dans leurs pièces, non seulement aucuns mots évidemment déshonnêtes, mais même équivoques ». Mais tous les équivoques dont ils couvrent le poison, n’empêchent pas qu’on ne l’avale ; et il en est encore plus dangereux.
Il est vrai que cette grande circonspection, dont usent les Comédiens, ne paraît qu’en ce
qui regarde la passion de l’amour. Car pour ce qui est des autres, ils sont bien plus
indulgents, et ils n’y regardent pas de si près. Cependant on avale sans peine le poison
qu’ils présentent, surtout lorsqu’il est renfermé dans des Vers pompeux, ou dans des
paroles magnifiques, qui sont agréables, et qui font impression sur l’esprit. « Quo
magis sunt eloquentes qui flagitia ista finxerunt, eo magis sententiarum elegantia
persuadent ; et faciliùs inharent audientium memoriæ versus numerosi et ornati
»
, dit Lactance, de vero Dei cultu, c. 20.
Et pour ce qui regarde l’amour, un des plus malicieux artifices du démon, est de faire représenter ce qui se passe dans le commerce d’une passion illégitime, sous le prétexte d’un mariage espéré, afin que les compliments étudiés qui se font, les messages, les Lettres pleines de douceurs et de tendresses qui s’écrivent, soient moins suspectes à des âmes simples et sans expérience.
Mais enfin l’honnêteté apparente de ces Comédies, et le déguisement trompeur dont on use, n’en est que plus dangereux. Un ennemi couvert est bien plus à craindre qu’un ennemi déclaré. Ainsi ce tempérament artificieux, dont le démon est l’auteur, rend encore la Comédie d’à présent plus nuisible, que n’aurait été une déshonnêteté manifeste et sensible.
§. III.
Le Cid, dont on fait tant d’estime, a bien des choses très
dignes de censure.
Je n’ai pû m’empêcher, en lisant cette Pièce, d’admirer en moi même combien il faut se défier du jugement des hommes.
En effet, quelle extinction de piété, et quel renversement de raison n’est-elle pas capable de produire dans l’esprit d’une fille, quand elle voit épouser par Chimène celui qu’elle appellait auparavant
« L’autheur de ses malheurs, et l’assassin de son père. »
Car ne pourra-t-elle pas s’imaginer que les devoirs les plus essentiels et les plus indispensables d’une fille à l’égard de son père, doivent céder à la passion d’une amante volage et inconsidérée ? Quoi donc, le parricide cessera d’être un crime aussi horrible, qu’on l’a toujours cru, parce que la fantaisie prendra à un Poète de mettre ces paroles insolentes dans la bouche d’un Acteur ?
« Car enfin, n’attendez pas de mon affection,Un lâche repentir d’une belle action.Je la ferais encor, si j’avais à la faire. »
Et l’on entendra une fille dire froidement à celui qui a cruellement assassiné son père.
« Tu n’as fait le devoir que d’un homme de bien. »
L’on ne saurait aussi s’imaginer quelle impression sont capables de faire sur l’esprit d’un jeune homme ces Vers de la même Pièce dits par un père à un fils, pour le porter à se venger d’un ennemi.
« Va contre un arrogant éprouver ton courage,Ce n’est que dans le sang qu’on lave un tel outrage,Meurs, ou tue. »
Ils sont certainement trop conformes à la corruption du cœur humain, pour y être reçus avec indifference. Mais que dirai-je de ceux-ci ? Un Gentilhomme qui aurait reçu un affront, n’en sera-t-il pas touché en les entendant réciter par un bon Acteur ?
« Mourir, sans tirer ma raison ?Rechercher un trépas si funeste à ma gloire ;Endurer que l’Espagne impute à ma mémoire,D’avoir mal soutenu l’honneur de ma Maison ?N’écoutons plus ce penser suborneur ;Courons à la vengeance. »
Non, non ; la chimère de l’honneur lui fera hasarder et sa vie et son salut, pour avoir raison d’une parole peut-être indiscrète, ou d’un affront prétendu. Et voilà ce qui a inondé la France d’un déluge de sang.
« Je suis obligé d’avouer, que des Pièces qu’on imprime après qu’on les a jouées, il ne m’en ait jamais tombé aucune sous les mains, où j’aie trouvé rien qui put en quelque manière blesser le Christianisme, ou la pureté des mœurs. »
§. IV.
Les Comédies saintes et pieuses, qu’on vante tant, ne
laissent pas d’être souvent très dangereuses.
Les Comédiens ne représentaient autrefois dans Paris que des Histoires Saintes, telles que sont, par exemple, la Passion, les Actes des Apôtres, et autres semblables : C’est pourquoi on les appelait les Frères de la Passion ; et l’on en voit encore à présent les armes gravées sur la porte de l’Hôtel de Bourgogne.
Cependant, parce que le gain et l’intérêt était le seul but où tendaient les Comédiens, et la fin unique qu’ils se proposaient, nos ancêtres les ont toujours détestés ; ce qui paraît par quantité d’Arrêts que le Parlement a donnés contre eux, et qu’on a déja rapportés en d’autres écrits sur ce même sujet.
Ne peut-on pas dire de notre temps ce que ce digne Magistrat témoigna être arrivé au sien ? Les jeunes gens sont-ils à présent plus sages ? et les femmes sont elles plus retenues et plus Chrétiennes que n’étaient celles de ce temps-là ?
Dans la misère publique où nous avons vu les pauvres, pâles et décharnés comme des squelettes, mourir de faim dans les rues : A-t-on pu voir sans gémir des Comédiens gros et gras ne songer qu’à rire et à divertir des fainéants ? Mais revenons aux Comédies de notre temps.
POLYEUCTE.
Les Comédies deviennent ennuyeuses, quand l’amour n’en fait pas le principal assaisonnement. C’est pourquoi Monsieur Corneille n’a pu s’empêcher d’en faire paraître dans Polyeucte, où nous voyons Pauline faire une belle leçon▶ de Coquetterie à de jeunes Damoiselles, en racontant à Stratonice, qu’elle aime Severe, contre les défenses de ses parents, qui ne voulaient pas qu’elle l’épousât, à cause de l’inégalité de son bien. Voici comme elle lui parle.
« Il possédait mon cœur, mes désirs, ma pensée ;Je ne lui cachais point combien j’étais blessée ;Nous soupirions ensemble, et pleurions nos malheurs :Mais au lieu d’espérance, il n’avait que des pleurs. »
Cet amour continue, après même qu’elle eût été mariée à un autre. Car voici ce qu’elle dit en parlant de son mari,
« Je donnai par devoir à son affection,Tous ce que l’autre avait par inclination. »
Severe n’y parle-t-il pas aussi en vrai Idolâtre, quand il dit au sujet de Pauline.
« Je viens sacrifier ; et c’est à ses beautésQue je viens immoler toutes mes volontés. »
Ces mots de sacrifier et d’immoler, qui ne sont dûs qu’au Créateur devraient-ils être employés pour des Créatures, qui se regardent après cela comme de petites Divinités, à qui l’on doit offrir l’encens de toutes sortes de louanges.
THEODORE.
Pour ce qui est de Théodore, elle donne une idée d’une prostitution tout à fait honteuse.
D’ailleurs les Vers que le Poète met dans sa bouche, se ressentent bien davantage de la fierté orgueilleuse d’une ancienne Romaine, que de la piété et de l’humble courage d’une Vierge Chrétienne, qui se serait réjouie de se voir humiliée par son Tyran. Car le Christianisme a toujours fait l’unique noblesse ; et la gloire des Martyrs. Voici comme on la fait parler.
« Cette haute puissance a ses vertus rendue,L’égale presqu’aux Rois, dont je suis descendue.Et si Rome, et le temps m’en ont ôté le rang ;Il m’en demeure au moins le courage et le sang.Dans mon sort ravalé je sais vivre en Princesse ;Je suis l’ambition, mais je hais la faiblesse, etc. »
§. V.
Examen de ces paroles de l’Auteur de
la Lettre.
« La Comédie est aujourd’hui moins l’Ecole du vice, que de la vertu. »
Le Grand Maître de cette Ecole est le célèbre Molière, lequel après avoir tant aimé le Théâtre durant sa vie, a eu le malheur d’y mourir misérablement. C’est de lui qu’on parle ainsi à la tête de ses ouvrages.
« Chacun profite à ton Ecole,Tout en est beau ; tout en est bon,Et ta plus burlesque parole,Est souvent un docte sermon. »
Mais qu’entend notre Théologien par le nom de vertu, dont il dit que le Théâtre est l’Ecole.
Il n’entend pas sans doute les vertus Chrétiennes, telles que sont la douceur et l’humilité, le mépris des richesses, l’amour de la pauvreté et du silence. Ces vertus n’ont jamais paru su le Théâtre, et elles ne seraient pas certainement au goût de ces Dames mondaines qui s’y plaisent tant, et qu’on peut appeler Christianæ Theatrales.
Il faut donc que les vertus dont il prétend parler, et dont il dit que la Comédie est l’Ecole, soient celles-ci : une fierté pleine d’orgueil ; un mépris dédaigneux de tout le monde, un amour prodigieux de soi même, un désir insatiable du bien, de l’estime et de la gloire ; ces vices que Dieu punira éternellement dans l’enfer, sont les vertus éclatantes qui plaisent aux Amateurs de la Comédie, dans leurs Héros et leurs Héroïnes, et dont ils ne tâchent que trop, à la perte de leurs âmes, de se rendre les copies vivantes.
Nous verrons ci-après qu’elles sont les ◀leçons▶ qu’on donne dans cette pernicieuse Ecole, après que nous aurons dit un mot ou deux des pièces de cet Auteur, qui ont fait le plus d’éclat dans le monde :
LE TARTUFFE.
On veut faire croire que Molière avait seulement dessein d’inspirer du mépris, et de donner de l’horreur pour ceux qui font un trafic honteux de la dévotion ; et qui s’en servent pour procurer leur avancement dans le monde.
Mais il est sans doute qu’il a poussé les choses bien plus loin. Car il engage les spectateurs dans le danger de n’avoir jamais ni estime ni amour pour la véritable piété.
En effet, sous prétexte de ruiner la fausse dévotion, il représente les brutalités de son Tartuffe avec des couleurs si noires, et il lui fait avancer des maximes si détestables, que la corruption du cœur humain ne manquera pas de les faire appliquer, non à un Tartuffe de Théâtre ; mais à un véritable homme de bien.
Ainsi cette pièce expose les personnes les plus pieuses à une raillerie et à une censure inévitable, et sur l’idée qu’on aura de ce faux dévot, on prendra occasion de les traiter impitoyablement pour la moindre faute qu’on leur verra faire, et de les mettre en parallèle avec Tartuffe. Que si on leur voit faire quelque action de piété et de vertu, on dira que ce fourbe et cet hypocrite en faisait encore de plus surprenantes.
Cela paraît assez par ce que dit Orgon, après qu’on l’a détrompé.
« C’en est fait. Je renonce à tous ces gens de bien,J’en aurai désormais une horreur effroyable,Et m’en vais devenir pour eux pis qu’un diable. »
Le discours que Molière met dans la bouche de ce fourbe, n’est nullement selon les règles de la pudeur.
Elmire, pour convaincre son mari de la déloyauté de ce perfide, fait semblant d’écouter ses vœux, et d’acquiescer à ses désirs criminels. Mais quoi qu’elle soit aussi chaste dans le cœur et devant Dieu, qu’elle l’est peu dans ses paroles ; il est toujours vrai de dire que le Poète lui fait faire des démarches tout-à-fait indignes d’une femme, qui est véritablement fidèle et à son Dieu et à son mari.
Dorine y parle aussi d’une manière qui passe les bornes de la bienséance et de la pudeur. Après cela notre Défenseur de la Comédie osera-t-il dire qu’elles sont toutes honnêtes et toutes bonnes.
Le Festin de Pierre.
Mais que dirai-je de son Festin de Pierre ? Ne semble-t-il pas avoir pris plaisir de faire, en la personne de Dom Juan, une peinture affreuse d’un vrai scélérat, qui n’est capable d’inspirer aux jeunes gens qui en voient la représentation, que des sentiments déshonnêtes, impies et de véritables Athées. Car pour l’ordinaire, l’on est bien plus susceptible du mal qui est enseigné, qu’on est touché de la peine qui le suit.
On voit que Dom Juan ne veut se lier nulle part, il se moque du mariage ; il prétend passer sa vie à dresser continuellement des pièges à l’innocence des filles qui lui plaisent, les cajoler, et en abuser. En un mot, il prétend vivre dans un entier libertinage.
Son père a grand tort d’entreprendre de lui faire des remontrances, et de lui dire qu’il doit se souvenir de son nom et de sa naissance, corriger ses mœurs, et vivre en homme de bien.
Oui, ma foi, il faut s’amender, dit ce scélérat. Encore vingt ou trente ans de cette vie ; et après cela nous songerons à nous.
S’il promet de se corriger, c’est par pure politique. Il faut, dit-il, faire un peu de grimaces pour ménager un père, dont l’on a besoin ; et pour se mettre à couvert du côté des hommes, des fâcheuses aventures qui pourraient arriver.
L’hypocrisie est un vice privilégié, qui ferme la bouche à tout le monde, et qui jouit en repos d’une impunité souveraine.
Combien y en a-t-il qui se servent de ce masque, pour abuser le monde ? Combien y en a-t-il, qui par ce stratagème ont rhabillé adroitement les désordres de leur jeunesse, et qui sous un dehors respecté, ont eu la permission d’être de vrais scélérats. L’on a beau les connaître pour tels qu’ils sont ; ils ne laissent pas d’être en crédit. Un baissement de tête, un soupir mortifié, et deux roulements d’yeux rajustent tout le mal qu’ils peuvent faire.
Il est vrai que ce scélérat devient à la fin un exemple de la justice Divine. Mais le tonnerre qui l’écrase, fait assurément bien moins d’impression sur le cœur des méchants qui assistent à la représentation de cette pernicieuse pièce, que les maximes détestables qu’on lui entend débiter, n’en font sur leurs esprits.
L’Auteur de la Lettre dira-t-il après cela, lui qui dit avoir lu toutes les pieces qui
ont été imprimées : « Qu’il n’y a rien trouvé d’indécent qui puisse en aucune
manière blesser le Christianisme, ou la pureté des mœurs. »
§. VI.
Combien l’Ecole du Théâtre est détestable et nuisible aux
jeunes gens.
C’est pourtant à cette Ecole, où régentent un George Dandin, un Cocu Imaginaire, un Trissotin, un Diafoirus, un Tartuffe, et autres gens de cette farine, où des Dames, à la vérité peu sages, et encore moins Chrétiennes, ne laissent pas néanmoins de mener leurs filles, pour commencer, disent-elles, à leur faire voir le monde ; c’est-à-dire pour commencer à leur corrompre l’esprit et le cœur. Ce qui ne tarde guère d’arriver.
La détestable maxime qu’on leur donne à apprendre pour leur première ◀leçon▶, est celle-ci.
« Qu’à l’amour comme au Dieu suprême,On doit immoler tout, jusqu’à la vertu même ;Qu’on ne saurait trop tot se laisser emflammer ;Qu’on n’a reçu du Ciel un cœur que pour aimer. »
Comme elles sont aidées par la corruption de la nature, et qu’elles ont avec cela devant les yeux quantité de mauvais exemples qui les portent à s’avancer dans le chemin de perdition, elles y font de grands progrès en peu de temps. Car on leur voit sans cesse des Romans entre les mains ; elles se remplissent la tête de misérables Vers, qui deviennent ensuite les règles de leur conduite. On leur apprend que
« Selon divers besoins, il est une scienceD’étendre les liens de notre conscience,Et de rectifier le mal de l’actionAvec la pureté de notre intention. »
Elles se donnent la peine de les bien apprendre ; et comme ils sont le sujet le plus ordinaire de leurs méditations, on les entend souvent dire, pour s’encourager à mener une vie toute mondaine.
« Aimable jeunesse,Profitez du printempsDe vos jeunes ans,Donnez-vous à la tendresse,Ne perdez point ces précieux moments.La beauté se passe,Le temps l’efface,L’âge de glace,Vient à la place,Qui vous ôte le goût de ces doux passe-temps. »
Que si par hasard on la mène à une bonne Prédication, et si elle entend quelque chose qui lui cause des scrupules, le diable a grand soin de les lui ôter promptement de l’esprit. Il lui fait consulter ses livres ordinaires, où elle apprend que,
« Dans l’empire amoureux,Le devoir n’a point de puissance.L’amour dispense.Il faut souvent pour devenir heureux.Qu’il en coûte un peu d’innocence.Il est doux à cet âge,D’aimer tendrementUn Amant qui s’engage.Oui, suivant ses ardeurs,Ses transports et ses caprices,Ses douces langueurs,S’il a quelques supplices,Il a cent délicesQui charment les cœurs. »
Enfin cette pauvre innocente tombe ensuite d’aveuglement en aveuglement. Dieu s’éloigne d’elle, et elle s’abandonnant au torrent de sa corruption. Sa conscience à beau lui faire alors quelquefois de cuisants reproches, elle ne les écoute plus.
« Laissez mon cœur en paix, impuissante Vertu, dit-elle,N’ai je pas assez combattu ?Quand l’Amour malgré toi me contraint de me rendre,Que me demandes-tu ? »
Que si une Damoiselle ainsi élevée vient à se marier, elle est tellement occupée d’elle-même, qu’elle néglige le soin de sa famille et l’éducation de ses enfants. Elle demeure au lit jusqu’à onze heures. Elle va du lit à la table, de la table au jeu, aux visites, et à l’Opéra ; et l’on appelle cela vivre à la grandeur. Que si l’on vient à examiner quelle est la source et la première cause de tous ces désordres, on trouvera que c’est sans doute la Comédie.
§. VII.
De la morale pernicieuse qui se trouve dans les Comédies d’à
présent.
Paroles de l’Auteur.
« On peut en tirer des moralités fort instructives, et capables d’inspirer aux
hommes de l’amour pour la vertu et de l’horreur pour le vice. »
Saint Isidore dit positivement que les Comédiens ne s’étudient qu’à pervertir le peuple, et non pas à le rendre meilleur. C’est, dit-il, la débauche de leurs Spectateurs qui fait leur félicité et leur bonheur : car s’ils s’appliquaient à la vertu, le métier de Comédien serait aussitôt anéanti : c’est pourquoi ils n’ont jamais pensé à corriger les véritables dérèglements des hommes. Et quand même ils le voudraient entreprendre, ils ne le sauraient faire ; parce que la Comédie d’elle-même, et de sa nature ne peut être que pernicieuse et nuisible.
Tout ce qu’ils peuvent faire, c’est d’arrêter le cours de certains désordres publics, qui sautent aux yeux, tels que sont, par exemple, ceux des jeunes gens qui font les Marquis, et qui parlent incessamment de leur noblesse : des femmes qui font les précieuses et les coquettes : des Procureurs qui ruinent leurs parties par des chicaneries honteuses. Tous ces gens-là ne sont pas bien aises qu’on les tourne en ridicules sur un Théâtre.
Mais des Comédiens ne sont nullement propres a faire aux Chrétiens des ◀leçons▶ de morale, qui aillent à réformer leurs mœurs.
Pour corriger leur vie et régler leur raison, Les Chrétiens ont l’Eglise, et non pas le théâtre, dit M. l’Evêque de Grasse.
Mais bien loin qu’il y ait des moralités utiles dans les Comédies, j’ai trouvé au contraire dans les pièces de Molière, que j’ai parcourues exprès, des instructions si pernicieuses, qu’on ne saurait trop détourner les jeunes gens de les aller voir représenter. En voici seulement quelques-unes. Rien n’est si scandaleux, par exemple, que la cinquième Scène du II. Acte de l’Ecole des Femmes. Mais descendons au détail
Méchantes instructions pour les jeunes Damoiselles.
C’est là qu’elles apprennent à aimer les fleurettes et les douceurs, en entendant dire :
« Ce qui me charme en vous,Ce sont vos beaux attraits, vos yeux perçants et doux,Votre grace, et votre air sont les biens, les richessesQui vous ont attiré mes vœux et mes tendresses.C’est de ces seuls trésors que je suis amoureux.De ne vous pas aimer, je ne suis point capable ;A moins que vous cessiez, Madame, d’être aimable ;Et d’étaler aux yeux vos célestes appas. »
Qu’une femme sage considère s’il lui est utile d’exposer aux yeux de sa fille un exemple aussi dangereux qu’est celui qu’on voit dans l’Ecole des Femmes, où une vieille sorcière vient faire des compliments à une Damoiselle de la part d’un jeune muguet, qui se disait transporté d’amour pour elle, et lui vient demander la permission de la venir voir dans sa chambre.
« Puisque sans ce secours,C’est un homme à porter en terre dans trois jours. »
Si la grâce de Dieu abandonne cette fille, elle sera assez innocente pour répondre, comme fit cette Agnes, qui parle ici,
« Hélas : très volontiers. Et puisqu’il est ainsi ;Il peut tant qu’il voudra me venir voir ici. »
Ce jeune Plumet ne manque pas de venir. Il la cajole.
« Il lui dit qu’il l’aimait d’un amour sans seconde,En se servant de mots les plus jolis du monde.Tantôt il lui prenait et les mains et les bras,Et de les lui baiser, il n’était jamais las.Enfin ce vrai Sathan, dont la gueule altéréeDe l’honneur féminin voulait faire curée. »
Sut si bien pervertir l’esprit de cette jeune insensée, qu’elle lui écrivit cette lettre.
« Je serais bien aise d’être à vous. Peut-être y a-t-il du mal à dire cela. Mais
enfin, je ne puis m’empêcher de le dire, et je voudrais que cela se put faire sans qu’il
y en eut. On m’a dit qu’il ne faut pas écouter les jeunes gens, et que ce sont des
trompeurs. Mais je vous assure que je n’ai pu encore croire que ce que vous me dites
soit pour m’abuser, et que vos paroles soient menteuses. »
celui qui lui tenait lieu de père tâcha par ses sages remontrances de la faire demeurer dans les bornes de son devoir. Mais, comme cette passion aveugle d’ordinaire celles qui en sont possédées, elle lui répondit sottement :
« Non ; dans l’âge où je suis,Je ne veux plus passer pour bête, si je puis. »
Enfin, elle s’échappa, et alla trouver son amant.
« Par un prompt désespoir souvent on se marie.Et puis l’on se repent tout le temps de sa vie. »
Voilà donc ce que de jeunes Damoiselles apprennent à la Comédie.
Instruction détestable que donne Molière aux femmes mariées.
Dieu en formant Eve d’une des côtes d’Adam, a appris aux femmes mariées a considérer leurs maris comme leurs chefs et leurs maîtres, vir caput mulieris. 1 Cor. 10.
Il leur a aussi appris qu’elles devaient leur être soumises et obéissantes : « Sub
viri potestate eris, et ipse dominabitur tui. »
Gen. 3. 16.
« Ainsi c’est une chose infâme,Qu’un mari soit soumis au pouvoir d’une femme,Qu’il se laisse mener en bête par le nez. »
Mais il plaît à Molière de renverser cet ordre divin, il veut qu’elles soient maîtresses, et d’abord, et hautement. Car,
« Ce que dans la jeunesse on prend de liberté,Ne se retranche pas avec facilité. »
Voici donc les maximes que ce Législateur diabolique établit.
« Il faut que des maris soient toujours complaisants,Jusques à leur laisser et mouches et rubans :Et courir tous les bals, et les lieux d’assemblées…Leur donner liberté de voir les Damoiseaux,Et se faire par eux apporter des cadeaux.Permettre qu’elle soit toujours leste et pimpante,Qu’elle ait deux grands laquais avec une suivante.Qu’elle coure par tout, aime l’oisiveté,Et soit des Damoiseaux flairée en liberté. »
Sganarelle passe dans l’esprit de ces femmes mondaines pour un ridicule et un impertinant, en voulant les réduire sur le pied où étaient les femmes sages du temps passé. Cela n’est plus à la mode. Il le faut pourtant écouter, car il parle d’assez bon sens.
« Moi dit-il, j’entends que la mienneVive à ma fantaisie et non pas à la sienne.Que d’une serge honnête elle ait son vêtement,Et ne porte le noir qu’aux bons jours seulement.Qu’enfermée au logis, en personne bien sage,Elle s’applique toute aux choses du ménage ;A recoudre mon linge aux heures de loisir ;Ou bien à tricoter quelque bas par plaisir,Qu’aux discours des muguets elle ferme l’oreille ;Et ne sorte jamais sans avoir qui la veille. »
Que si les femmes ont pour mari quelque benet, qui les retienne et qui les veuille empêcher de voir les jeunes gens, sous prétexte que cela est scandaleux, elles n’ont qu’à écouter Angelique qui leur apprendra comme il les faut régenter. Voici de quel ton parle cette coquette.
Que les Dandins s’accoutument à cela, s’ils veulent. Pour moi, je vous déclare que mon dessein n’est pas de renoncer au monde. Comment ? parce qu’un homme s’avise de nous épouser, il faut d’abord que toutes choses soient finies pour nous, et que nous rompions tout commerce avec les vivants ? C’est une chose merveilleuse que cette tyrannie de messieurs les maris ; je les trouve bons de vouloir qu’on soit mortes à tout divertissement, et qu’on ne vive que pour eux. Je me moque bien de cela, et je ne veux pas mourir si jeune.
Son mari lui représente que c’est en user bien mal avec lui, après lui avoir donné publiquement sa foi.
Elle se moque de cela ; elle lui répond, que ce n’est pas elle qui lui a donné sa foi ; mais que c’est lui qui la lui a arrachée, et qu’elle ne prétend pas être obligée de se soumettre à toutes ses volontés. Qu’elle veut jouir de quelque nombre de beaux jours que lui offre sa jeunesse, prendre les douces libertés que l’âge lui permet ; voir un peu le monde ; et enfin goûter le plaisir qu’il y a à s’ouir dire des douceurs.
Comme la méchanceté de ces sortes de femmes croît toujours ; il ne faut pas s’étonner si Dieu s’éloigne d’elles ; et si la lumière de la grâce s’éteignant dans leurs cœurs, les ténèbres augmentent de plus en plus, et si elles tombent enfin dans des précipices affreux.
N’est-ce pas là donc un beau modèle qu’on donne à des femmes ; afin de les rendre plus fières, plus impérieuses, et plus arrogantes qu’elles ne sont naturellement. O qu’il est fâcheux
De se voir le mari de ces femmes de bien,« Dont la mauvaise humeur fait un procès sur rien.Ces dragons de vertu ; ces honnêtes diablesses,Se retranchent toujours sur leurs belles promesses.Et pour un petit tort qu’elles ne nous font pas,Prennent droit de traiter les gens du haut en bas. »Pour peu que l’on s’oppose à ce que veut sa tête,« L’on en a pour huit jours d’effroyable tempête.Elle me fait trembler dès qu’elle prend son ton.Je ne sais où me mettre ; et c’est un vrai dragon.Et cependant avec toute sa diablerie,Il faut que je l’appelle, et mon cœur et ma mie. »« Non, je ne pense pas que Satan en personnePuisse être si méchant qu’une telle friponne.Je renonce à jamais à ce sexe trompeur ;Et je le donne tout au diable de bon cœur.La meilleure est toujours en malices feconde.C’est un sexe engendré pour damner tout le monde. »« Tout le monde connaît leur imperfection.Ce n’est qu’extravagance et qu’indiscrétion.Leur esprit est méchant et leur âme fragile.Il n’est rien de plus faible, et de plus indocile ;Rien de plus infidèle. Et malgré tout cela,Dans le monde on fait tout pour ces animaux là. »
Méchantes ◀leçons pour de jeunes gens.
Et d’Horace, à débaucher les serviteurs, et à les suborner à force d’argent. Car pour réussir dans le damnable dessein, que le diable leur inspire de dresser des pièges à la simplicité des filles.
« Vous savez bien, dit-ilb, quels que soient nos efforts,Que l’argent est la clef de tous les grands ressorts,Et que ce doux métal qui frappe tant de têtes,En amour, comme en guerre, avance les conquêtes. »
Outre cela, l’Ecole des Maris leur fera voir, qu’on traite en cette Ecole de loups garoux, et de bêtes farouches les parents que leur devoir oblige de veiller à la conservation de l’honneur et de la chasteté de leurs filles.
Pour les parents.
Comme il n’y a rien de plus déguisé, de plus caché et de plus impénétrable que l’esprit et le cœur d’une fille ; les parents se garderont bien de mener les leurs en un lieu où elles apprennent tous les tours, toutes les malices que le diable a inventées pour les pouvoir tromper, et ils se souviendront toujours
« Que les soins défiants, les verrous et les grilles,Ne font point les vertus des femmes et des filles.C’est l’honneur qui les doit tenir dans le devoir,Non la sévérité que des parents font voir.
On pourrait tirer beaucoup d’autres endroits très pernicieux des pièces de Molière : mais en voilà assez pour opposer aux fausses louanges que l’Auteur de la Lettre donne à la Comédie de ce temps. Quant aux pièces sérieuses, l’on en a assez dit. Aussi ne serait-il pas difficile de faire voir qu’elles sont peut-être encore plus dangereuses que les Comiques.
Si l’on n’a point touché aux Tragédies de M. Racine, c’est qu’il suffit du désaveu que cet illustre Auteur en fait par sa conduite, et du regret qu’il a d’avoir perdu tant de temps à une occupation si indigne d’un Chrétien, ce qui fera toute sa vie le sujet de sa pénitence. Je crois aussi qu’à cette heure il est revenu aussi bien que beaucoup d’honnêtes gens, du préjugé qu’on se faisait, à l’égard de quelques pièces où l’on représentait des histoires du vieux Testament ; ce qu’on a aussi découvert n’être pas sans danger, et être moins capable de produire de bons effets que de mauvais. Car c’est toujours un très dangereux spectacle, que de jeunes et belles filles qui paraissent sur le théâtre avec tous les agréments naturels et recherchés, et avec tout le luxe et toute la pompe des habits à quoi l’on a renoncé par les vœux du Baptême. Il est encore bon d’avertir ceux qui liront cet écrit, que quand en des traités semblables on fait voir que des Comédies anciennes étaient moins condamnables que celles de ce siècle, on ne prétend pas pourtant qu’elles soient excusables en elles-mêmes, et par rapport à leur représentation sur le théâtre, mais seulement qu’on peut les lire avec moins de danger que les notres, étant même souvent une nécessité de le faire à ceux qui veulent bien apprendre les langues Grecque et Latine. Et il est vrai aussi que ceux qui ont traduit quelques Comédies de Terence ont pris un grand soin d’en retrancher les endroits qui pouvaient choquer la bienséance et l’honnêteté.