(1694) Sentiments de l’Eglise et des Pères « PRÉFACE. » pp. 3-6
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(1694) Sentiments de l’Eglise et des Pères « PRÉFACE. » pp. 3-6

PRÉFACE.

Depuis qu’on a quitté la manière toute simple de traiter les matières de Théologie par l’Ecriture Sainte et par les Pères de l’Eglise, pour ne plus suivre que les vaines subtilités d’un raisonnement humain et philosophique ; il s’est fait peu à peu un si étrange changement dans la morale Chrétienne ; que les notions les plus communes de plusieurs vérités capitales, sur lesquelles la Discipline de l’Eglise était fondée, se sont insensiblement anéanties et éteintes.

On peut mettre de ce nombre celle qui regarde la Comédie. Car l’on a toujours cru dans l’Eglise que les spectacles étaient des divertissements interdits aux Chrétiens ; et qu’ils ne s’accordaient nullement avec l’esprit, et les maximes de l’Evangile.

Mais les choses ont tellement changé de face, et se sont si fort perverties, que c’est présentement une espèce de paradoxe de dire, qu’on ne peut aller à la Comédie sans blesser sa conscience et sans offenser Dieu.

Et c’est ce qui nous doit donner lieu de présumer, que nous approchons de ce malheureux temps prédit par l’Apostre, auquel « les Chrétiens devenus plus amateurs des faux plaisirs du siècle, que de Dieu, ne pourront plus souffrir la saine Doctrine ; et ayant recours à une foule de Docteurs accommodants, ils fermeront l’oreille à la vérité pour ne la plus ouvrir qu’à de vaines fables et à des contes. »

Il a paru dans Paris depuis quelques mois une Lettre ; où l’on entreprend de justifier la Comédie, qui est un divertissement fort au goût des gens du monde, et de la faire passer pour une chose bonne, honnête et permise.

Comme elle a scandalisé toutes les personnes de piété, beaucoup de Prédicateurs n’ont pu s’empêcher de témoigner publiquement leur indignation contre une entreprise si téméraire et si préjudiciable aux bonnes mœurs.

Leur zèle a été secondé en ce point par Messieurs les Curés de Paris Et l’on sait que douze d’entr’eux en firent leurs plaintes à Monsieur l’Official.

Monseigneur l’Archevêque de Paris ayant ensuite été informé du scandale que causait cette Lettre, obligea à un desaveu public et solemnel le P. Caffaro Religieux Théatin, qui passait dans tout Paris pour en être l’Auteur.

après une réparation si solemnelle du scandale causé par cette Lettre, je ne crus plus nécessaire ce présent Traité, qui avait été fait dès auparavant. Etant d’ailleurs très persuadé, que ceux qui desireraient s’instruire à fonds sur ce qui regarde la Comédie, pouvaient trouver dans l’excellent Livre de Monseigneur le Prince de Conti, et dans plusieurs autres écrits qui ont paru depuis sur ce sujet de quoi être pleinement satisfaits.

Mais comme les raisons contenues dans la Lettre, dont il s’agit ici, quoique frivoles et peu solides, sont néanmoins assez plausibles ; et que le nom fastueux de Théologien Illustre, non moins par sa qualité, que par son mérite, est capable d’imposer aux esprits faibles, et peu éclairés ; des personnes qui tiennent un rang assez considérable dans l’Eglise, ont jugé à propos de le donner au Public.

Car comme le Torrent qui entraîne tant de monde à la Comédie, est devenu en ce temps si impétueux, l’on ne saurait lui opposer trop de digues, pour tâcher d’en arrêter la violence autant qu’on le pourra.

Après que le démon s’est efforcé d’engager quelqu’un dans une voie dangereuse, toute son étude et son application va ensuite à lui aveugler et à lui corrompre encore l’esprit, afin que son égarement devienne alors irrémédiable.

L’on a déja fait à la vérité plusieurs excellents écrits sur le sujet de la Comédie, qui sont comme autant de flambeaux capables de dissiper les ténèbres de ceux qui aiment ce vain amusement ; mais comme les goûts des hommes sont différents, j’espère que celui-ci, ne laissera pas d’être utile, d’autant qu’il peut servir de Décision sur cette matière, puisqu’il est fondé sur l’Ecriture Sainte, les Conciles et les Pères de l’Eglise ; C’est pourquoi il y a tout lieu de croire que Dieu y répandra sa bénédiction.