(1694) Maximes et Réflections sur la Comédie « XXXIII. Passages de Saint Basile sur le sérieux de la vie chrétienne. » pp. 132-135
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(1694) Maximes et Réflections sur la Comédie « XXXIII. Passages de Saint Basile sur le sérieux de la vie chrétienne. » pp. 132-135

XXXIII. Passages de Saint Basile sur le sérieux de la vie chrétienne.

Il était ordinaire aux pères de prendre à la lettre la parole de Notre-Seigneur : « Malheur à vous qui riez, car vous pleurerez ». Saint Basile qui en a conclu qu’il n’est permis de rire « en aucune sorte : οὐδέποτε, ϰαθόλου : quand ce ne serait qu’à cause de la multitude de ceux qui outragent Dieu en méprisant sa loi », tempère cette sentence par celle-ci de l’Ecclésiastique : « Le fol éclate en riant, mais le sage rit à peine à petit bruit », et d’une bouche timide. Conformément à cette sentence, il permet, avec Salomon, « d’égayer un peu le visage par un modeste souris » ; mais, pour ce qui est de ces « grands éclats et de ces secousses du corps », qui tiennent de la convulsion ; selon lui, elles ne sont pas d’un homme « vertueux et qui se possède lui-même » Ce qu’il inculque souvent, comme une des obligations du christianisme.
S'il faut pousser ces maximes à toute rigueur et dans tous les cas, ou s’il est permis quelquefois d’en adoucir la sévérité, nul homme ne doit entreprendre de le décider par son propre esprit. Dieu qui sait la valeur des biens qu’il nous promet, et les secours qu’il nous donne pour y parvenir, sait aussi à quel prix il les doit mettre. Il ne faut pas du moins, que nos faiblesses nous empêchent de reconnaître la sainte rigueur de sa loi, ni d’envisager le maintien austère de la vertu chrétienne ; au contraire, il faut toujours voir la vérité toute entière, afin de reconnaître de quoi nous avons à nous humilier, et où nous sommes obligés de tendre. On ne peut pousser plus loin l’obligation d’un chrétien, que fait Saint Basile sur cette parole de Notre-Seigneur : « On rendra compte au Jugement d’une parole inutile »  : lorsque demandant ce que c’est que cette parole appelée par le Fils de Dieu à un si sévère jugement ; il répond, « que toute parole qui ne se rapporte pas à l’utilité que nous devons rechercher en Notre-Seigneur, est de ce genre : et, continue-t-il, le péril de proférer de telles paroles est si grand, qu’un discours qui serait bon de soi, mais qu’on ne rapporterait pas à l’édification de la foi, n’est pas exempt de péril, sous prétexte du bien qu’il contient ; mais que dès là qu’il ne tend pas à édifier le prochain, il afflige le Saint-Esprit : ce qu’il prouve par un passage de l’épître aux Ephésiens. « Or, conclut-il, quel besoin de dire quel mal c’est d’affliger le Saint-Esprit ? »
Partout ailleurs il confirme la même doctrine, et il ne faut pas s’imaginer qu’il ne parle que pour les moines ; puisqu’au contraire, et ses paroles et ses preuves et tout l’esprit de ses discours démontrent qu’il veut proposer les obligations communes du christianisme, comme étant d’autant plus celles des moines, qu’un moine n’est autre chose qu’un chrétien qui s’est retiré du monde pour accomplir tous les devoirs de la religion chrétienne.
Que si l’on dit qu’en tout cas les défauts que reprend ici Saint Basile sont des péchés véniels, et que pour cela on les appelle petits péchés ; ce père ne souffrira pas ce discours à un chrétien. « Il n’y a point, dit-il, de petit péché : le grand péché est toujours celui que nous commettons, parce que c’est celui-là qui nous surmonte, et le petit est celui que nous surmontons » . Et encore qu’il soit véritable en un sens de comparaison, qu’il y a de petits péchés, le fidèle ne sait jamais avec certitude jusqu’à quel point ils sont aggravés par le violent attachement d’un cœur qui s’y livre, et il doit toujours trembler à cette sentence du Sage : « Qui méprise les petites choses tombe peu à peu » .