XXVIII. Doctrine de l’écriture et de l’égliseac sur le jeûne.
C’est confondre toutes les idées que l’écriture et la tradition nous donnent du jeûne. Le
jour du jeûne est si bien un jour d’affliction, que l’écriture n’explique pas autrement le
jeûne que par ce terme :
« vous affligerez vos âmes », c’est-à-dire vous jeûnerez. C’est pour entrer dans cet esprit d’affliction qu’on introduit cette pénible soustraction de la nourriture : pendant qu’on prenait sur le nécessaire de la vie, on n’avait garde de songer à donner dans le superflu : au contraire on joignait au jeûne tout ce qu’il y a d’affligeant et de mortifiant, le sac, la cendre, les pleurs ; parce que c’était
« un temps d’expiation et de propitiation pour ses péchés »; où il fallait être affligé et non pas se réjouir.
Le jeûne a encore un caractère particulier dans le nouveau testament, puisqu’il est une
expression de la douleur de l’église dans le temps qu’elle aura perdu son époux :
conformément à cette parole de Jésus-Christ même :
« Les amis de l’époux ne peuvent pas s’affliger pendant que l’époux est avec eux : il viendra un temps que l’époux leur sera ôté, et alors ils jeûneront. »Il met ensemble l’affliction et le jeûne, et l’un et l’autre selon lui, sont le caractère des jours où l’église pleure la mort et l’absence de Jésus-Christ. Les saints pères expliquent aussi que c’est pour cette raison, qu’approchant le temps de sa passion, et dans le dessein de s’y préparer, on célébrait le jeûne le plus solennel, qui est celui du carême. Pendant ce temps consacré à la pénitence et à la mémoire de la passion de Jésus-Christ, toutes les réjouissances sont interdites : de tout temps on s’est abstenu d’y célébrer des mariages ; et pour peu qu’on soit versé dans la discipline, on en sait toutes les raisons. Il ne faut pas s’étonner que durant ce temps on défende spécialement les spectacles : quand ils seraient innocents, on voit bien que cette marque de la joie publique ne conviendrait pas avec le deuil solennel de toute l’église : loin de permettre les plaisirs et les réjouissances profanes▶, elle s’abstenait des saintes réjouissances, et il était défendu d’y célébrer les nativités des saints, parce qu’on ne pouvait les célébrer qu’avec une démonstration de la joie publique. Cet esprit se conserve encore dans l’église, comme le savent et l’expliquent ceux qui en entendent les rites. C’est encore dans le même esprit qu’on ne jeûne point le dimanche ni durant le temps d’entre Pâques et la Pentecôte, parce que ce sont des jours destinés à une sainte réjouissance, où l’on chante alléluia, qui est la figure du cantique et de la joie du siècle futur. Si le jeûne ne convient pas au temps d’une sainte joie, doit-on l’allier avec les réjouissances ◀profanes, quand d’ailleurs elles seraient permises ? convient-il d’entendre alors ou des bouffons dont les discours éteignent l’esprit de componction, ou des comédies qui vous remplissent la tête de plaisirs vains et mondains, quand ils seraient innocents ?