XXIV. Troisième réflexion sur la doctrine de Saint Thomas : passage de ce saint docteur contre les bouffonneries.
Quoi qu’il en soit, en troisième lieu, il ne faut pas croire que Saint Thomas ait été
capable d’approuver les bouffonneries dans la bouche des chrétiens, puisque parmi les
conditions▶ sous lesquelles il permet les réjouissances, il exige
entre autres choses,
« que la gravité n’y soit pas entièrement relâchée : ne gravitas animae totaliter resolvatur ». Il faudrait donc pour tirer de Saint Thomas quelque avantage, faire voir par ce saint docteur, que cette ◀condition convienne aux bouffonneries poussées à l’extrémité dans nos théâtres, où l’on en est comme enivré : et prouver que quelque reste de gravité s’y conserve encore parmi ces excès. Mais Saint Thomas est bien éloigné d’une doctrine si absurde, puisque au contraire dans son commentaire sur ces paroles de Saint Paul :
« Qu’on n’entende point parmi vous de saleté, turpitudo ; de paroles folles, stultiloquium ; de bouffonneries, scurrilitas »: il explique ainsi ces trois mots :
« L’Apôtre, dit-il, exclut trois vices, tria vitia excludit : la saleté, turpitudinem : qui se trouve : in tactibus turpibus et amplexibus et osculis libidinosis », car c’est ainsi qu’il l’explique :
« les folles paroles, stultiloquium : c’est-à-dire, continue-t-il, celles qui provoquent au mal, verba provocantia ad malum : et enfin les bouffonneries, scurrilitatem, c’est-à-dire, poursuit saint Thomas, les paroles de plaisanterie, par lesquelles on veut plaire aux autres »: et contre lesquelles il allègue ces paroles de Jésus-Christ en Saint Matthieu :
« On rendra compte à Dieu de toute parole oiseuse : id est, verbum joculatorium per quod volunt inde placere aliis : de omni verbo otioso, etc. »
Il compte donc manifestement ces trois choses parmi les vices, tria
vitia, et reconnaît un vice ou une malice particulière dans les paroles, «
par lesquelles on veut plaire aux autres »
et les faire rire, distincte de celle
des paroles qui portent au mal ; ce qui bannit manifestement
la
bouffonnerie, ou pour parler plus précisément la plaisanterie, du milieu des chrétiens,
comme une action légère, indécente, en tout cas oisive selon Saint Thomas, et indigne de
la gravité des mœurs chrétiennes.