XXII. On vient à saint Thomas : exposition de la doctrine de ce Saint.
« plaisantes, joyeuses : ludicra, jocosa »: qu’on puisse admettre dans la vie humaine ;
« tant en actions qu’en paroles, dictis seu factis »: en d’autres termes, s’il y a des jeux, des divertissements, des récréations innocentes : et il assure qu’il y en a, et même quelque vertu à bien user de ces jeux, ce qui n’est point révoqué en doute : et dans cet article il n’y a pas un seul mot de la comédie : mais il y parle en général des jeux nécessaires à la récréation de l’esprit, qu’il rapporte à une vertu qu’Aristote a nommée eutrapelia , par un terme▶ qu’il nous faudra bientôt expliquer.
Au troisième article la question qu’il examine est à savoir s’il peut y avoir de l’excès dans les divertissements et dans les jeux ; et il démontre qu’il peut y en avoir, sans dire encore un seul mot de la comédie au corps de l’article, en sorte qu’il n’y a là aucun embarras.
Ce qui fait la difficulté, c’est
que Saint Thomas dans ce même
article se fait une objection qui est la troisième en ordre, où, pour montrer qu’il ne
peut y avoir d’excès dans les jeux, il propose l’art « des baladins »
, histrionum, « histrions », comme le traduisent quelques-uns de nos
auteurs, qui ne trouvent point dans notre langue de ◀terme assez propre pour exprimer ce
mot latin ; n’étant pas même certain qu’il faille entendre par là les comédiens. Quoi
qu’il en soit, Saint Thomas s’objecte à lui-même, que dans cet art, quel qu’il soit et de
quelque façon qu’on le tourne, on est dans l’excès du jeu, c’est-à-dire du divertissement,
puisqu’on y passe la vie, et néanmoins la profession n’en est pas blâmable. A quoi il
répond, qu’en effet elle n’est pas blâmable pourvu qu’elle garde les règles qu’il lui
prescrit, « qui sont de ne rien dire et ne rien faire
d’illicite, ni rien qui ne convienne aux affaires et au temps »
: et voilà
tout ce que l’on tire de ce saint docteur en faveur de la comédie.