(1694) Maximes et Réflections sur la Comédie « XX. Silence de l’Ecriture sur les spectacles : il n’y en avait point parmi les Juifs : comment ils sont condamnés dans les saintes Ecritures : passages de saint Jean et de saint Paul. » pp. 72-75
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(1694) Maximes et Réflections sur la Comédie « XX. Silence de l’Ecriture sur les spectacles : il n’y en avait point parmi les Juifs : comment ils sont condamnés dans les saintes Ecritures : passages de saint Jean et de saint Paul. » pp. 72-75

XX. Silence de l’Ecriture sur les spectacles : il n’y en avait point parmi les Juifs : comment ils sont condamnés dans les saintes Ecritures : passages de saint Jean et de saint Paul.

On demande ; et cette remarque a trouvé place dans la dissertation : si la comédie est si dangereuse, pourquoi Jésus-Christ et les Apôtres n’ont rien dit d’un si grand péril et d’un si grand mal ? Ceux qui voudraient tirer avantage de ce silence, n’auraient encore qu’à autoriser les gladiateurs et toutes les autres horreurs des anciens spectacles, dont l’Ecriture ne parle non plus que des comédies. Les saints Pères qui ont essuyé de pareilles difficultés de la bouche des défenseurs des spectacles, nous ont ouvert le chemin pour leur répondre : que les délectables représentations qui intéressent les hommes dans des inclinations vicieuses, sont proscrites avec elles dans l’Ecriture. Les immodesties des tableaux sont condamnées par tous les passages, où sont rejetées en général les choses déshonnêtes : il en est de même des représentations du théâtre. Saint Jean n’a rien oublié, lorsqu’il a dit : « N'aimez point le monde, ni ce qui est dans le monde : celui qui aime le monde, l’amour du Père n’est point en lui ; car tout ce qui est dans le monde, est concupiscence de la chair, ou concupiscence des yeux, ou orgueil de la vie : laquelle concupiscence n’est point de Dieu, mais du monde. » Si la concupiscence n’est pas de Dieu, la délectable représentation qui en étale tous les attraits n’est non plus de lui, mais du monde, et les chrétiens n’y ont point de part.
Saint Paul aussi a tout compris dans ces paroles : « Au reste, mes frères, tout ce qui est véritable : tout ce qui est juste, tout ce qui est saint, (selon le grec) u , tout ce qui est chaste, tout ce qui est pur) tout ce qui est aimable, tout ce qui est édifiant : s’il y a quelque vertu parmi les hommes, et quelque chose digne de louange dans la discipline ; c’est ce que vous devez penser » : tout ce qui vous empêche d’y penser, et qui vous inspire des pensées contraires, ne doit point vous plaire, et doit vous être suspect. Dans ce bel amas de pensées que saint Paul propose à un chrétien, qu’on trouve la place de la comédie de nos jours, quelque vantée qu’elle soit par les gens du monde.
Au reste ce grand silence de Jésus-Christ sur les comédies, me fait souvenir qu’il n’avait pas besoin d’en parler à la maison d’Israël pour laquelle il était venu, où ces plaisirs de tout temps n’avaient point de lieu. Les Juifs n’avaient de spectacles pour se réjouir que leurs fêtes, leurs sacrifices, leurs saintes cérémonies : gens simples et naturels par leur institution primitive ; ils n’avaient jamais connu ces inventions de la Grèce : et après ces louanges de Balaam, « il n’y a point d’idole dans Jacob, il n’y a point d’augure, il n’y a point de divination »  ; on pouvait encore ajouter : il n’y a point de théâtres, il n’y a point de ces dangereuses représentations : ce peuple innocent et simple trouve un assez agréable divertissement dans sa famille parmi ses enfants : c’est où il se vient délasser à l’exemple de ses Patriarches, après avoir cultivé ses terres ou ramené ses troupeaux, et après les autres soins domestiques qui ont succédé à ces travaux, et il n’a pas besoin de tant de dépenses ni de si grands efforts pour se relâcher.

C’était peut-être une des raisons du silence des Apôtres, qui accoutumés à la simplicité de leurs pères et de leur pays, n’étaient point sollicités à reprendre en termes exprès dans leurs écrits, des pratiques qu’ils ne connaissaient pas dans leur nation : il leur suffisait d’établir les principes qui en donnaient du dégoût : les chrétiens savaient assez que leur religion était fondée sur la Judaïque, et qu’on ne souffrait point dans l’Eglise les plaisirs qui étaient bannis de la Synagogue : quoi qu’il en soit, c’est un grand exemple pour les chrétiens, que celui qu’on voit dans les Juifs ; et c’est une honte au peuple spirituel, de flatter les sens par des joies que le peuple charnel ne connaissait pas.