XIII. Si l’on peut excuser les laïques qui assistent à la comédie, sous le prétexte des canons qui la défendent spécialement aux ecclésiastiques.
« Ab omnibus quaecumque ad aurium et oculorum pertinent illecebras, unde vigor animi emolliri posse credatur, quod de aliquibus generibus musicorum aliisque nonnullis rebus sentiri potest, Dei sacerdotes abstinere debent : quia per aurium oculorumque illecebras turba vitiorum ad animum ingredi solet. C’est-à-dire, Toutes les choses où se trouvent les attraits des yeux et des oreilles, par où l’on croit que la vigueur de l’âme puisse être amollie, comme on le peut ressentir dans certaines sortes de musique et autres choses semblables, doivent être évitées par les ministres de Dieu : parce que par tous ces attraits des oreilles et des yeux, une multitude de vices, turba vitiorum, a coutume d’entrer dans l’âme. »Ce canon ne suppose pas dans les spectacles qu’il blâme, des discours ou des actions licencieuses, ni aucune incontinence marquée : il s’attache seulement à ce qui accompagne naturellement
« ces attraits, ces plaisirs des yeux et des oreilles : oculorum et aurium illecebras »; qui est une mollesse dans les chants, et je ne sais quoi pour les yeux qui affaiblit insensiblement la vigueur de l’âme. Il ne pouvait mieux exprimer l’effet de ces réjouissances, qu’en disant qu’elles donnent entrée
« à une troupe de vices »: ce n’est rien, pour ainsi dire, en particulier ; et s’il y fallait remarquer précisément ce qui est mauvais, souvent on aurait peine à le faire : c’est le tout qui est dangereux ; c’est qu’on y trouve d’imperceptibles insinuations, des sentiments faibles et vicieux ; qu’on y donne un secret appât à cette intime disposition qui ramollit l’âme et ouvre le cœur à tout le sensible : on ne sait pas bien ce qu’on veut, mais enfin on veut vivre de la vie des sens et dans un spectacle où l’on n’est assemblé que pour le plaisir ; on est disposé du côté des acteurs à employer tout ce qui en donne et du côté des spectateurs à le recevoir. Que dira-t-on donc des spectacles, où de propos délibéré tout est mêlé de vers et de chants passionnés, et enfin de tout ce qui peut amollir un cœur ? Cette disposition est mauvaise dans tous les hommes ; l’attention qu’on doit avoir à s’en préserver ne regarde pas seulement les ecclésiastiques ; et l’Eglise instruit tous les chrétiens en leurs personnes.
On dira que c’est pousser les choses trop avant, et que selon ces principes il faudrait trop supprimer de ces plaisirs et publics et particuliers qu’on nomme innocents. N’entrons point dans ces discussions qui dépendent des circonstances particulières. Il suffit d’avoir observé ce qu’il y a de malignité spéciale dans les assemblées, où comme on veut contenter la multitude, dont la plus grande partie est livrée aux sens, on se propose toujours d’en flatter les inclinations par quelques endroits : tout le théâtre applaudit quand on les trouve ; on se fait comme un point d’honneur de sentir ce qui doit toucher, et on croirait troubler la fête, si on n’était enchanté avec toute la compagnie. Ainsi outre les autres inconvénients des assemblées de plaisir, on s’excite et on s’autorise, pour ainsi dire, les uns les autres par le concours des acclamations et des applaudissements, et l’air même qu’on y respire est plus malinq.