XII. De l’autorité des Pères.
Je ne veux pas me jeter sur les passages des Pères, ni faire ici une longue dissertation
sur un si ample sujet. Je dirai seulement, que c’est les lire trop négligemment, que
d’assurer comme fait l’auteur, qu’ils ne blâment dans les spectacles de leur temps, que
l’idolâtrie et les scandaleuses et manifestes impudicités. C’est être trop sourd à la
vérité de ne sentir pas, que leurs
raisons portent plus loin. Ils
blâment dans les jeux et dans les théâtres l’inutilité, la prodigieuse dissipation, le
trouble, la commotion de l’esprit peu convenable à un chrétien, dont le cœur est le
sanctuaire de la paix ; ils y blâment les passions excitées, la vanité, la parure, les
grands ornements qu’ils mettent au rang des pompes que nous avons abjurées par le baptême,
le désir de voir et d’être vu, la malheureuse rencontre des yeux qui se cherchent les uns
les autres, la trop grande occupation à des choses vaines, les éclats de rire qui font
oublier et la présence de Dieu et le compte qu’il lui faut rendre de ses moindres actions
et de ses moindres paroles ; et enfin tout le sérieux de la vie chrétienne. Dites que les
Pères ne blâment pas toutes ces choses, et tout cet amas de périls que les théâtres
réunissent :
dites qu’ils n’y blâment pas même les choses
honnêtes, qui enveloppent le mal et lui servent d’introducteur ; dites que saint
Augustin n’a pas déploré dans les comédies ce
jeu des passions et l’expression contagieuse de nos maladies, et ces larmes que nous
arrache l’image de nos passions si vivement réveillées, et toute cette illusion qu’il
appelle une misérable folie. Parmi ces commotions où consiste tout le plaisir de la
comédie, qui peut élever son cœur à Dieu ? qui ose lui dire qu’il est là pour l’amour de
lui et pour lui plaire ? qui ne craint pas dans ces folles joies et dans ces folles
douleurs, d’étouffer en soi l’esprit de prière, et d’interrompre cet exercice, qui selon
la parole de Jésus-Christ, doit être perpétuel dans un chrétien, du moins en désir et dans la
préparation du cœur ? On
trouvera dans les Pères toutes ces
raisons et beaucoup d’autres. Que si on veut pénétrer les principes de leur morale, quelle
sévère condamnation n’y lira-t-on pas de l’esprit qui mène aux spectacles, où pour ne pas
raconter ici tous les autres maux qui les accompagnent, l’on ne cherche qu’à s’étourdir et
à s’oublier soi-même, pour calmer la persécution de cet inexorable ennui qui fait le fond
de la vie humaine, depuis que l’homme a perdu le goût de Dieu ?