XI. Si on a raison d’alléguer les lois en faveur de la comédie.
L’auteur pour ne rien omettre appelle enfin les lois à son secours ; et, dit-il, si la
comédie était si mauvaise, on ne la tolérerait pas, on ne la fréquenterait pas :
sans songer que saint Thomas, dont il abuse, a décidé que les lois humaines ne sont pas
tenues à réprimer tous les maux, mais seulement ceux qui attaquent directement la
société
L’Église même, dit saint Augustin,
« n’exerce la sévérité de ses censures que sur les pécheurs, dont le nombre n’est pas grand : severitas exercenda est in peccata paucorum »; c’est pourquoi elle condamne les comédiens, et croit par là défendre assez la comédie : la décision en est précise dans les Rituels, la pratique en est constante : on prive des Sacrementsm et à la vie et à la mort ceux qui jouent la comédie s’ils ne renoncent à leur art ; on les passe à la sainte table comme des pécheurs publics : on les exclut des ordres sacrés comme des personnes infâmes : par une suite infaillible la sépulture ecclésiastique leur est déniée. Quant à ceux qui fréquentent les comédies, comme il y en a de plus innocents les uns que les autres, et peut-être quelques-uns qu’il faut plutôt instruire que blâmer, ils ne sont pas répréhensibles en même degré, et il ne faut pas fulminer également contre tous. Mais de là il ne s’ensuit pas, qu’il faille autoriser les périls publics : si les hommes ne les aperçoivent pas, c’est aux prêtres à les instruire, et non pas à les flatter : dès le temps de Saint Chrysostome les défenseurs des spectacles
« criaient que les renverser c’était détruire les lois »: mais ce Père sans s’en émouvoir disait au contraire, que l’esprit des lois était contraire aux théâtres : nous avons maintenant à leur opposer quelque chose de plus fort, puisqu’il y a tant de décrets publics contre la comédie que d’autres que moi ont rapportés : si la coutume l’emporte, si l’abus prévaut, ce qu’on en pourra conclure, c’est tout au plus que la comédie doit être rangée parmi les maux dont un célèbre historieno a dit qu’on les défend toujours, et qu’on les a toujours. Mais après tout, quand les lois civiles autoriseraient la comédie ; quand au lieu de flétrir, comme elles ont toujours fait, les comédiens, elles leur auraient été favorables : tout ce que nous sommes de prêtres, nous devrions imiter l’exemple des Chrysostomes et des Augustins : pendant que les lois du siècle qui ne peuvent pas déraciner tous les maux permettaient l’usure et le divorce, ces grands hommes disaient hautement que si le monde permettait ces crimes, ils n’en étaient pas moins réprouvés par la loi de l’Evangile : que l’usure qu’on appelait légitime, parce qu’elle était autorisée par les lois romaines, ne l’était pas selon celles de Jésus-Christ, et que les lois de la cité sainte et celles du monde étaient différentes.