(1694) Maximes et Réflections sur la Comédie « X. Différence des périls qu’on cherche et de ceux qu’on ne peut éviter. » pp. 44-45
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(1694) Maximes et Réflections sur la Comédie « X. Différence des périls qu’on cherche et de ceux qu’on ne peut éviter. » pp. 44-45

X. Différence des périls qu’on cherche et de ceux qu’on ne peut éviter.

Il compare les dangers où l’on se met dans les comédies, à ceux qu’on ne peut éviter « qu’en fuyant, dit-il, dans les déserts. On ne peut, continue-t-il, faire un pas, lire un livre, entrer dans une Eglise, enfin vivre dans le monde, sans rencontrer mille choses capables d’exciter les passions. » Sans doute, la conséquence est fort bonne : tout est plein d’inévitables dangers ; donc il en faut augmenter le nombre. Toutes les créatures sont un piège et une tentation à l’homme; donc il est permis d’inventer de nouvelles tentations et de nouveaux pièges pour prendre les âmes. Il y a de mauvaises conversations, qu’on ne peut, comme dit saint Paul, « éviter sans sortir du monde » : il n’y a donc point de péché de chercher volontairement de mauvaises conversations, et cet Apôtre se sera trompé en nous faisant craindre « que les mauvais entretiens ne corrompent les bonnes mœurs ? » .Voilà votre conséquence. Tous les objets qui se présentent à nos yeux peuvent exciter nos passions : donc on peut se préparer des objets exquis et recherchés avec soin, pour les exciter et les rendre plus agréables en les déguisant : on peut conseiller de tels périls ; et les comédies qui en sont d’autant plus remplies qu’elles sont mieux composées et mieux jouées, ne doivent pas être mises « parmi ces mauvais entretiens, par lesquels les bonnes mœurs sont corrompues ». Dites plutôt, qui que vous soyez : il y a tant dans le monde d’inévitables périls ; donc il ne les faut pas multiplier. Dieu nous aide dans les tentations qui nous arrivent par nécessité ; mais il abandonne aisément ceux qui les recherchent par choix : « et celui qui aime le péril » , il ne dit pas, celui qui y est par nécessité, mais : « celui qui l’aime » et qui le cherche, « y périra ».