(1694) Maximes et Réflections sur la Comédie « VI. Ce que c’est que les mariages du théâtre.  » pp. 25-27
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(1694) Maximes et Réflections sur la Comédie « VI. Ce que c’est que les mariages du théâtre.  » pp. 25-27

VI. Ce que c’est que les mariages du théâtre.

Mais il y a encore une autre raison plus grave et plus chrétienne, qui ne permet pas d’étaler la passion de l’amour, même par rapport au licite ; c’est, comme l’a remarqué, en traitant la question de la comédie, un habile homme de nos jourse ; c’est dis-je, que le mariage présuppose la concupiscence, qui selon les règles de la foi est un mal auquel il faut résister : contre lequel par conséquent il faut armer le chrétien. C’est un mal, dit Saint Augustin, dont l’impureté use mal, dont le mariage use bien, et dont la virginité et la continence font mieux de n’user point du tout. Qui étale, bien que ce soit pour le mariage, cette impression de beauté sensible qui force à aimer, et qui tâche à la rendre agréable, veut rendre agréable la concupiscence et la révolte des sens. Car c’en est une manifeste que de ne pouvoir ni ne vouloir résister à cet ascendant auquel on assujettit dans les comédies les âmes qu’on appelle grandes. Ces doux et invincibles penchants de l’inclination, ainsi qu’on les représente, c’est ce qu’on veut faire sentir et ce qu’on veut rendre aimable ; c’est-à-dire, qu’on veut rendre aimable une servitude qui est l’effet du péché, qui porte au péché ; et on flatte une passion qu’on ne peut mettre sous le joug que par des combats, qui font gémir les fidèles, même au milieu des remèdes. N’en disons pas davantage, les suites de cette doctrine font frayeur : disons seulement que ces mariages, qui se rompent ou qui se concluent dans les comédies, sont bien éloignés de celui du jeune Tobie et de la jeune Sara : « Nous sommes, disent-ils, enfants des saints, et il ne nous est pas permis de nous unir comme les gentils ». Qu’un mariage de cette sorte, où les sens ne dominent pas, serait froid sur nos théâtres ! Mais aussi que les mariages des théâtres sont sensuels, et qu’ils paraissent scandaleux aux vrais chrétiens ! Ce qu’on y veut, c’en est le mal : ce qu’on y appelle les belles passions, sontf la honte de la nature raisonnable : l’empire d’une fragile et fausse beauté et cette tyrannie qu’on y étale sous les plus belles couleurs flatte la vanité d’un sexe, dégrade la dignité de l’autre, et asservit l’un et l’autre au règne des sens.