(1664) Traité contre les danses et les comédies « Chapitre XIX. Si un Evêque peut défendre qu’on ne danse les jours des Fêtes, ou même en quelque temps de l’année que ce soit. » pp. 146-153
/ 255
(1664) Traité contre les danses et les comédies « Chapitre XIX. Si un Evêque peut défendre qu’on ne danse les jours des Fêtes, ou même en quelque temps de l’année que ce soit. » pp. 146-153

Chapitre XIX.
Si un Evêque peut défendre qu’on ne danse les jours des Fêtes, ou même en quelque temps de l’année que ce soit.

Il est néanmoins encore nécessaire d’expliquer deux questions importantes qui regardent l’autorité des Evêques, touchant la prohibition des danses. La première est, s’ils ont droit de défendre sous des peines Ecclésiastiques, qu’on ne danse point pendant les jours des fêtes. La seconde, s’ils peuvent étendre cette défense à tous les autres temps de l’année.

Pour le premier point, il est évident qu’ils peuvent sous des peines Ecclésiastiques défendre la danse les jours des Dimanches et des Fêtes, et pendant tout le temps qui est particulièrement destiné à l’exercice de la pénitence et de la prière, parce que comme nous avons auparavant prouvé, la danse qui ne s’est introduite que par l’instinct de la nature, et pour la satisfaction des sens, est prohibée les jours des Dimanches et des Fêtes, et pendant tout le temps qui est consacré à la mortification et à l’Oraison, par les Canons et par les Lois. Et ainsi comme l’autorité et la puissance spirituelle ne peut jamais être plus légitimement employée que pour appuyer et faire observer le droit commun, les Evêques peuvent la défendre par leurs Ordonnances, aux jours et aux temps que nous avons marqués, sous peine d’excommunication, ou sous quelqu’autre peine arbitraire.
Et même puisque le Droit menace de l’excommunication ceux qui font ces actions profanes en ces jours, un Evêque peut bien sans doute ajouter sa Sentence particulière à cette commination, et déclarer excommuniés par le seul fait, ceux qui dans leurs Diocèses commettront ces irrévérences.
Passons plus avant, et disons que quand la prohibition de la danse en ces mêmes jours dont nous parlons, ne serait pas expresse dans le Droit, suivant la doctrine de plusieurs célèbres Canonistes, les Evêques pourraient suppléer à ce défaut, et faire les prohibitions nécessaires pour la réformation et la correction de leurs peuples.
Il faut même dire, que la considération de la sainteté du temps qui est consacré au culte de Dieu et à la pénitence, et qu’ils voient indignement profané par ces pratiques dangereuses, et par ces actions païennes, les oblige d’user de leur pouvoir, et d’empêcher par les voies Canoniques cette horrible profanation.
Pour le second, on ne peut non plus douter qu’un Evêque ne puisse défendre la danse absolument et en tout temps, parce que la puissance Episcopale n’est pas tellement bornée par le Droit commun, pour ce qui regarde les mœurs, qu’elle ne puisse s’étendre au-delà des lois Canoniques, et ajouter des nouvelles Ordonnances pour ôter et détruire le péché, et pour conserver et augmenter la piété Chrétienne. Je dis bien davantage, si un Evêque veut remplir son ministère, répondre au rang qu’il tient dans l’Eglise, et s’acquitter dignement de sa charge ; il est dans l’obligation d’user souvent de la puissance que Dieu lui donne pour faire des nouveaux règlements. Les Canonistes passent même plus avant, et disent, que la coutume qui serait contraire à ce Droit, serait un abus et un dérèglement manifeste, parce qu’elle ne servirait qu’à fomenter le péché, et à donner aux personnes vicieuses la liberté qu’elles désirent, suivant la dépravation de leur cœur pour continuer impunément dans leurs désordres.
Et le Pape Innocent même déclare, qu’un Evêque peut prononcer Sentence d’excommunication contre un crime notoire. Les Jurisconsultes descendant au détail, expliquent cette vérité par des exemples. Comme ils assurent sur ce principe, qu’un Evêque peut excommunier les Marchands qui mêlent la farine des fèves parmi la cire qu’ils vendent. Et ils rapportent un Chapitre exprès du Droit, par lequel ils montrent que les ravisseurs sont excommuniés par les Ordinaires des lieux ; d’où ils concluent, que les Evêques ont pouvoir d’ordonner généralement tout ce qui est nécessaire pour le bon règlement de leurs peuples touchant les mœurs, c’est-à-dire, pour les établir dans la vertu, et pour les éloigner du vice.
Et de là il s’ensuit nécessairement qu’ils peuvent défendre la danse en tout temps, parce que comme nous avons prouvé dans tout cet ouvrage, ce divertissement, non seulement est opposé à la piété Chrétienne, mais encore il ne peut être qu’une source de maux et de péchés. Ajoutons à cela, que la négligence des Magistrats séculiers qui voient le mal et n’y remédient pas, oblige encore plus étroitement les Prélats de mettre la main à l’œuvre, et de suppléer à leur défaut par leur zèle et par leur autorité.

Fin du Traité de saint Charles.