Chapitre XIX.
Si un Evêque peut défendre qu’on ne
danse les jours des Fêtes, ou même en quelque temps de l’année▶ que ce soit.
Il est néanmoins encore nécessaire d’expliquer deux questions importantes qui regardent l’autorité des Evêques, touchant la prohibition des danses. La première est, s’ils ont droit de défendre sous des peines Ecclésiastiques, qu’on ne danse point pendant les jours des fêtes. La seconde, s’ils peuvent étendre cette défense à tous les autres temps de l’◀année.
Pour le premier point, il est évident qu’ils peuvent sous des peines Ecclésiastiques
défendre la danse les jours des Dimanches et des Fêtes, et pendant tout le temps qui est
particulièrement destiné à l’exercice de la pénitence et de la prière, parce que comme
nous avons auparavant prouvé, la danse qui ne s’est introduite que par l’instinct de la
nature, et pour la satisfaction des sens, est prohibée les jours des Dimanches et des
Fêtes, et pendant tout le temps qui est consacré à la mortification et à l’Oraison, par
les Canons et par les Lois. Et ainsi comme l’autorité et la puissance spirituelle ne peut
jamais être
plus légitimement employée que pour appuyer et
faire observer le droit commun, les Evêques peuvent la défendre par leurs Ordonnances, aux
jours et aux temps que nous avons marqués, sous peine d’excommunication, ou sous
quelqu’autre peine arbitraire.
Et même puisque le Droit menace de l’excommunication ceux qui font ces actions profanes
en ces jours,
un Evêque peut bien sans doute ajouter sa Sentence particulière à cette commination, et
déclarer excommuniés par le seul fait, ceux qui dans leurs Diocèses commettront ces
irrévérences.
Passons plus avant, et disons que quand la prohibition
de la
danse en ces mêmes jours dont nous parlons, ne serait pas expresse dans le Droit, suivant la doctrine de plusieurs célèbres Canonistes, les
Evêques pourraient suppléer à ce défaut, et faire les prohibitions nécessaires pour la
réformation et la correction de leurs peuples.
Il faut même dire, que la considération de la sainteté du temps qui est consacré au culte
de Dieu et à la pénitence, et qu’ils voient
indignement profané par ces pratiques dangereuses, et par ces actions païennes, les oblige
d’user de leur pouvoir, et d’empêcher par les voies Canoniques cette horrible
profanation.
Pour le second, on ne
peut non plus douter qu’un Evêque ne
puisse défendre la danse absolument et en tout temps, parce que la puissance Episcopale
n’est pas tellement bornée par le Droit commun, pour ce qui regarde les mœurs, qu’elle ne
puisse s’étendre au-delà des lois Canoniques, et ajouter des nouvelles Ordonnances pour
ôter et détruire le péché, et pour conserver et
augmenter la piété Chrétienne. Je dis bien davantage, si un Evêque veut remplir son
ministère, répondre au rang qu’il tient dans l’Eglise, et s’acquitter dignement de sa
charge ; il est dans l’obligation d’user souvent de la puissance que Dieu lui donne pour
faire des nouveaux
règlements. Les Canonistes passent même plus
avant, et disent,
que la coutume qui serait contraire à ce Droit, serait un abus et un dérèglement
manifeste, parce qu’elle ne servirait qu’à fomenter le péché, et à donner aux personnes
vicieuses la liberté qu’elles désirent, suivant la dépravation de leur cœur pour continuer
impunément dans leurs désordres.
Et le Pape Innocent même déclare, qu’un Evêque peut prononcer
Sentence d’excommunication contre un crime notoire. Les Jurisconsultes descendant au
détail, expliquent cette vérité par des exemples. Comme ils assurent sur ce principe,
qu’un Evêque peut excommunier les Marchands qui mêlent la farine
des fèves parmi la cire qu’ils vendent. Et ils rapportent un Chapitre exprès du
Droit, par
lequel ils montrent que les ravisseurs sont excommuniés par les Ordinaires des lieux ;
d’où ils concluent, que les Evêques ont pouvoir d’ordonner généralement tout ce qui est
nécessaire pour le bon règlement de leurs peuples touchant les mœurs, c’est-à-dire, pour
les établir dans la vertu, et pour les éloigner du vice.
Et de là il s’ensuit nécessairement qu’ils peuvent défendre la danse en tout temps, parce
que comme nous avons prouvé dans tout
cet ouvrage, ce
divertissement, non seulement est opposé à la piété Chrétienne, mais encore il ne peut
être qu’une source de maux et de péchés. Ajoutons à cela, que la négligence des Magistrats
séculiers qui voient le mal et n’y remédient pas, oblige encore plus étroitement les Prélats de mettre la main à
l’œuvre, et de suppléer à leur défaut par leur zèle et par leur autorité.
Fin du Traité de saint Charles.