Chapitre XVIII.
D’une excuse de laquelle se
servent ordinairement les gens du monde, pour justifier la conduite des jeunes hommes,
et des jeunes filles qui vont au bal.
Ceux qui apprennent la danse, au moins pour les jeunes hommes, et pour les jeunes filles, et qui trouvent mauvais qu’on les condamne, disent que le bal donne souvent occasion à beaucoup de mariages, qui ne se contracteraient jamais autrement, d’où ils voudraient conclure que ces assemblées, non seulement ne sont pas mauvaises et illicites ; mais qu’elles sont même quelques fois utiles. O aveuglement des hommes !
O étranges mariages, dont le dessein n’est conçu que dans la recherche de la volupté, et ne peut naître que des sentiments de la chair ; puisque c’est ce qu’on voit et ce qu’on entend dans la danse qui en inspire les pensées ! Craindra-t-on bien que ces hommes ou ces filles ne trouvent point des occasions de se marier, s’ils ne se servent des moyens vicieux ou dangereux afin de rencontrer un parti ? Mais peut-on bien espérer que Dieu donnera bénédiction à des alliances qui prennent leur naissance des principes si corrompus et si opposés à son esprit ? O aveuglement des hommes !
Hélas ! pourquoi ne fait-on mention que des mariages qui se contractent sur le fondement des affections sensuelles qui ont été conçues dans le bal ? N’est-il pas juste qu’on compare avec ce bien imaginaire, qui traîne presque toujours après soi une longue suite de maux de toute espèce, les desseins abominables de tant d’impuretés, et de tant d’adultères qui se forment dans ces mêmes lieux ? Ne compte-t-on pour rien tant de pensées impures, et tant de mauvais désirs, dont les âmes qui étaient peut-être venues pures au bal, se trouvent toutes salies et noircies lors qu’elles en sortent ? Comment peut-on donc excuser une pratique si remplie de véritables maux, sous prétexte d’un bien apparent ? Mais il est temps de finir ce traité, et de ne penser plus qu’à gémir, et à prier la bonté toute-puissante de Dieu, de donner à ceux qui sont constitués en dignité et en charge pour régir les peuples, et la lumière pour ordonner les remèdes convenables, afin d’ôter un abus si insupportable, et néanmoins si commun ; et le zèle de la gloire et du salut des âmes, afin d’en bien faire l’application, c’est-à-dire, avec grâce et avec fruit.