Chapitre XVII.
Que les danses sont condamnées dans
l’Ecriture, et par les Pères.
Nous avons montré dans les Chapitres précédents, quels sont les maux qui accompagnent la danse, suivant le sentiment des Docteurs, même des derniers siècles. Voyons maintenant comment est-ce que l’Ecriture sainte, et les Pères en parlent.
« Ne fréquentez jamais une femme, ni une fille qui aime la danse, et n’ayez nulle communication avec elle, de peur que ses attraits ne soient une occasion de ruine pour votre âme. »Ces paroles peuvent raisonnablement être appliquées à toutes les personnes de ce sexe, qui sont attachés par affection à ce divertissement dangereux. Et ainsi c’est une imprudence très grande de contracter aucune amitié, et d’avoir aucune familiarité avec elles. Sara fille de Rachel, fut fidèle à les fuir, parce qu’elle était prévenue et éclairée de la lumière de Dieu. Voici ce qu’elle dit de soi-même, parlant à Dieu dans la simplicité de son cœur.
« Vous savez, dit-elle, Seigneur, que je n’ai jamais eu d’inclination pour aucun homme, et que j'ai conservé mon âme pure de toute sorte de convoitises. Que je ne me suis jamais mêlée parmi les personnes qui sont adonnées au jeu, et que je me suis tenue séparée de celles qui aimaient la danse. »
« Que leurs enfants s’assemblent, et que dans des assemblées ils jouent, et ils se réjouissent au son du tambour, et des autres instruments, mais qu’enfin ayant passé leur vie dans le plaisir, ils descendent en Enfer dans un instant. »
« Parce que les filles de Sion se sont laissées emporter à la vanité, et qu’elles ont marché avec faste et avec cadence ; le Seigneur les rendra chauves, et les couvrira de confusion. »Car saint Basile expliquant cet endroit du Prophète, l’interprète de la danse : et après avoir dit beaucoup de choses importantes contre la superbe, il ajoute,
« On voit encore aujourd’hui que les femmes Juives dansent très fréquemment sans craindre les menaces d’Isaïe : Mais ce Prophète, dit-il, ne condamne pas moins par ces paroles la conduite de beaucoup de filles de l’Eglise », c’est-à-dire, de femmes et de filles Chrétiennes, qui par une indiscrète et fausse joie, qu’elles appellent spirituelle, dansent aussi d’une manière honteuse les jours des Fêtes, et dans le temps même qu’elles viennent dans les Eglises pour entendre la parole de Dieu.
« Avertissez incessamment vos voisins et vos proches, dit ce saint Docteur, de s’appliquer toujours aux bonnes œuvres, et de ne s’entretenir que de discours honnêtes et Chrétiens dans leurs conversations, de peur qu’en détractant, et parlant mal de leur prochain, et dansant les jours des Fêtes des Saints, ou en chantant des chansons impudiques, ou indécentes, ils ne blessent leur conscience par ces dérèglements. Ces personnes malheureuses, ajoute-t-il, qui n’ont pas honte de danser, même devant les Eglises qui sont dédiées à la mémoire des Saints, quoiqu’elles soient venues à l’Eglise comme fidèles, et comme faisant profession du Christianisme ; elles s’en retournent néanmoins chez elles, avec l’esprit, et avec les vices des Païens, parce que cette coutume de danser n’est qu’un reste du Paganisme. »
Tous les Pères de l’Eglise condamnent généralement dans plusieurs endroits de leurs Ouvrages tous les spectacles, comme contraires à l’esprit de l’Evangile, et à la discipline Chrétienne. Puisque donc le bal et la danse est une espèce de spectacle, ce serait combattre la raison, et l’esprit de ces Ecrivains Apostoliques, que de ne pas vouloir qu’elle soit comprise dans cette générale condamnation. En effet la danse n’est pas moins un divertissement sensuel pratiqué par les Païens, que les autres actions que les Saints blâment avec tant de zèle, et avec tant de force. Et si quelques-uns d’entre eux n’ont pas exprimé cette sorte d’exercice, et ce spectacle particulier, ce n’est pas qu’ils l’estimassent innocent ; mais parce que le peuple du pays dans lequel ils vivaient n’y était pas adonné, comme il est dans le nôtre.
« Le Diable , dit ce grand Prélat, est dans les pompes et dans les spectacles ; et ainsi lorsque après le Baptême nous retournons aux spectacles, nous abandonnons la foi de Jésus-Christ que nous avions embrassée. C’est par cette lâcheté que nous détruisons tous les mystères du symbole, ou au moins que tout ce qui est contenu dans la profession de notre créance est ébranlé, parce que les conséquences nécessaires ne sauraient subsister lorsqu’on ne s’arrête pas inviolablement aux principes qui les doivent appuyer et soutenir. »Ce sont les expressions de cet Auteur célèbre, qui dit beaucoup d’autres choses importantes et puissantes, et contre les spectacles, et contre toute sorte de jeux et de divertissements mondains. Et certes c’est avec beaucoup de justice que les Saints ont combattu ces divertissements avec tant d’ardeur, puisque suivant le jugement qu’ils en ont porté dans la lumière de Dieu, ce sont des choses opposées à l’honnêteté et à la vertu, et des inventions du démon pour perdre les âmes.
« Il faut, dit-il, éviter toute sorte de spectacles, non seulement de peur que nos cœurs qui doivent être purs et paisibles, ne soient corrompus ou troublés par quelque affection vicieuse, mais encore de peur que nous ne nous attachions au plaisir, et qu’ainsi nous ne soyons divertis de Dieu et des bonnes œuvres. »Alexandre de Halès traite les danses comme un divertissement qui est mauvais, et qui n’est propre qu’à émouvoir la sensualité et les convoitises, et à causer des sentiments d’impureté. Jean Gerson dans un de ses Sermons contre la luxure, dit,
« Qu’il est très malaisé, à cause de la fragilité des hommes, qu’on danse sans commettre beaucoup de péchés, et que tous les péchés se trouvent et paraissent à leur tour dans le bal. »
« C’est une chose exécrable, dit-il, de danser les jours des Fêtes, puisque dans cet exercice les âmes de ceux qui y assistent, tombent dans les pièges du démon, et contractent beaucoup de taches par la vue, par l’ouïe, par le goût, et par l’attouchement. »Il cite en cet endroit le Canon du Concile de Tolède, que nous avons rapporté auparavant ; et ajoute,
« Malheur à ceux qui contribuent à ces maux par le son de leurs instruments ; car ils rendront compte devant le juste Juge de tous les péchés auxquels ils ont donné occasion, parce que celui qui donne occasion à quelque dommage que le prochain souffre, est lui-même, suivant le Droit, la cause du dommage qu’il souffre. »
« Les impies marchent dans un cercle, et Dieu embrasera ses ennemis dans le cercle. »Et celles-ci de l’Apocalypse,
« Les sauterelles ont été produites de la fumée du puits et de l’abîme, et sont montées sur la terre. »Et un peu après,
« Et ces sauterelles sont semblables à des chevaux préparés pour le combat, et elles ont des couronnes, qui semblent dorées, sur leurs têtes. »Il conclut enfin que dans le bal se trouve la pompe du siècle, le feu de l’impureté, la superbe et la vaine gloire, et que les hommes par conséquent y deviennent ennemis de Dieu. Il appelle les danses un divertissement du Diable, parce qu’il s’en sert pour surprendre les âmes, et pour les perdre ; et il les condamne avec tant de fermeté, qu’il prouuve qu’elles sont contraires à tous les commandements de Dieu, et qu’elles anéantissent tous les fruits de nos Sacrements.
« Parce que, dit-il, saint Barnabé a donné sa malédiction aux hommes qui jouent, et qui se mêlent dans leurs divertissements avec les femmes ». En effet ces assemblées d’hommes et de femmes, principalement lorsqu’elles ne sont faites que pour se donner du plaisir, ne peuvent être que très dangereuses.
Ajoutons à tant de témoignages si exprès, et si formels, les sentiments de beaucoup de personnages illustres en piété, qui ont fait des Sermons entiers contre la danse, et qui considèrent de près, et dans la lumière de la vérité, les péchés qui s’y commettent ordinairement, et qui naissent des regards, des attouchements et des entretiens, les condamnent encore, et les détestent comme un divertissement diabolique ; et ne croient point que personne se puisse innocemment exposer au péril qui s’y trouve, quelque chaste et quelque établi qu’il soit dans la mortification des sens. C’est ainsi que parlent Chérubin d’Espolète, Jacques de Voragine Archevêque de Genes, et Gabriel Bareleta.
Jacques de Vitry rapporte qu’au pays de Saxe dans quelques villages, Dieu punit d’une manière terrible et extraordinaire des personnes qui dansaient un jour de Fête, et qui ne voulurent pas quitter ce divertissement, quoiqu’ils en fussent charitablement avertis par leur Curé.
« La danse mondaine, dit-il, se doit ainsi définir ; elle est un cercle dont le centre est le Diable, et duquel ses Anges qui l’entourent font la circonférence ; et c’est pour cela qu’elle ne se fait jamais sans péché. Satan ordonne et range lui-même la danse après l’adoration du veau d’or, etc. »Il poursuit, et continue à montrer que tous les péchés se rencontrent dans la danse, et que personne, quelque pure, et quelque sainte qu’elle puisse être, ne saurait y assister, qu’elle n’en sorte chargée de quelque péché.
« Que personne quasi ne danse qui ne puisse être convaincu de n’être pas sobre et tempérant. »Et Alphonse Roi de Naples disait des Français qui aimaient si fort la danse, qu’ils ne pouvaient s’en abstenir dans un âge même bien avancé, qu’ils devenaient folsg dans leur vieillesse. En ce temps même on ne voit aucune personne qui soit en réputation de prudence et de sagesse, qui n’ait de l’aversion pour les danses, et qui n’en éloigne autant qu’elle peut tous ceux de sa maison.
Et toutes les âmes qui ont quelque crainte de Dieu, et quelque sentiment solide de piété, souhaitent ardemment que cette mauvaise coutume soit détruite et anéantie ; leur désir est bien raisonnable et bien juste ; car outre les maux fréquents et ordinaires, desquels nous avons auparavant parlé, nous en pourrions rapporter d’autres qui se rencontrent plus particulièrement dans les bals ou dans les danses qui se font dans les villes ; mais qui sont si étranges que les oreilles chastes et pieuses ne sauraient le souffrir.
Hélas ! est-il possible que l’on tolère dans l’Eglise de Dieu un libertinage si horrible, et que l’on voie des écoles publiques de lubricité, et des assemblées où se font des trafics infâmes, et où se concluent les desseins des impuretés les plus abominables, et des adultères, même les jours des Dimanches et des Fêtes, et encore plus particulièrement dans le temps que l’Eglise a destiné pour remercier Dieu du bienfait inestimable de la naissance de son Fils, et depuis la Septuagésime jusques au Carême, c’est-à-dire lorsque suivant les intentions de cette même Eglise, nous devrions être occupés à pleurer nos péchés, et à nous disposer à obtenir la grâce d’une parfaite pénitence.