(1664) Traité contre les danses et les comédies « Chapitre XII. Du Dimanche et des jours des Fêtes. » pp. 54-66
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(1664) Traité contre les danses et les comédies « Chapitre XII. Du Dimanche et des jours des Fêtes. » pp. 54-66

Chapitre XII.
Du Dimanche et des jours des Fêtes.

Il faut maintenant que nous pesions sérieusement les raisons qui font voir qu’on ne peut pas danser sans péché les jours des Dimanches, ni les jours des Fêtes. Commençons par la considération de l’institution de ces mêmes Fêtes, et des exercices qui sont propres à la sainteté de ces jours ; afin que nous connaissions par là, si le bal, et la danse sont compatibles avec ces dévotions, et avec ces solennités. Nous aurons soin, et tâcherons d’appuyer tout ce que nous avancerons sur l’autorité de ceux qui ont droit, et obligation de régler les fidèles ; afin qu’on ne croie pas que nous disions rien de nous-mêmes.

La fin principale pour laquelle les Fêtes ont été instituées, comme l’Ecriture même nous enseigne ; c’est pour honorer le repos ineffable de Dieu après l’ouvrage de six jours. « Dieu a fait, est-il dit dans l’Exode, le ciel, la terre, la mer, et toutes les autres choses qui y sont contenues, et il s’est reposé le septième jour ; c’est pour cela qu’il a ordonné un jour de repos, qu’il l’a béni, et qu’il l’a sanctifié. »
Nous devons donc en ces jours nous séparer des occupations temporelles, et qui regardent le Siècle ; pour nous occuper en Dieu, et aux choses spirituelles ; et c’est ce qu’on appelle sanctifier les Fêtes. Ce qui est encore expressément marqué dans les Livres des constitutions Apostoliques, qui nous apprennent que les jours des Fêtes ne sont établis que pour le culte de Dieu, et afin que nous nous souvenions de sa naissance dans la chair, de sa mort, et de sa résurrection, et qu’étant remplis d’une joie toute spirituelle dans la vue de ses inestimables bienfaits, nous l’honorions par des actions de grâces, et par des œuvres de vertu.

Outre le Dimanche nous célébrons encore des Fêtes en l’honneur des Saints ; mais ce culte revient à la gloire du Fils de Dieu, qui en est le chef, parce que c’est lui qui les a sanctifiés, et qui les ayant faits ses membres, leur a donné la plénitude de son esprit, par laquelle ils sont devenus Saints, et parfaits. Nous faisons encore ces mêmes Fêtes des Saints, afin que nous remettant dans l’esprit la vie qu’ils ont menée, et les vertus qu’ils ont pratiquées avec tant de fidélité et de perfection, nous concevions des désirs solides de les imiter, et nous résolvions à suivre leur exemple.

C’est ce que Saint Paul veut dire, lorsqu’il écrit aux Hébreux, « Souvenez vous de vos Prélats qui vous ont annoncé la parole de Dieu ; et faisant attention à la consommation de leur sainte vie ; tâchez d’imiter la vigueur de leur foi. » Car suivant l’interprétation de Théodoret, l'Apôtre parle en cet endroit de ceux qui étaient déjà morts comme saint Jacques qu’il appelle ailleurs, le frère du Seigneur, et qui avait été tué par le commandement d’Hérode.
Et saint Basile dit encore sur le même sujet : « C’est pour notre avantage, et pour notre utilité, que nous faisons avec solennité la mémoire des Martyrs ; car ils n’ont pas besoin de nos louanges, qui ne répondent jamais à leur mérite ; et ils ont une entière félicite, et une parfaite gloire en Dieu, dont ils jouissent ; mais c’est nous, qui avons besoin de nous représenter la conduite qu’ils ont tenue, pour parvenir à l’état bienheureux qu’ils possèdent ; afin de nous rendre dignes, par l’imitation fidèle de leur vie, de participer un jour à leur bonheur. » Voilà quelles doivent être les occupations des Chrétiens les jours des Fêtes.
Mais ajoutons des nouvelles autorités aux précédentes, pour éclaircir davantage ce point, qui est si important dans la Religion Chrétienne. Le Pape Nicolas premier répondant aux Bulgares, marque distinctement les exercices, auxquels doivent s’occuper les fidèles en ces saints jours, dont nous parlons. « Il faut savoir, dit-il, que l’on s’abstient des œuvres serviles, et des occupations mondaines les jours des Fêtes, afin que l’on soit dans une plus grande liberté d’aller aux Eglises, de chanter des Psaumes, des Hymnes, et des Cantiques spirituels, de s’appliquer à l’Oraison, de porter des Oblations à l’Autel, de prendre part à la grâce des Saints, par le souvenir de leurs vertus, de s’encourager, et de s’animer à leur imitation, d’écouter la parole Divine avec attention, et avec ferveur, et d’exercer la charité envers le prochain, et faire des aumônes. »
Alexandre III. dit que les jours du Dimanche, et des autres Fêtes, sont consacrés à la gloire de la Majesté souveraine de Dieu ; et que c’est pour cela que les ordonnances de l’Eglise nous obligent de les sanctifier.
Il ne faut pas omettre ces paroles excellentes du Concile de Fréjus : « Il faut, dit-il, s’abstenir les jours des Fêtes de toute sorte de péché, et de toute sorte d’œuvre sensuelle, ou terrestre ; et ne s’occuper à autre chose en ce saint temps, qu’aux exercices de l’Oraison, et à se rendre fidèlement aux assemblées qui se font dans les Eglises pour les Offices, avec une parfaite ferveur d’esprit. »
Ajoutons encore le Concile de Mâcon : « Vous, Chrétiens, disent les Prélats assemblés dans ce Concile, qui ne portez pas en vain ce saint nom dont vous êtes honorés, et qui désirez vous en rendre dignes par votre conduite ; écoutez avec attention les avertissements que nous vous donnons, sachant que Dieu ne nous a donné l’autorité que nous avons, que pour veiller sur vos âmes ; pour vous enseigner ce qui sert à votre salut, et pour vous retirer de toute sorte de mal. Gardez donc le jour du Dimanche, qui nous a nouvellement enfantés, par la grâce de Jesus-Christ, et qui nous a délivrés de tous nos péchés. » . Et plus bas ; « Soyez donc appliqués de corps, aussi bien que d’esprit, aux Hymnes, et à la louange de Dieu. Que celui de vous, qui sera proche de quelque Eglise, s’y rende promptement ; et que pendant ces jours, il répande son âme devant Dieu par les prières, et par les larmes : que vos yeux et vos mains soient pendant tout ce jour étendues vers Dieu ; parce que c’est le jour qui représente le repos éternel, et de Dieu et des âmes saintes en Dieu, c’est ce jour qui dans la Loi et dans les Prophètes, a été figuré par le septième jour, qu’on appelait le Sabbat. Il est donc juste que nous célébrions tous avec la même affection, et avec la même ardeur, et dans une entière unité de cœur et d’esprit, ce saint jour par lequel nous sommes devenus, ce que nous n’étions pas, c’est-à-dire, les enfants de Dieu, et les héritiers de la gloire éternelle. » Et encore plus bas : « Si quelqu’un d’entre vous méprise cette exhortation salutaire, qu’il sache, premièrement qu’il sera puni de Dieu pour le mépris qu’il en aura fait, et en second lieu, qu’il attirera sur soi la colère de l’Eglise. »

Eusèbe écrit que Constantin a fait beaucoup d’ordonnances touchant la piété avec laquelle les fidèles doivent célébrer le jour du Dimanche, et les Fêtes des Saints Martyrs, et qu’il a commandé qu’on quittât toutes les occupations extérieures et mondaines ; afin qu’on pût dans cette liberté, et dans ce repos fréquenter les Eglises, et prier avec plus d’assiduité et de ferveur ; et nous rapporterons encore plus bas plusieurs autres ordonnances des Empereurs sur ce sujet ; par lesquelles il paraît évidemment qu’il n’y a rien de si contraire aux lois divines et humaines, et à la raison même, que d’employer à la volupté, et au plaisir, des jours qui sont consacrés au culte de Dieu, et institués pour ne vaquer qu’aux choses divines.

C’est sur ce fondement qu’Alexandre de Halès Docteur célèbre, a jugé que ceux qui dansent les jours des Fêtes violent le précepte qui nous oblige de les sanctifier ; et qu’ils pèchent même plus grièvement que s’ils étaient occupés à quelque travail mécanique, et à quelque autre œuvre servile, suivant cette parole de saint Grégoire, « C’est une chose plus tolérable de fouir la terre, ou de labourer un jour de Dimanche, que de danser. »
Ce qui s’accorde parfaitement avec ce passage de saint Augustin, que saint Thomas rapporte ; « un Juif ferait mieux d’aller travailler dans son champ, que d’assister à la Comédie ; et les femmes Juives encore feraient mieux de filer de la laine le jour du Sabbat, que de danser comme elles font avec insolence les jours de leurs Fêtes ».