(1664) Traité contre les danses et les comédies « Chapitre III. Que les Danses sont défendues aux Ecclésiastiques. » pp. 14-21
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(1664) Traité contre les danses et les comédies « Chapitre III. Que les Danses sont défendues aux Ecclésiastiques. » pp. 14-21

Chapitre III.
Que les Danses sont défendues aux Ecclésiastiques.

Puisque les danses sont d’elles-mêmes indifférentes ; il est nécessaire que nous examinions les conditions et les circonstances qui les peuvent rendre mauvaises : commençons par la qualité des personnes.

Nous disons donc que les personnes Ecclésiastiques ne peuvent point licitement danser, et que les Danses leur sont entièrement défendues. C’est la doctrine de S. Thomas, de S. Bonaventure, de S. Antonin, d’Angélus, de Sylvestre, et des autres Casuistes.
Ces Auteurs appuient ce sentiment de deux Canons du Décret qui ne sont pas exprès, et dans lesquels la prohibition de la Danse n’est pas formellement contenue. Car le I. défend seulement les bouffonneries, « les railleries, et les discours immodestes et indiscrets, et veut que les Clercs qui sous prétexte de divertissement usent de ces paroles impertinentes, soient déposés et éloignés de l’exercice de leurs fonctions ».

Le second défend l'ivrognerie, les ris immodérés, les contes vains et ridicules, les jeux profanes et séculiers, et tout ce qui peut servir à la volupté mondaine. Il y est aussi marqué que les Ecclésiastiques, ne doivent point se divertir à voir les masques, ni souffrir ces insolences en leur présence ; parce que ce sont des inventions diaboliques, et contraires à l’esprit de l’Eglise, et aux Canons.

Mais il y a dans le Droit Canon des défenses plus expresses, et des prohibitions plus formelles de la Danse, pour ceux qui sont honorés de la Cléricature. Car le Concile d’Agde rapporté par Gratien, ordonne à tous ceux qui sont engagés dans cette profession sainte, de n’aller point aux festins des Noces, et de n’assister à ces assemblées, où l’on chante des chansons d’amour, et où l’on danse ; de peur que les yeux, et les oreilles, que la divine vocation applique aux saints ministères, ne soient souillées par la vue des mouvements qui peuvent laisser des impressions d’impureté, ou par des paroles indiscrètes, et lascives.
Le Concile de Laodicée dit qu’il ne faut point que ceux qui servent à l’Autel, ni qu’aucun Clerc se trouve jamais aux spectacles des Noces, et des Comédies. Si les Canons ne permettent pas seulement aux Ecclésiastiques de se trouver aux lieux, et dans les occasions, où se font les Danses ; Comment pourrait-on prétendre, qu’ils pussent eux-mêmes danser sans péché. Sylvestre et Angélus déclarent que le péché que ces personnes commettent, si elles viennent à danser, est mortel à cause de la prohibition, et du scandale : si ce n’est peut-être, dit un de ces Docteurs, que la circonstance rende le péché moindre, comme si cette Danse se faisait en secret, et qu’on n’y employât que fort peu de temps.

Cette condition néanmoins, que cet Auteur particulier ajoute, ne saurait mettre les Clercs en assurance, ni excuser leur péché, s’ils désobéissent en ce point à l’Eglise, et s’ils violent les Canons. Car soit qu’ils dansent secrètement, soit qu’ils se divertissent de cette manière à la vue du monde, ce qu’ils font est toujours prohibé, et par conséquent illicite. Et la raison du Concile d’Agde n’a pas moins de force touchant les Danses secrètes qu’à l’égard des publiques, puisqu’il sera toujours vrai, que l’Ecclésiastique qui assiste à la Danse, expose sa vue, et ses oreilles, qui sont consacrées à Dieu par l’application au service de l’Autel, à la profanation, et au danger évident de salir sa pureté. Il semble même que c’est une pure imagination de penser, qu’il y puisse avoir des Danses secrètes, spécialement pour les Clercs, sur qui tout le monde jette les yeux, et dont on remarque fort exactement les actions. Enfin quand bien un Ecclésiastique pourrait danser secrètement, il y aurait toujours beaucoup de raisons, qui le rendraient inexcusable dans son péché.

Et si quelqu’un nous oppose pour éluder la force du Canon du Concile d’Agde, que le Concile ne parle que des Danses, et des jeux qui sont immodestes et déshonnêtes, et qu’ainsi ces sortes d’exercices ne sont pas illicites à l’égard des Clercs, lorsqu’il ne s’y mêle rien de contraire à l’honnêteté, et à la modestie ; cette objection se détruit aisément par la considération sérieuse et attentive du vrai sens du Canon, qui ne comprend pas seulement les déshonnêtetés qui sont évidemment mortelles ; mais toute sorte d’actions, de gestes, et de mouvements trop libres, qui ne s’accordent point avec la retenue, et avec la sainteté des enfants de Dieu. Ces actions, ces gestes, et ces mouvements sont pourtant inséparables de la Danse, principalement, en la manière qu’elle se fait aujourd’hui. Et ainsi suivant le véritable sens du Canon les Danses de ce temps, quoique on ne les juge pas déshonnêtes ; sont néanmoins opposées à l’honnêteté Chrétienne, et par conséquent à la piété, spécialement des personnes Ecclésiastiques. Car pour réfuter encore plus puissamment cette illusion, ce qui ne passerait pas pour contraire à l’honnêteté, si on le prenait absolument, d’une manière générale ; ne laisse pas de l’être, par rapport à la condition particulière des personnes appliquées au culte de Dieu par une spéciale consécration. Et c’est pour cela que le Canon du Concile de Laodicée défend ces mêmes Exercices de la danse, et la Comédie à tous les Ecclésiastiques sans distinction ni restriction.