Chapitre II.
De deux sortes de Danses, dont il est
parlé dans l’Ecriture Sainte.
« Ne fréquentez point, dit-il, et n’écoutez point la femme Danseuse, de peur que ses attraits ne causent votre ruine. »C’est sans doute par la lumière de cet Esprit Saint, que Sara fille de Rachel avait été conduite, qui répandant son cœur en la présence de Dieu dans l’amertume de son âme, disait qu’elle ne
« s’était point mêlée parmi les personnes qui jouaient et qui dansaient », et qu’elle n'avait pris aucune part à leurs divertissements profanes. C’est de cette récréation folle, et déréglée que parle Job, lorsqu’il dit, expliquant la conduite, et la manière de vivre des pécheurs,
« qu’ils se réjouissent au son du Tambour, et des autres Instruments, et qu’après cette vaine et courte joie ils se précipitent dans les enfers en un moment ». Enfin cette Danse sensuelle est exprimée dans la prophétie d’Isaïe
« par les démarches mesurées des filles de Sion », qui attiraient la malédiction de Dieu sur elles. Car les femmes Juives étaient fort adonnées à la Danse, comme rapporte S. Basile sur ces paroles du Prophète :
« On voit encore maintenant, dit-il, que les femmes Juives font de la Danse leur principal divertissement. »Saint Augustin encore, lorsqu’il dit,
« que les femmes Juives feraient beaucoup mieux de s’occuper au Sacrifice le jour du Sabbat, que de le passer comme elles font dans l’exercice de la Danse ». On lit la même chose dans la cinquième Loi du Code Théodosien :
« Si quelques Chrétiens, dit cette Loi, veulent imiter la folie et l’impiété des Juifs, et suivre l'étourdissement ou l’aveuglement des Infidèles et des Païens, en profanant comme ces peuples charnels les jours destinés au culte de Dieu, par des recréations mondaines ; qu’ils apprennent que le temps qui est consacré aux prières, et à l’oraison, n’est pas un temps de plaisir et de volupté. »
Ces diverses sortes de Danses ont été en effet, pratiquées par les Païens. Car comme rapporte Cælius Rodiginus, ils ne s’en sont pas seulement servis pour satisfaire à leur sensualité ; mais encore pour honorer leurs faux Dieux dans leur vaine, et impertinente Religion. Ce qu’ils ont fait par l’instinct du Diable, qui dans le dessein de tromper les hommes, et les perdre, et par l’ambition qu’il a de se rendre semblable à Dieu, et de se faire adorer, a voulu qu’on employât dans l’exercice de la superstition, et de l’idolâtrie, tout ce que les hommes inspirés du S. Esprit, ont fait extérieurement pour le culte du vrai Dieu.
L’usage de cette sorte de danses qui selon l’Ecriture servent à glorifier Dieu, ne se trouve point parmi les Chrétiens, si ce n’est peut-être en ce que le Clergé et le peuple fidèle s’assemble pour bénir Dieu, pour le remercier, et pour l’invoquer, enfin pour l’honorer par le Chant, et par le son des instruments de Musique. Et en ce que selon l’ordre de l’Eglise, nous faisons des Processions, où le Chant est accompagné du mouvement du corps, qui même en quelques endroits se fait avec plus de règle, et avec plus de mesure. Mais cet autre sorte d’exercice dans lequel on s’occupe pour délecter, et contenter les sens, n’est que trop fréquent dans le Christianisme, et on en use d’une manière tout a fait vicieuse, et désordonnée. Et par là ceux qui ont été faits enfants de Dieu, et membres de Jésus-Christ par leur Baptême, deviennent honteusement les imitateurs, non seulement des Juifs, mais des Gentils et Idolâtres, comme il est marqué dans la Loi que nous avons citée, et dans un passage de saint Augustin que nous rapporterons plus bas.
Néanmoins comme on ne peut point nier qu’on ne puisse prendre innocemment quelque sorte de récréation, pour délasser l’esprit par le Chant, ou par le son des Instruments, et par le mouvement même mesuré du corps, nous ne prétendons pas conclure par ce que nous avons dit, que la Danse soit d’elle-même criminelle.