Des comédies.
Le
2. Neoph.
a Saint Chrysostome, en l’Homélie 8. qu’il a fait de la
Pénitence, décrit fort bien le sixième ennemi de notre chasteté, lorsque parlant des
comédies sales et déshonnêtes, il les appelle la boutique commune de l’impudicité, l’école
publique de l’incontinence, la chaire pestilente, un théâtre de toute impureté, un hôpital
rempli de toute sorte de maladies contagieuses. En un mot, une fournaise de Babylone, en
laquelle l’âme chaste se brûle, et se consomme dans les
flammes ardentes de
la concupiscence. Le grand Tertullien ne donne qu’un coup de pinceau pour décrire la
comédie, mais ses couleurs sont si noires qu’elles donnent de l’horreur. Il appelle ces
comédies publiques, «
le particulier consistoire de l’impudicité». Salvien n’ose seulement en parler, parce que, dit-il, les choses qui s’y font sont, telles qu’on ne saurait les dire ni même s’en souvenir, sans se souiller, et la langue, et le cœur.
Le Pros. b Vous me semblez bien docte en cette matière, j’aimerais mieux entendre votre sentiment que celui des anciens.
Le
2. Neoph. Voulez-vous que je vous parle franchement ? Je distingue deux
sortes de comédies, les unes sont honnêtes, modestes, et fondées sur la bonté de la
conscience de ceux qui les représentent, ou les font représenter. Celles-là sont plutôt
pour donner un honnête divertissement, étant des représentations de choses bonnes et
honnêtes, que pour offenser la chasteté. Mais s’il est question de parler des autres où
l’on fait profession de faire des
actions et des gestes tout à fait
impudiques, je dirai hardiment qu’à grande peine se trouve-t-il chose plus scandaleuse à
l’honneur du Christianisme, plus préjudiciable à la jeunesse chaste, et plus dangereuse
pour pécher mortellement ; car ce sont des filets, et des pièges que le diable dresse pour
attraper une âme chaste ; ce sont des dispositions aux sacrifices de Venus, ou des degrés
pour monter à l’autel de Baal. Si je croyais que vous et moi dussions jamais assister à
ces vilaines comédies, je demanderais à Dieu qu’il envoyât son foudre pour nous écraser,
et ce coup du Ciel ne nous serait pas si funeste, que le geste d’un comédien lascif, ou la
parole d’une effrontée comédienne.
Le Pros. Donnez-moi maintenant des armes pour combattre ce dernier ennemi.
Le
1. Neoph. Je réduis toutes vos armes à un seul bouclier, qui sera une
sainte et généreuse résolution, de ne jamais assister à ces vilaines comédies.
Le
Pros. Oui mais, dira un petit garçon comme moi, ou une fille de maison,
Mon père le veut, ma mère le commande,
tous deux m’y mènent,
il faut bien que je les suive.
Le
2. Neoph. Il ne le faut point, et comme ils ne peuvent vous commander chose qui soit
contre la loi et volonté de Dieu, aussi n’êtes-vous pas obligé de leur obéir, s’il y a du
péché.
Le
Pros. Si je n’obéis, je serai mal traité, si je ne veux suivre ma mère,
dira la fille, je serai châtiée, elle ne me caressera plus.
Le
1. Neoph. Etre mal traité pour ce sujet, c’est souffrir un bien glorieux martyre pour
l’amour de Jésus.
Le
Pros. Hé bien, dira un homme, je ne me trouverai qu’au corps de la
comédie, et je m’en irai quand on commencera la farce.
Le
2. Neoph. Je vous dis, mon ami, que le meilleur de ces comédies ne vaut rien, et
quand bien je vous concéderais que le corps serait bon, il y a trop de danger d’y
assister.
«
Qui> voit un précipice, ne doit pas se hasarder à faire un pas glissant. Qui aime le danger, périra», dit le Sage.
Le
Pros. Il n’y a point de danger, dira un autre, il y a longtemps que je
fréquente les comédies, et cependant je suis autant chaste qu’un autre.
Le
2. Neoph. Ne le croyez pas, Proselyte, c’est un trompeur, ou un
phénix du siècle ; de croire que ce soit un phénix, j’ai de la peine, dites donc que c’est
un trompeur ; mais non, je suppose qu’il dit vrai, et que jamais sa chasteté n’a été
blessée, en oyant les comédies, qui est-ce toutefois qui peut l’assurer qu’il sera
toujours le vainqueur ? Hélas ! il ne faut qu’un moment, il ne faut qu’un instant, un seul
geste lascif, une œillade, un seul attouchement peut allumer des brasiers qu’une éternité
de temps ne pourra pas éteindre. Les Antoine, les Martinien, les Jérôme, sont tentés dans
leur désert, et parmi les forets et les bois, et un jeune mondain me voudra persuader que
dans la comédie il est aussi chaste que dans l’Eglise, je ne le crois pas, et ne le
croirai jamais. Belle Sentence du grand Arnobe sur ce sujet. «
Le comédien raconte les adultères, ou les représente, et le bateleur efféminé, fiche l’amour au cœur des assistants, lors qu’il les contrefait.»
Le Pros. C’est assez dit, pour fortifier mon esprit dans cette résolution, que je donnerais plutôt mon corps à mille croix, que mes oreilles à une seule comédie.
Le 1. Neoph. Si vous tenez ferme dans cette volonté, je vous assure déjà de la victoire sur ce sixième ennemi : mais ce n’est pas assez, il faut qu’un cœur Chrétien soit le vainqueur de tout ce qui peut attaquer sa chasteté.