(1603) La première atteinte contre ceux qui accusent les comédies « A Monseigneur de Nemours » pp. -
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(1603) La première atteinte contre ceux qui accusent les comédies « A Monseigneur de Nemours » pp. -

A Monseigneur de Nemours

Stances
Esprits animés de l’envie
De revivre après votre vie,
Si par un soin ambitieux,
Craignant que votre nom ne tombe
En silence dessous la tombe
Vous cherchez la cause des Cieux.

Les effets, la course admirable
De ce bel Astre infatigable,
Désireux de revoir un jour
Athènes et la Philosophie,
Je vous laisse Amants de Sophie
L’honneur de cet heureux séjour.

Et en ce labeur invincibles,
De ces petits corps divisibles
Dire que le monde fut fait,
Qu’il est engendré de mélanges,
Guidé de son sort ou des Anges
Que d’un en autre il se refait.

Pour moi qui ai l’âme craintive
Je ne veux sonder cette rive,
La nature du vrai j’ai pris,
A dépeindre et tracer l’histoire,
Dont la vérité sert de gloire,
Et l’art de honte à mes écrits.

Un jour que dans l’humide plein
Phœbus allait reprendre haleine,
Et chasser de son œil riant
La nuit de ceux qui n’ont lumière
Que lors qu’il finit la carrière
Qui leur commence l’Orient ;

Je vis au séjour qui bannit les vices,
Et au Paradis des esprits,
Une lumière de merveille,
Une Musique nonpareille,
Qui environnait ce pourpris.

L’un dit que c’est Junon saisie
Ou d’amour, ou de jalousie,
Qui fait voleter les Zéphyrs,
Joncher un lit de violettes,
De roses, de lys, de fleurettes,
Qu’ils parfument de leurs soupirs.

L’autre que Jupiter en l’âme
Couve quelque nouvelle flamme,
Que nouveau signe on le verrait,
Ainsi comme il vint ravir Lede,
En Vénus trouver le remède
Au doux feu qui le martyrait.

Ou bien quelque angélique essence
Qui ne veut souffrir la puissance
Du lance-foudre Jupiter :
Ou l’Amour d’une cause feinte
Qui de son trait donne une atteinte
Aux immortels pour l’irriter.

Je dis que c’est la belle Astrée
Qui visite notre contrée,
Laissant le ciel veuf de ses yeux :
Mais j’entends la voix d’un Oracle
Qui dit, c’est un autre miracle
Pour trouver en terre les Cieux.

Ha ! ce sont les doctes pucelles,
Saintes, divines, immortelles,
Les chastes vierges, les neuf sœurs,
Qui viennent en notre Province,
Admirer et chérir un Prince
Qui se nourrit de leurs douceurs.

Alors de la céleste trope
Commence à parler Calliope,
Disant, notre los abattu
S’écoulait ainsi comme l’onde ;
Quand ce Prince, l’honneur du monde,
L’a relevé par sa vertu.

Prince des Muses la lumière,
Quelle ira de nous la première
En cet Océan pour ramer ?
La petite barque qui nage
Sur un ruisseau tient le naufrage
Assuré dans une grand’Mer.

Qui dira qu’aux fleurs de jeunesse
Tu produis les fruits de vieillesse
Mûris au Soleil du Printemps,
D’un mérite qui te réserve
Jeune, fils aîné de Minerve,
Un triomphe dessus le temps.

Henri parfait qui nous embrasse
Ta mère cultivant Parnasse
Nourrit un Apollon vainqueur
De l’Hydre rampant d’ignorance,
T’allaitant au lait de science,
Qui source toujours en son cœur.

Princesse que l’honneur honore,
Tu vois au lever de l’aurore
De ton fils, renaître un Soleil,
Luisant d’autant de gentillesses
Qu’on a vu briller de sagesses
Aux feux divins de ton bel œil.

Grand Prince qui sais toute chose,
Si quelques fois tu te propose
La course en un mont ou un val,
Ou qu’un genêt tu veuilles prendre,
Tu nous fais revoir Alexandre
Qui redompte encor son cheval.

Mais s’il faut le plan d’une ville
Tu peins et en ligne subtille
Tu sais comprendre l’univers,
Et comme un second Archimède,
Bien qu’à toi-même tu ne cède
Pour écrire en prose et en vers.

Puis laissant la Mathématique,
Pour repos tu prends la Musique,
Et redonnant la vie aux Airs,
Aussitôt que tu t’y récrée,
Le ton de ta voix ensucrée
Met les Sirènes dans les Airs.

Belle et rare fleur de science,
Qui jeune est chenu de prudence,
Nos cœur seront à l’avenir
Un trône à l’autel de ta gloire,
Pour éterniser ta mémoire
Par un immortel souvenir.

Heureux fils d’une sage mère,
Portrait des prouesses d’un père,
Dont tu secondes la valeur,
Pour louer tant d’Astres ensemble ;
Au peintre sans art je ressemble,
Qui met l’ombre au lieu de couleur.

Je sais ainsi que ceux d’Egypte,
Connaissant la force petite
De mon œil contre les efforts
Des rais de cette grand’ lumière,
Il vont dessus une rivière,
Adorer l’ombre pour le corps.

Non je suis une Aigle assurée
Qui vole en la voûte Ethérée,
Pour m’éclairer en la splendeur
D’un Ciel qui ne voit rien de sombre,
La distance dissipe l’ombre,
Et je m’éclaire en ta grandeur.