Aubignac, François Hédelin.(1666)Dissertation sur la condemnation des théâtres« Disseration sur la Condemnation, des Théâtres. — Chapitre I. Que les Spectacles des Anciens ont fait partie de la Religion Païenne. »pp. 2-35
Chapitre I. Que les Spectacles des Anciens ont fait partie de la Religion
Païenne.
C'est une croyance commune et qui semble être née avec le Christianisme, que ceux qui
prennent les divertissements du Théâtre et des autres Spectacles introduits parmi les
Anciens,
commettent une impiété contre la sainteté de
l'Evangile, et un crime contre l'honnêteté des mœurs. Les Pères de l'Eglise naissante en
ont parlé de cette sorte, et les ont absolument défendus aux premiers Chrétiens avec
menaces d'Anathème.
Mais pour savoir si cette rigoureuse défense a dû passer jusqu'à notre temps, il faut
voir quelles ont été leurs raisons. J'en trouve deux principales qui méritent d'être
examinées, et qui m'obligent à reprendre cette matière de plus haut.
Tous les Jeux et les Spectacles de l'Antiquité ont fait la plus grande et la plus
solennelle partie de la Religion Païenne ; tout y était mystérieux
et sacré, soit de la part de ceux que l'on croyait les avoir institués, et à qui ils
étaient consacrés, soit pour les causes non seulement de leur institution, mais aussi de
leur célébration, soit par la qualité de ceux qui devaient y présider et en prendre
soin, ou par les vœux de Combattants et les actions de grâces que les Vainqueurs
rendaient à leurs Dieux, ou par l'estime et la révérence pour ceux qui en avaient
souvent remporté le prix.
Quant à l'origine, les Païens ont toujours cru que les plus anciens et les plus nobles
leur étaient
venus de la part des Dieux qui les avaient eux-mêmes
ordonnés, et que leur étant agréables, on ne pouvait les négliger sans une extrême
irrévérence, et sans les irriter. Et cette croyance du peuple fut, à mon avis, une suite
des Apothéoses ; car ayant mis des hommes au rang des Dieux, il était bien raisonnable
de diviniser toutes leurs actions, et d'honorer par un culte de Religion toutes les
choses que ceux qu'ils adoraient, avaient aimées.
Les Jeux Olympiques sont rapportés communément à Saturne, aux Corybantes par Pausanias,
et à Hercule par Pindare, Polybe et beaucoup d'autres,
qui
veulent que ce Héros entrant au nombre des Dieux, en donna la charge à Castor et
Pollux.
La Lutte est attribuée à Mercure, que Philostrate en fait le père, et qu'Horace en
nomme l'auteur.
Les Panathénées furent
instituées par Erychton fils▶ de Minerve et de Vulcain ; et ceux de Musique en l'Ile de
Délos furent donnés par Apollon ; et le temps les ayant laissés déchoir, ils furent
restitués en son honneur par les Athéniens.
Que si les Dieux ne les ont pas tous institués, ils leur ont toujours été consacrés
comme une marque du respect et de la piété
des peuples. Les Jeux
Circenses furent dédiés par Romulus à Consus Dieu du Conseil, en reconnaissance de ce qu’il lui avait
inspiré le dessein de ravir les
Sabines ; et les Tarpeiens à Jupiter Férétrien. Les Cirques étaient d’ordinaire
consacrés au Soleil ; quelques-uns à Castor et Pollux, comme celui de Constantinople ; et d’autres à
Neptune. Les Jeux Olympiques et les Néméens à Jupiter ; les Isthmiques à Neptune, et les
Pythiques à Apollon. Les Tyriens avaient de quatre en quatre ans des Jeux et des
Spectacles en l’honneur d’Hercule. Et Valère Maxime décrivant au long l’origine des Jeux
Séculaires, qui furent célébrés sous Publicola premier Consul, avec beaucoup de
dévotion durant trois nuits, l’attribue à la guérison miraculeuse des trois Enfants de
Valésius, et aux révélations qu’ils eurent de la part de Pluton et de Proserpine, que
leur père en crut les auteurs, et auxquels il en voulut rendre grâces par cette pieuse
cérémonie. Ptolémée en établit en l’honneur d’Apollon et des Muses avec des prix pour
toutes sortes de sciences ; et ce que l’histoire en remarque de singulier, est, qu’étant
question d’y juger les Poètes,
Aristophanes qui s’y trouva présent, soutint
qu'il n'y en avait
qu'un d'eux qui fût Poète, et que les autres étaient des larrons ; ce que le Roi ne
pouvant croire, on fit apporter plusieurs Volumes, par le moyen desquels leur larcin
étant bien prouvé, ils furent condamnés et renvoyés avec honte.
Archélaos Roi de Macédoine
institua les Scéniques en l'honneur de Jupiter et des Muses en la Ville de Dios,
qu'Alexandre célébra depuis avec grands sacrifices pendant neuf jours.
Aussi croyaient-ils que ces Dieux présidaient invisiblement aux Jeux qui leur étaient
dédiés ; comme nous le voyons en termes
précis chez Denis
d'Halicarnasse, et chez Philostrate qui dit que Mercure vint du Ciel couronner Hercule ;
quand il défit Antée à la Lutte, parce qu'il l'avait honoré en ce combat comme père de
la Lutte ; et Platon appelle les Dieux Présidents des Jeux selon Pollux ; mais j'estime
qu'il entend seulement Bacchus et les Muses.
C'est donc avec raison qu'ils avaient accoutumé de vouer à leurs Dieux les Jeux, et de
les célébrer en leur honneur pour en obtenir quelques grâces, et le plus souvent pour
les remercier de celles qu'ils en avaient reçues.
Le triomphe ayant été ordonné en faveur de Marcus Fulvius Proconsul, il en vint
remercier le Sénat, et déclara que le jour qu'il prit Ambrasie Ville capitale des Etoliens, il avait pour sa
victoire voué les grands Jeux à Jupiter, et reçu de la Province pour cet effet jusqu'à
cent livres d'or, qu'il demandait être tirées des grandes sommes qu'il apportait dans le
Trésor public ; sur quoi le Sénat manda les Pontifes, pour savoir s'ils pouvaient en
conscience faire une dépense si extraordinaire, tant ils craignaient d'offenser la
sainteté des Jeux. Mais les Pontifes répondirent qu'il n'était pas de leurs charges
de régler la dépense des Jeux publics, et que cela n'était pas
un fait de Religion.
Sous le Consulat de Pæticus et de Stolon les Jeux Scéniques, que nous examinerons
ailleurs, et qui dans ce temps-là ne comprenaient point les Comédies ni les Tragédies
furent établis à Rome par l'ordre de leurs Oracles pour obtenir des Dieux la cessation
d'une grande peste qui infectait la Ville. Ainsi les Jeux Pythiques furent établis à Delphes lors que le serpent
Python désolait tout le Pays. Baton Gymnasiarque fit des Jeux en l'honneur de Jupiter et
de Mercure pour leur demander la santé de l'Empereur.
Après cette grande sédition qui survint dans Rome entre le Sénat et le
peuple, et qui fut pacifiée par la création d'un Consul de race Plébéienne, et d'un
Préteur de famille Patricienne, le Sénat jugea cet événement si avantageux à la
République, qu'il résolut d'en rendre grâces aux Dieux par la célébration des grands
Jeux durant quatre jours, quoiqu'ils eussent accoutumé de n'en durer que trois ; et les
Ædiles ayant refusé de le faire, les jeunes Sénateurs les offrirent au peuple, pourvu
que l'on créât deux Ædiles de leur corps ; ce qui fut exécuté.
Les Béotiens instituèrent
dans la Lébadie des Jeux à Jupiter Roi, pour lui
rendre grâces de la victoire de Leuctre ; et les Jeux Éleuthériens furent faits en la
Ville de Platée pour remercier les Dieux de la grande bataille que les Grecs y gagnèrent
contre les Perses.
Quand Posthumius fit
célébrer à Rome les Jeux du Cirque en l'honneur des grands Dieux, à savoir Jupiter,
Junon et Minerve, en la société desquels les autres furent admis avec le temps, ce fut
en reconnaissance de la victoire que ce Dictateur remporta sur les Latins, comme il en
avait fait le vœu au milieu de la bataille ; et en la procession on
portait les Images des douze Dieux qu'ils nommaient les Grands,
auxquels tous les autres furent peu après ajoutés, depuis le Temple de Jupiter Capitolin jusques dans le Cirque ;
où les Pontifes et les Augures suivis de tous les autres Prêtres faisaient des
sacrifices, en suite desquels on donnait les Jeux de toutes les sortes.
Sylla
rendit grâces aux Dieux par cette cérémonie après la victoire qu'il remporta sur Mithridate ; et Philippe Roi de
Macédoine après la prise d'Olynthe rendit celèbre son action de grâces par les Jeux et
les Sacrifices.
Les Jeux Romains furent
célébrés et dans le Cirque et dans la scène, par Cornelius Scipion et
Manlius Vulson, Ædiles Curules, avec beaucoup de magnificence et de joie pour le bon
succès de leurs affaires.
Les Jeux Curules avaient accoutumé de se faire par les Empereurs au jour de leur
naissance ou de celle de leurs enfants. Adrien les ordonna au jour de la sienne ; à
l'adoption d'Elius Verus :
Caracalla au jour de sa naissance dans Nicomédie, donna des Gladiateurs ; et Maximinus au jour de la sienne
fit dans Césarée de la Palestine des Spectacles de toutes sortes, où l'on vit même
des
bêtes des Indes et d'Ethiopie jusques alors
inconnues.
Encore les Empereurs avaient-ils accoutumé de faire des Jeux au jour qu'ils avaient
revu l'Empire ; quelque fois tous les ans, ou bien au bout de cinq ans, de dix et de
vingt.
Durant la grossesse de Poppée le Senat fit des
vœux publics pour recommander son fruit aux Dieux, avec des Jeux à l'exemple de la
Religion des Athéniens.
Caligula donna toute sorte de
spectacles à la naissance de sa fille Drussilla, et depuis à ses funérailles. A la
naissance d'un ◀fils▶ de
l'Empereur Claude les
Préteurs en firent autant ; et Philippe
de Macédoine au mariage de sa fille Cléopâtre mêla les Jeux de Musique aux
Sacrifices.
Ils les donnaient souvent pour obtenir des Dieux infernaux le repos de ceux que la mort
leur avait ravis. D'où vient que Saint Augustin parlant des Jeux funéraires sacrés aux
Divinités infernales, et qui furent renouvelés après une longue intermission, comme un
remède aux malheurs publics, et à cette grande défaite qui les affligea en la première
guerre Punique, les blâme d'avoir rétabli des réjouissances lors qu'ils avaient à
pleurer tant de morts dont les
Enfers s'étaient enrichis ;
Misérables, de faire de grands Jeux et des Fêtes magnifiques agréables aux Démons parmi
des guerres furieuses, des combats sanglants et des victoires funestes. Adrien célébra
même dans Andrinople d'Egypte des Sacrifices et des Jeux pour apaiser les Mânes
d'Antinoüs son favori.
Ils se faisaient aussi pour rendre célèbre la dédicace de quelque lieu saint et public, comme Hérode même le
fit à l'exemple des Païens lors qu'il consacra la Ville de Césarée.
Ils les employaient encore pour éviter par le secours de leurs Dieux les malheurs dont
ils étaient menacés.
Aussi les vers du Poète Marcius ayant été
reçus pour Prophétiques après la bataille de Cannes qu'il avait prédite fort clairement,
on trouva que pour éviter un autre grand malheur, il enjoignait aux Romains de vouer et
célébrer tous les ans des Jeux en l'honneur d'Apollon, dont les frais seraient pris en
partie de ce que chacun y voudrait contribuer. Et cette prophétie ayant été bien
examinée par le Sénat et par les Prêtres, on ordonna douze mille écus au Préteur pour en
faire la dépense, et aux Prêtres d'y garder toutes les saintes cérémonies des Grecs. Ces
Jeux furent faits dans le
grand Cirque, où le peuple assista portant
des couronnes sur la tête, où les femmes furent à la Procession, où l'on fit plusieurs
festins en public, et où l'on observa toute sorte de dévotes cérémonies pour rendre ce
jour bien célèbre. Et telle fut l'origine des Jeux Apollinaires institués pour obtenir
la victoire sur leurs ennemis, et non pour se délivrer de quelque grande maladie.
Et quand même ils n'avaient point de sujet pour les célébrer, ils les faisaient
seulement comme un acte de piété et par vœu qu'ils exécutaient soigneusement. Le Sénat
enjoignit au Dictateur Manlius de faire les
Jeux qu'ils
appelaient grands, que Marcus Emilius Préteur, avait faits sous le Consulat de
Flamininus et de Servilius, et qu'il avait encore voués pour cinq ans après. Ce que
Manlius exécuta et les voua encore à pareil temps ; ce qui est d'autant plus notable que
ce Manlius fut élu Dictateur pour tenir les assemblées et faire ces Jeux seulement.
Mais ils étaient si religieux en cette pratique, que les Juges des Jeux
punissaient par
des amendes pécuniaires tout ce que l'on y faisait contre les Lois, tant ils craignaient
que leurs Dieux en fussent irrités, et cet argent était
employé
au service de la Religion, comme les six Statues de Jupiter surnommées Zanes que
Pausanias met au pied du Mont Cronius, et les huit autres qu'il compte encore auprès de
celles-là, avaient été faites des amendes auxquelles les combattants de la Lutte, de
l'escrime et d'autres Jeux qui avaient corrompu les Juges, et les Juges mêmes avaient
été condamnés, et les inscriptions portaient qu'elles avaient été élevées pour honorer
Jupiter, et pour témoigner la piété, des Æliens contre l'injustice et la fraude des
Combattants qui devaient mettre toute leur espérance en leur mérite.
Lorsque Cethegus et Albinus firent
les Jeux Romains, une pièce de bois tomba sur la Statue de la Déesse Pollentia qui fut
renversée par terre, et le Sénat craignant que ce ne fût un présage de quelque grand
malheur, ordonna que la célébration des Jeux durerait un jour [de] plus qu'à
l'ordinaire, que l'on remettrait deux Statues de cette Déesse au lieu d'une, et que la
nouvelle serait toute dorée.
Aussi crurent-ils qu'ils avaient
été tourmentés d'une grande peste, parce que les secrets mystères, qui se portaient dans
un Chariot aux Jeux Circenses, avaient été vus par
un jeune
enfant qui regardait passer la procession du haut de son logis, et qu'ils en furent
garantis pour avoir depuis couvert ce qui ne devait être vu de personne.
Et un jour Antonius Maximus ayant fait passer au milieu du Cirque son Esclave chargé
d'un gibet auquel il devait être attaché, Jupiter offensé de cette irrévérence commanda
en songe à T. Attinius d'en avertir le Senat, afin de refaire les Jeux ; ce qu'ayant
négligé, son ◀fils mourut, et il demeura lui-même perclus de tous ses membres, dont
néanmoins il fut guéri si tôt qu'il eût fait savoir cette révélation au
Sénat, qui ne manqua pas d'obéir aux visions de ce bon Citoyen, dont S.
Augustin parle ainsi ; « Les Jeux Scéniques où les crimes des Dieux sont récités, joués et chantés,
sont faits en leur honneur et comptés entre les choses divines ; ils les ont désirés,
ils les ont commandés avec violence, ils ont prédit de grandes ruines, s'ils n'étaient
faits, ils ont sévèrement puni ceux qui en ont négligé quelque cérémonie et ils ont
fait connaître que leur colère en était apaisée, comme il arriva à ce villageois
Latinus, ou plutôt Attinius, auquel il fut révélé trois fois en songe de refaire les
Jeux Romains. »
Il n'était donc pas étrange que leurs Prêtres y fussent
toujours présents et qu'ils en donnassent tous les ordres nécessaires ; celui de Cérès
Chamyne était assis auprès de
l'Autel sur une pierre blanche dans le stade Olympique selon Pausanias.
Julius Firmicus donna la charge des Jeux et des Sacrifices qui s'y faisaient, aux
Prêtres conjointement avec les Gymnasiarques ; et Néron y invita les Vierges Vestales,
comme les Prêtresses de Cérès assistaient à tous les Jeux Olympiques.
Arnobe
nous l'apprend quand il veut reprocher aux Romains l'impiété publique de ces Spectacles,
ayant écrit, que « tous les corps
des Magistrats et des
Prêtres s'y trouvent présents, les grands Pontifes, et ceux de Jupiter avec leur
Mitre, les Augures interprètes de la volonté des Dieux, et ces Vierges chastes qui
gardaient le feu perpétuel. »
Aussi tous les ornements des lieux où les Spectacles étaient célébrés et toutes les
choses qui s'y passaient, portaient quelque marque de cette vénération. Les Gymnases ou
lieux d'exercices publics étaient ornés de Statues, d'Autels et de Temples consacrés à
Hercule, au rapport de Dion Chrysostome et de Pausanias, comme le Cynosarge d'Athènes
selon Athénée, et le Gymnase de Chalcyde
selon Plutarque.
Mercure y reçut le même honneur, si nous ne voulons démentir Pausanias et la vieille
inscription d'un marbre que Fulvius a mis au jour. Minerve même y fut adorée selon
Salvien, et Apollon selon Homère et Lucien.
Et comme tous ces Jeux n'étaient ordinairement que des disputes et des combats dont ils
croyaient que leurs Dieux étaient les Arbitres, les Combattants avaient accoutumé de
leur faire des vœux pour y vaincre et de leurs rendre grâces quand ils y avaient vaincu,
comme fit le Philosophe Periander, qui promit à Jupiter une Statue
d'or s'il était vainqueur, et ne se trouvant pas assez riche pour en faire la dépense, les
Dames lui donnèrent leurs pierreries pour y satisfaire.
Agathon ayant remporté le prix de
la tragédie aux Fêtes Lénéennes, en rendit grâces aux Dieux par des Sacrifices ; où
assistèrent ceux qui en avaient fait le chœur.
Saint Denis l'Aréopagite
fait mention des Hymnes et des remerciements que les Vainqueurs aux Jeux publics avaient
accoutumé de faire aux Dieux à l'honneur desquels ils étaient consacrés.
Et cette croyance des Païens touchant la sainteté
de leurs
Jeux fut si grande et si générale, qu'elle passa jusqu'en la personne de ceux qui en
avaient souvent remporté le prix et les couronnes ; car ils les estimaient non seulement
les favoris des Dieux, mais leurs égaux, les nommant célestes, divins, demi Dieux et
même des Dieux : Les Athlètes sont nommés enfants et imitateurs d'Hercule par
Galien.
Euthymus Locrien presque toujours vainqueur aux Jeux Olympiques, reçut des Sacrifices
durant sa vie et après sa mort par l'ordre des Oracles et même de Jupiter.
Ils enjoignirent aux Astipaliens de faire des Sacrifices
à
Clèomède comme
aux Dieux immortels, parce qu'il avait souvent remporté la victoire aux Jeux Olympiques.
Aussi les Siciliens dressèrent-ils un Temple et sacrifièrent à Philippe de Crotone par
la même raison.
Et pour achever la preuve de ces vérités historiques, Valère Maxime parlant des Spectacles
qui se firent sous Catulus durant trois nuits avec plusieurs Sacrifices, les nomme la
Religion des Jeux séculaires, aussi bien que les magnificences que les Magistrats y
ajoutèrent avec le temps.
Julius Pollux appelle sacrés tous les Jeux pour
lesquels il y
avait des couronnes. Saint Denis l'Aréopagite appelle ces cérémonies, sacrées et les
Jeux divins ; et Saint Cyprien
ayant écrit que pour remède à la famine dont la Ville de Rome se trouva autrefois
affligée, on célébra les Jeux Scéniques en l'honneur de Bacchus et de Cérès, et ensuite
pour d'autres Idoles. Il ajoute que tous les combats des Grecs, soit pour l'exercice de
chanter et jouer des instruments, soit pour éprouver la force du corps, n'ont point
d'autres chefs que les Démons, et que tout ce qui plaît aux yeux, ou qui flatte les
oreilles au Théâtre, n'a point d'autre sujet que le respect
qu'ils ont voulu rendre à quelques fausses Divinités, ou à des morts. Et même tous les Jeux qui furent institués
par les Provinces en l'honneur d'Auguste, se faisaient dans les Temples et à l'entour
des Autels, comme un digne préparatif de son apothéose. Macrobe seul nous doit convaincre de
cette doctrine par ces paroles ; « Les Fêtes, dit ce savant
Païen, sont des jours consacrés aux Dieux avec Sacrifices, Festins, Jeux ou
Féeries, car les solennités sont sanctifiées quand le jour se passe en festins sacrés,
quand on donne quelques Jeux en l'honneur des Dieux ou quand on fait cesser toutes les
Juridictions et des Ouvroirs. »
Qu'il demeure donc pour constant que les spectacles des anciens n'étaient pas de
simples divertissements que l'on donnait au public ; mais des actes de Religion.
Voyons maintenant si l'on en peut dire autant des Comédies et des Tragédies.