Avis au lecteur.
Je donne au Public ce Discours qui sort des mêmes ténèbres où les Conseils d'Aristé ont été longtemps retenus. Et je n'en dirai point l'Auteur, que par des caractères qui ne seront pas plus faciles à déchiffrer que ceux dont je me suis déjà servi. Mais le bon accueil que ce premier Ouvrage a reçu de toutes les personnes d'honneur et d'esprit, me persuade que celui-ci ne sera pas mal venu. Ce n'est pas qu'ils se ressemblent ; mais j'estime qu'ils sont comme deux Sœurs, dont l'une est blanche et l'autre est brune, et qui n'ont rien de commun que certains traits presque imperceptibles qu'elles doivent à la Mère qui les a mises au monde. Ils sont nés par deux aventures bien différentes. Le premier par une nécessité de bienséance, qui ne permettait pas à l'Auteur de rien refuser aux honnêtes désirs d'une des plus belles et des plus vertueuses Dames de notre Siècle. Et l'autre par une nécessité de raison qui l'obligeait d'expliquer ses sentiments sur cette matière à l'un des plus illustres et des plus vénérables Magistrats du Royaume. Si le premier est d'un style partout élevé avec beaucoup d'élégance et de justesse ; le dernier a beaucoup d'endroits qui feront reconnaître qu'il vient de la même origine ; et si le dernier est rempli▶ d'une doctrine curieuse, et de difficile recherche, on se peut souvenir que le premier a toujours eu quelques principes savants et singuliers pour le fondement des plus agréables choses qu'il contient. Enfin si on les sépare, ils ont tous deux leurs beautés et leurs forces ; et si vous les joignez ensemble, on y trouvera tout ce que l'on peut souhaiter de grand et de poli, de docte et de galant, et les recherches de l'antiquité y sont accompagnées des agréments de la mode. Je ne sais pas si l'on croira qu'un même Génie leur [a] donné l'être ; et comment il est possible qu'une imagination aussi vive et aussi étendue qu'il était convenable de l'avoir pour faire le premier, ait pu s'abandonner à l'opiniâtreté du travail et de la lecture qui se sont trouvés nécessaires pour le second. Mais quand un homme d'étude a joint la Science du beau Monde aux veilles du Cabinet, on ne doit point s'étonner qu'il mêle quand il lui plaît les Grâces aux Muses, et qu'il imprime partout le caractère des diverses choses dont il a ◀rempli son esprit.