(1665) Lettre sur les observations d’une comédie du sieur Molière intitulée Le Festin de Pierre « [Lettre] » pp. 4-32
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(1665) Lettre sur les observations d’une comédie du sieur Molière intitulée Le Festin de Pierre « [Lettre] » pp. 4-32

[Lettre]

Puisque vous souhaitez qu’en vous envoyant les Observations sur le Festin de Pierre, je vous écrive ce que j’en pense, je vous dirai mon sentiment en peu de paroles, pour ne pas imiter l’auteur de ces remarques, qui les a remplies de beaucoup de choses dont il aurait pu se dispenser, puisqu’elles ne sont point de son sujet et qu’elles font voir que la passion y a beaucoup de part, bien qu’il s’efforce de persuader le contrairea.

Encore que l’envie soit généralement condamnée, elle ne laisse pas quelquefois de servir ceux à qui elle s’attache le plus obstinément, puisqu’elle fait connaître leur mérite et que c’est elle, pour ainsi dire, qui y met la dernière main. Celui de Monsieur de Molière étant depuis longtemps reconnu, elle n’épargne rien pour empêcher que l’on en perde la mémoire, et pour l’élever davantage, elle fait tout ce qu’elle peut pour l’accabler. Mais comme il est inouï de dire que l’on attaque une personne à cause qu’elle a du mérite, et que l’on cherche toujours des prétextes spécieux pour tâcher de l’affaiblir, voyons de quoi s’est servi l’auteur de ces Observations.

Je ne doute point que vous n’admiriez d’abord son adresse, lorsque vous verrez qu’il couvre du manteau de la religion tout ce qu’il dit à Molière. Ce prétexte est grand, il est spécieux, il impose beaucoup, il permet de tout dire impunément, et quand celui qui s’en sert n’aurait pas raison, il semble qu’il y ait une espèce de crime à le combattre. Quelques injures que l’on puisse dire à un innocent, on craint de le défendre lorsque la religion y est mêlée : l’imposteur est toujours à couvert sous ce voile, l’innocent toujours opprimé et la vérité toujours cachée. L'on n’ose la mettre au jour, de crainte d’être regardé comme le défenseur de ce que la religion condamne, encore qu’elle n’y prenne point de part et qu’il soit aisé de juger qu’elle parlerait autrement si elle pouvait parler elle-même, ce qui m’oblige à vous dire mon sentiment, ce que je ne ferais toutefois pas sans scrupule si l’auteur de ces Observations avait parlé avec moins de passion.

Je vous avoue que, si ces remarques partaient d’un esprit que la passion fît moins parler, et que si elles étaient aussi justes qu’elles sont bien écrites, il serait difficile de trouver un livre plus achevé. Mais vous connaîtrez d’abord que la charité ne fait point parler cet auteur et qu’il n’a point dessein de servir Molière, encore qu’il le mette au commencement de son livre. On ne publie point les fautes d’un homme pour les corriger, et les avis ne sont point charitables lorsqu’on les donne au public et qu’il ne les peut savoir qu’avec tout un peuple, et quelquefois même un peu plus tard. La charité veut que l’on ne reprenne son prochain qu’en particulier et que l’on travaille à cacher ses fautes à tout le monde, au moment que l’on tâche à les lui faire connaître.

La première chose où l’auteur de ces Observations fait connaître sa passion est que par une affectation qui marque que sa bile est un peu trop échauffée, il ne traite Molière que de farceur, et, ne lui donnant du talent que pour la farce, il lui ôte en même temps les rencontres de Gaultier-Garguille, les impromptus de Turlupin, la bravoure du Capitan, la naïveté de Jodelet, la panse de Gros-Guillaume et la science du Docteurb. Mais il ne considère pas que sa passion l’aveugle et qu’il a tort de lui donner du talent pour la farce et de ne vouloir pas qu’il ait rien du farceur. C'est justement dire qu’il l’est, sans en donner la preuve, et soutenir en même temps, par des raisons convaincantes, qu’il ne l’est pas. Je ne connais point cet auteur, mais il faut avouer qu’il aime bien la farce, puisqu’il en parle si pertinemment que l’on peut croire qu’il s’y connaît mieux qu’à la belle comédie.

Après ce beau galimatias qui ne conclut rien, ce charitable donneur d’avis veut, par un grand discours fort utile à la religion et fort nécessaire à son sujet, prouver que les pièces de Molière ne valent rien, pource qu’elles sont trop bien jouées et qu’il sait leur donner de la grâce et en faire remarquer toutes les beautés. Mais il ne prend pas garde qu’il augmente sa gloire en même temps qu’il croit la diminuer, puisqu’il avoue qu’il est bon comédien, et que cette qualité n’est pas suffisante pour prouver, comme il le prétend, qu’il est méchant auteur.

Toutes ces choses n’ont aucun rapport avec les avis charitables qu’il veut donner à Molière. Son jeu ne doit point avoir de démêlé avec la religion, et la charité qui fait parler l’auteur des Observations n’exigeait point de lui cette satire. Il fait plus toutefois, il condamne son geste et sa voix, et par un pur zèle de chrétien et qui part d’un cœur vraiment dévot, il dit que la nature lui a dénié des agréments qu’il ne lui faut pas demander, comme si, quand il manquerait quelque chose à Molière de ce côté-là, ce qui se dément assez de soi-même, il devrait être criminel, pour n’être pas bien fait. Si cela avait lieu, les borgnes, les bossus, les boiteux, et généralement toutes les personnes difformes seraient bien misérables, puisque leurs corps ne pourraient pas loger une belle âme.

Vous me direz peut-être, Monsieur, que toutes ces observations ne font rien au sujet. J'en demeure d’accord avec vous, mais je n’en suis pas l’auteur, et si celui de ces remarques est sorti de sa matière, vous ne le devez pas blâmer : comme il soutient le parti de la religion, il a cru que l’on n’examinerait pas s’il disait des choses qui ne la regarderaient point, et que, pourvu qu’elles eussent toutes un même prétexte, elles seraient bien reçues. Il n’a pas pris garde que sa passion l’a emporté, que son zèle est devenu indiscret et que la prudence se rencontre rarement dans les ouvrages qui sont écrits avec tant de chaleur. Cependant, je m’étonne que, dans le dessein qu’il avait de paraître, il n’ait pas examiné de plus près ce qu’il a mis au jour, afin que l’on ne lui pût rien reprocher et qu’il pût voir par là son ambition satisfaite ; car vous n’ignorez pas que c’est le partage de ceux qui font profession ouverte de dévotion.

A quoi songiez-vous, Molière, quand vous fîtes dessein de jouer les tartufesc ? Si vous n’aviez jamais eu cette pensée, votre Festin de Pierre ne serait pas si criminel. Comme on ne chercherait point à vous nuire, l’esprit de vengeance ne ferait point trouver dans vos ouvrages des choses qui n’y sont pas, et vos ennemis, par une adresse malicieuse, ne feraient point passer des ombres pour des choses réelles et ne s’attacheraient pas à l’apparence du mal plus fortement que la véritable dévotion ne voudrait que l’on fît au mal même.

Je n’oserais vous découvrir mes sentiments touchant les louanges que cet observateur donne au roi. La matière est trop délicate et tous ses beaux raisonnements ne tendent qu’à faire voir que le roi a eu tort de ne pas défendre Le Festin de Pierre, après avoir fait tant de choses avantageuses pour la religion. Vous voyez par là que je ne dois pas seulement défendre la pièce de Molière, mais encore le plus grand, le plus estimé et le plus religieux monarque du monde. Mais comme sa piété le justifie assez, je serais téméraire de l’entreprendre. Je pourrais dire toutefois qu’il savait bien ce qu’il faisait en laissant jouer Le Festin de Pierre, qu’il ne voulait pas que les tartufes eussent plus d’autorité que lui dans son royaume, et qu’il ne croyait pas qu’ils pussent être juges équitables, puisqu’ils étaient intéressés. Il craignait encore d’autoriser l’hypocrisie et de blesser par là sa gloire et son devoir, et n’ignorait pas que si Molière n’eût point fait Tartuffe, on eût moins fait de plaintes contre lui. Je pourrais ajouter que ce grand monarque savait bien que le Festin de Pierre est souffert dans toute l’Europe, que l’Inquisition, quoique très rigoureuse, le permet en Italie et en Espagne, que depuis plusieurs années on le joue à Paris sur le théâtre italien et français, et même dans toutes les provinces, sans que l’on s’en soit plaint, et qu’on ne se serait pas encore soulevé contre cette pièce, si le mérite de son auteur ne lui eût suscité des envieux.

Je vous laisse à juger si un homme sans passion et poussé par un véritable esprit de charité parlerait de la sorte : « Certes, c’est bien à faire à Molière de parler de la dévotion, avec laquelle il a si peu de commerce et qu’il n’a jamais connue, ni par pratique ni par théoried. » Je crois que votre surprise est grande et que vous ne pensiez pas qu’un homme qui veut passer pour charitable pût s’emporter jusqu’à dire des choses tellement contraires à la charité. Est-ce comme un chrétien doit parler de son frère ? Sait-il le fond de sa conscience ? Le connaît-il assez pour cela ?A-t-il toujours été avec lui ? Est-il enfin un homme qui puisse parler de la conscience d’un autre par conjecture et qui puisse assurer que son prochain ne vaut rien, et même qu’il n’a jamais rien valu ? Les termes sont significatifs, la pensée n’est point enveloppée, et le jamais y est dans toute l’étendue que l’on lui peut donner. Peut-être me direz-vous qu’il était mieux instruit que je ne pense et qu’il peut avoir appris la vie de Molière par une confession générale. Si cela est, je n’ai rien à vous répondre, sinon qu’il est encore plus criminel. Mais enfin, soit qu’il sache la vie de Molière, soit qu’il croie la deviner, soit qu’il s’attache à de fausses apparences, ses avis ne partent point d’un frère en Dieu, qui doit cacher les fautes de son prochain à tout le monde et ne les découvrir qu’au pécheur.

Ce donneur d’avis devrait se souvenir de celui que saint Paul donne à tous ceux qui se mêlent de juger leurs frères, lorsqu’il dite : « Qui es tu qui judicas fratrem tuum ? Nonne stabimus omnes ante Tribunal Dei ? », et ne s’émanciper pas si aisément et au préjudice de la charité, de juger même du fond des âmes et des consciences, qui ne sont connues qu’à Dieu, puisque le même apôtre ditf qu’il n’y a que lui qui soit le « scrutateur des cœurs ».

Je vous avoue que cela doit toucher sensiblement, qu’il y a des injures qui sont moins choquantes, qui n’ont point de conséquences, qui ne signifient souvent rien et ne font que marquer l’emportement de ceux qui les disent. Mais ce qui regarde la religion perçant jusques à l’âme, il n’est pas permis d’en parler, ni d’accuser si publiquement son prochain. Molière doit toutefois se consoler, puisque l’observateur avance des choses qu’il ne peut savoir, et qu’en péchant contre la vérité, il se fait tort à lui-même et ne peut nuire à personne.

Cet observateur, qui ne manque point d’adresse et qui a cru que ce lui devait être un moyen infaillible pour terrasser son ennemi, après s’être servi du prétexte de la religion, continue comme il a commencé, et par un détour aussi délicat que le premier, fait parler la reine mère : mais l’on fait souvent parler les grands sans qu’ils y aient pensé. La dévotion de cette grande et vertueuse princesse est trop solide pour s’attacher à des bagatelles qui ne sont de conséquence que pour les tartufes. Il y a plus longtemps qu’elle connaît Le Festin de Pierre que ceux qui en parlent. Elle sait que l’histoire dont le sujet est tiré est arrivée en Espagne et que l’on l’y regarde comme une chose qui peut être utile à la religion et faire convertir les libertins. « Où en serions-nous, continue l’auteur de ces remarques g, si Molière voulait faire des versions de tous les livres italiens et s’il introduisait dans Paris toutes les pernicieuses coutumes des pays étrangers ? » Il semble, à l’entendre, que les méchants livres soient permis en Italie, et pour venir à bout de ce qu’il souhaite, il blâme le reste de la terre, afin d’élever la France. Je n’en dirai pas davantage sur ce sujet, croyant y avoir assez répondu quand j’ai fait voir que Le Festin de Pierre avait été permis partout où on l’avait joué et qu’on l’avait joué partout.

Ce critique, après avoir fait le procès à l’Italie et à tous les pays étrangers, veut aussi faire celui de Monsieur le Légat, et comme il n’ignore pas qu’il a ouï lire le Tartuffe et qu’il ne l’a point regardé d’un œil de faux dévot, il se venge et l’attaque en faisant semblant de ne parler qu’à Molière. Il dit, par une adresse aussi malicieuse qu’elle est injurieuse et à la qualité et au caractère de Monsieur le Légat, qu’« il semble qu’il ne soit venu en France que pour approuver les pièces de Molière h ». L'on ne peut en vérité rien dire de plus adroit, cette pensée est bien tournée et bien délicate, mais l’on n’en saurait remarquer tout l’esprit, que l’on ne reconnaisse en même temps la malice de l’auteur. Son adresse n’est pas moindre à faire le dénombrement de tous les vices du libertin, mais je ne crois pas avoir beaucoup de choses à y répondre, quand j’aurai dit, après le plus grand monarque du monde, qu’« il n’est pas récompensé ». Entre les crimes qu’il impute à Don Juan, il l’accuse d’inconstance. Je ne sais pas comment on peut lire cet endroit sans s’empêcher de rire, mais je sais bien que l’on n’a jamais repris les inconstants avec tant d’aigreur et qu’une maîtresse abandonnée ne s’emporterait pas davantage que cet observateur, qui prend avec tant de feu le parti des belles. S'il voulait blâmer les inconstants, il fallait qu’il fît la satire de tout ce qu’il y a jamais eu de comédies, mais comme cet ouvrage eût été trop long, je crois qu’il a voulu faire payer Don Juan pour tous les autres.

Pour ce qui regarde l’athéisme, je ne crois pas que son raisonnement puisse faire impression sur les esprits, puisqu’il n’en fait aucun. Il n’en dit pas deux mots de suite, il ne veut pas que l’on lui en parle, et si l’auteur lui a fait dire que « deux et deux sont quatre et que quatre et quatre sont huit i », ce n’était que pour faire reconnaître qu’il était athée, pource qu’il était nécessaire qu’on le sût, à cause du châtiment. Mais à parler de bonne foi, est-ce un raisonnement que « deux et deux sont quatre et quatre et quatre sont huit » ? Ces paroles prouvent-elles quelque chose, et en peut-on rien inférer, sinon que Don Juan est athée ? Il devait du moins attirer le foudre par ce peu de paroles, c’était une nécessité absolue, et la moitié de Paris a douté qu’il le méritât. Ce n’est point un conte, c’est une vérité manifeste et connue de bien des gens. Ce n’est pas que je veuille prendre le parti de ceux qui sont dans ce doute, il suffit pour mériter le foudre qu’il fasse voir par un signe de tête qu’il est athée, et pour moi, je trouve avec bien d’autres que ce qui fait blâmer Molière lui devrait attirer des louanges et faire remarquer son adresse et son esprit. Il était difficile de faire paraître un athée sur le théâtre et de faire connaître qu’il l’était, sans le faire parler. Cependant, comme il ne pouvait rien dire qui ne fût blâmé, l’auteur du Festin de Pierre, par un trait de prudence admirable, a trouvé le moyen de le faire connaître pour ce qu’il est sans le faire raisonner. Je sais que les ignorants m’objecteront toujours « deux et deux sont quatre et quatre et quatre sont huit », et je leur répondrai que leur esprit est aussi fort que ce raisonnement est persuasif. Il faut avoir de grandes lumières pour s’en défendre, il dit beaucoup et prouve encore davantage, et comme cet argument est convaincant, il doit avec justice faire douter de la véritable religion. Il faut avouer que les ignorants et les malicieux donnent bien de la peine aux autres. Quoi ! vouloir que les choses qui doivent justifier un homme servent à faire son procès ? Don Juan n’a dit que « deux et deux sont quatre et quatre et quatre sont huit » que pour s’empêcher de raisonner sur les choses que l’on lui demandait, cependant l’on veut que cela soit capable de perdre tout le monde et que ce qui ne marque que sa croyance soit un raisonnement très pernicieux.

On ne se contente pas de faire le procès du maître, on condamne aussi le valet, pource qu’il n’est pas habile homme et qu’il ne s’explique pas comme un docteur de Sorbonne. L'Observateur veut que tout le monde ait également de l’esprit et il n’examine point quel est le personnage. Cependant il devrait être satisfait de voir que Sganarelle a le fond de la conscience bon, et que, s’il ne s’explique pas tout à fait bien, les gens de sa sorte peuvent rarement faire davantage.

« Il devait pour le moins, continue ce dévot à contretemps, en parlant de l’auteur du Festin de Pierre j , susciter quelque acteur pour soutenir la cause de Dieu et défendre sérieusement ses intérêts. » Il fallait donc pour cela que l’on tînt une conférence sur le théâtre, que chacun prît parti et que l’athée déduisît les raisons qu’il avait de ne croire point de Dieu. La matière eût été belle, Molière n’aurait point été repris et l’on aurait écouté Don Juan avec patience et sans l’interrompre. Est-il possible que cela ait pu entrer dans la pensée d’un homme d’esprit ! L'auteur de cette comédie n’eût eu pour se perdre qu’à suivre ces beaux avis. Il a eu bien plus de prudence, et comme la matière était délicate, il n’a pas jugé à propos de faire entrer Don Juan en raisonnement. Les gens qui ne sont point préoccupés ne l’en blâmeront jamais et les véritables dévots n’y trouveront rien à redire.

Ce scrupuleux censeur ne veut pas que les actions en peinture soient punies par un foudre en peinture et que le châtiment soit proportionné avec le crime. « Mais le foudre, dit-il, n’est qu’un foudre en peinturek. » Mais le crime l’est aussi, mais la peinture de ce crime peut frapper l’esprit, mais la peinture de ce foudre peut également frapper le corps ; on ne saurait détruire l’un sans détruire l’autre, ni parler pour l’un que l’on ne parle pour tous les deux. Mais pourquoi ne veut-on pas que le foudre en peinture fasse croire que Don Juan est puni ? Nous voyons tous les jours que la feinte mort d’un acteur fait pleurer à une tragédie, encore qu’il ne meurt qu’en peinture. Mais je vois bien ce que c’est : l’on veut nuire à Molière, et par une injustice incroyable, on ne veut pas qu’il ait les mêmes privilèges que les autres. Enfin Molière est un impie, cet Observateur l’a dit : il faut bien le croire, puisqu’il a vu une femme qui secouait la tête, et sa pièce ne doit rien valoir, puisqu’il l’a connu dans le cœur de tous ceux qui avaient mine d’honnêtes gens. Toutes ces preuves sont fortes et aussi véritables qu’il est vrai qu’il n’y a point d’honnêtes gens qui n’aient bonne mine. Cette pièce comi-tragique finit presque par ces belles remarques, après avoir commencé par la farce et par les noms de ceux qui ont réussi en ce genre d’écrire et de ceux qui ont bien représenté ces ouvrages. Je ne parle point des louanges du roi, par où elle finit, puisqu’elles ne veulent dire que la même chose que celles qui sont au commencement du livre.

Je crois, Monsieur, que ces contre-observations ne feront pas grand bruit. Peut-être que si j’attaquais aussi bien que je défends, elles seraient plus divertissantes, puisque la satire fournit des plaisanteries que l’on rencontre rarement lorsque l’on défend aussi sérieusement que je viens de faire. Je puis encore ajouter que l’Observateur remportera toute la gloire. Son zèle fera sans doute considérer son livre, il passera pour un homme de conscience, les tartufes publieront ses louanges, et, le regardant comme leur vengeur, tâcheront de nous faire condamner, Molière et moi, sans nous entendre. Pour vous, Monsieur, vous en croirez ce qu’il vous plaira, sans que cela m’empêche de croire ce que je dois.