LETTRE A MLLE. CL****,
ACTRICE
DE LA COMÉDIE FRANÇOISE.
Au sujet d’un Ouvrage écrit pour
la défense du Théâtre.
Tout Paris accoutumé à vous applaudir sur la Scène, a été charmé de connaître en vous les estimables qualités d’une Citoyenne, jalouse de sa réputation en un point plus essentiel que ne peuvent l’être les talents les plus sublimes. La mauvaise opinion que des hommes prévenus et sans réflexion, prennent injustement des personnes de votre état, vous a semblé insupportable ; et votre âme n’a pu sans douleur se voir sans cesse entre l’admiration et le mépris.
C’est une chose bien singulière qu’une partie de la Nation enchantée du mérite des Comédiens, les applaudisse en public, les recherche en particulier, et les regarde comme des personnes distinguées par un talent merveilleux ; tandis qu’une autre portion les abhorre comme séparés de la société par l’infamie, et de l’Eglise par l’excommunication. Votre délicatesse ne peut s’accoutumer à un état si flatteur d’un côté et si affligeant de l’autre. On vous loue avec d’autant plus de satisfaction, Mademoiselle, qu’aucun motif d’intérêt ne peut vous avoir fait agir en cette occasion. Protégés et récompensés du Roi, les Comédiens voient leur Théâtre sans cesse rempli d’une foule de Spectateurs, qui leur fournit tous les ans une récolte assez abondante pour faire oublier à quelques-uns les désagréments, qui ne vous sont pas insensibles. C’est donc l’honneur seul qui vous excite à chercher les moyens de vous assurer en toute manière l’estime générale, sans laquelle vous n’êtes pas satisfaite des applaudissements universels.
On vous plaint en même temps, d’avoir choisi un défenseur peu mesuré ; qui en s’attirant personnellement la Censure des Magistrats, a fait plus de mal que de bien à la cause qu’il avait embrasséea. Comme s’il eût été au Barreau et plaidant sans préparation, il est tombé dans des écarts que l’on pourrait pardonner au feu d’une Eloquence rapide, mais qui dans bien informés des raisons pour lesquelles il a reçu une mortification qu’il avait méritée, croiront que c’est précisément pour avoir pris la défense du Théâtre, que le Livre et l’Auteur ont été en même temps condamnés.
Je dirai plus, votre Avocat n’était pas assez bien instruit de sa matière. Non seulement embarrassé d’une foule surabondante de citations inutiles, il ne dit rien de ce qui peut être le plus favorable aux Comédiens ; mais il avance contre eux des faits dont il est facile de démontrer la fausseté. C’est pour vous mettre en état de plaider vous-même votre cause, que je vais prendre la liberté de vous détailler des vérités constantes, sur lesquelles vous pourrez fortement vous appuyer. Au lieu de faire écrire par un autre, que ne parliez▶-vous, Mademoiselle ? Votre esprit et votre façon de dire auraient entraînés et convaincus les Juges les plus sévères.
Sans se donner la peine de composer un Ouvrage nouveau, sur un sujet qui n’a été déjà que trop débattu, il aurait bien mieux valu faire réimprimer ce qui a été dit pour la défense du Théâtre, par le Père Caffaro, Théatin de Parisb. Son Ouvrage, devenu fort rare, traite la matière à fond ; et le sage Religieux qui en est l’Auteur, a démontré par des raisons sans réplique, que le Théâtre n’a jamais été condamné par l’Eglise, et qu’en soi-même il ne peut être condamnable. Je ne vous rapporterai pas ici toutes les raisons invincibles dont il appuie son sentiment, je serais trop long ; et ce qui a été mis une fois sous les yeux du Public, n’a pas besoin d’être répété par lambeaux dans un Extrait. On peut lire l’Original, et l’on verra qu’il est impossible de rien ajouter à ce que le Père Caffaro a si parfaitement exposé.
Le nouvel Avocat du Théâtre avance que la Condamnation contre la Comédie, a été prononcée par M. le Cardinal de Noailles ; ce fait n’est vrai qu’en partie. Le respectable Prélat dont il ◀parle▶, n’a pas prononcé une Excommunication nouvelle ; mais il a donné de nouveaux ordres aux Curés de son Diocèse, pour remettre en vigueur une condamnation qu’il regardait comme fort ancienne dans l’Eglise, et dont il ne restait plus aucune trace. Comment a-t-il pu tomber dans cette erreur ? Je vais vous le dire, Mademoiselle, et cette anecdote fort intéressante pour le Théâtre, est sans doute ignorée des Comédiens, qui n’auraient pas manqué de lui faire trouver place dans le Mémoire de leur Avocat, s’ils en avoient eu connaissance.
M. Racine le Tragique avait été élevé dans la Maison de Port-Royal. Une dispute très vive s’éleva entre cet excellent Poète et la société qui avait formé son esprit et ses talents. Parmi les reproches amers que l’on fit à M. Racine, celui dont on crut l’accabler, et que l’on peignit des couleurs les plus affreuses, fut d’avoir employé son esprit au soutien du Théâtre. On fit retomber sur lui l’excommunication lancée contre les Farceurs et les auteurs de leurs Pièces. Les Ecrits de part et d’autre subsistent encore. L’Archevêque de Paris porté par des raisons que personne n’ignore, pour MM. de Port-Royal, prit leur parti dans cette dispute. Pour leur donner gain de cause en quelque manière, il s’appesantit sur l’article des Spectacles, et fut la première origine de bien des scandales qui sont arrivés depuis.
Tout le monde sait que les Farceurs d’autrefois, et les Comédiens d’à présent n’ont rien de commun. Que l’excommunication qui regarde les uns, ne peut s’appliquer aux autres. MM. de Port-Royal le savaient ; car on ne peut les taxer d’ignorance. Mais dans le cas présent, comme dans quelques autres, on ne peut se dispenser de les soupçonner de mauvaise foi. C’est un défaut presqu’inséparable de l’humanité. On veut avoir toujours raison ; et l’on se sert des armes les plus méprisables pour soutenir ce que l’on a indiscrètement avancé : lorsqu’on pourrait se faire bien plus d’honneur en avouant que l’on s’est trompé.
Ce qui m’étonne, c’est que les Comédiens qui vivaient dans le temps où l’Eglise de Paris se déclara ouvertement contre eux, n’aient réclamé en aucune manière. C’est de leur part une lâcheté qu’on a de la peine à concevoir. La protection du Roi, la faveur de la Cour, les a peut-être éblouis, et leur a fait mépriser une innovation qui aurait dû leur paraître de la plus grande conséquence. S’il s’était trouvé parmi les Acteurs de ce temps-là des personnes qui eussent pensé comme vous, Mademoiselle, ils n’auraient pas souffert patiemment l’injure qu’on leur faisait, et le Théâtre ne se serait pas laissé avilir en gardant un honteux silence.
Passons maintenant à la note d’infamie que l’on veut attacher à la profession du Théâtre. Je ne ferai là-dessus qu’une réflexion fort simple. Les Rois ont le pouvoir législatif, personne n’en doute. Une loi nouvelle détruit toute loi antérieure qui lui serait contraire. Sans m’embarrasser de savoir s’il y a eu des lois qui flétrissaient les Comédiens, ou si ces lois ne les regardaient pas ; il me suffit d’être assuré : que Louis XIII. a déclaré la Profession de Comédien honnête : que Louis XIV. a décidé qu’elle ne dérogeait pas ; il ne m’en faut pas davantage. Une Profession que le Roi juge digne d’un Gentilhomme est sûrement honorable, je serais presque en droit de dire qu’elle est respectable.
Mais où votre Avocat a-t-il trouvé ce qu’il dit de la Comédie des anciens Romains, et du célèbre Roscius ? Voici ses propres mots que je vous rappelle, parce qu’ils m’ont frappé. « Ce fameux Roscius, cet Histrion si vanté, ne put convaincre le Sénat du droit qu’il voulait se donner de Citoyen Romain. Cicéron, son Orateur adverse, employa les Lois de la République, la naissance de Roscius, et la vénalité de ses spectacles ; et Roscius n’eut rien de solide à lui opposer.
»
Il faut que depuis le Collège votre Avocat n’ait jamais relu Cicéron. Les fragments qui nous restent de son Plaidoyer, sont en faveur de Roscius, et non pas contre. Il s’agit dans la cause d’un traité de société, dans lequel Fannius accusait Roscius de l’avoir trompé. Jamais il n’y est question du droit de Bourgeoisie Romaine. Mais Cicéron se sert en parlant de son Client, de termes qui ne peuvent convenir qu’à un Citoyen, et à un Citoyen recommandable. Cet homme, dit-il, que tout le Peuple Romain juge aussi digne de paraître sur la Scène pour ses talents, que d’être assis parmi les Juges pour sa probité. Si Roscius avait exercé une Profession déshonorante, le grand Orateur qui ◀parlait▶ pour lui, n’aurait pas eu l’imprudence de choquer les hommes les plus respectables de la République, en les mettant en comparaison avec un homme noté d’infamie. Mille autres traits font voir que Roscius était Citoyen et universellement respecté. Ce même Cicéron étant Consul, reprocha dans une autre occasion au peuple, d’avoir commis une indécence affreuse, en faisant assez de bruit dans le Théâtre pour interrompre un homme tel que Roscius pendant qu’il ◀parlait▶. Le Consul aurait-il pris de la sorte le parti d’un homme vil et déshonoré ? Vous voyez, Mademoiselle, que l’Auteur de la Consultation, ne sait pas sur cette matière tout ce qu’il faut savoir. Il ignore qu’il n’y avait à Rome aucun spectacle vénal. Il ne sait pas que la Tragédie a été portée au plus haut point chez les Romains, et que Marcus Paccuvius était regardé comme un Tragique inimitable par Cicéron même, qui était parfaitement instruit de la Littérature des Grecs. Ce grand homme qu’il a cité mal à propos ne lui est pas bien présent à ce qu’il me semble. Il est fâcheux de mettre sa cause entre les mains de pareils Défenseurs ; car de fausses assertions une fois décelées en décréditant l’Orateur, préviennent contre la Cause même.
En voilà, je crois, assez sur une question de fait que l’on pouvait décider en peu de mots, et qui n’est point douteuse pour les gens de bon sens et de bonne foi. Mais, permettez-moi, Mademoiselle, de vous ◀parler▶ d’un autre point beaucoup plus embarrassant.
Le Théâtre n’est pas condamné, je le sais. Mais tel qu’il est aujourd’hui, les Consciences délicates, ne pourraient-elles pas dire qu’il est condamnable ? Je crains qu’à bien des égards, elles ne pussent avoir raison. Considérons d’abord les choses qu’on y joue. Vos Comédies sont-elles toutes également dignes de l’approbation des honnêtes gens ? Examinons les Ouvrages de Monfleury, de Dancourt et de quelques autres que l’on représente tous les jours. La Comédie de Turcaret, à laquelle certains Spectateurs prodiguent les plus grands applaudissements. Sont-ce là des représentations auxquelles une honnête Femme puisse assister sans rougir ? Et un Père sage peut-il avec prudence en procurer l’amusement à sa Fille ? Vos Tragédies mêmes, surtout les modernes, qui semblent être seules en droit d’attirer la foule, et d’être applaudies avec fureur. Si l’on en retranchait ce qu’on appelle les traits hardis, c’est-à-dire, ces maximes pernicieuses, contraires aux Lois des Nations, au respect que l’on doit aux Puissances, plus souvent encore à la Religion même ; que deviendrait leur mérite ? Croyez-vous que le bon citoyen, ou l’homme pieux, puisse entendre sans en être choqué des pensées que ses principes lui ont appris à détester ? Vous connaissez mieux que moi les Ouvrages dont je ◀parle▶, et vous vous rappelez déjà les traits que je trouve condamnables.
Maintenant voyons si le système sur lequel sont établis les Spectacles d’à présent est vraiment convenable à des Citoyens. On pourrait encore avoir là-dessus quelque doute. Tout le monde convient que la mauvaise conduite de quelques particuliers ne peut porter aucune atteinte au corps dont ils sont. Mais un corps auquel on accorde des Privilèges qui ne semblent faits que pour autoriser la mauvaise conduite, n’a-t-il pas reçu une tache en même temps que ses immunités ? Lorsqu’un Citoyen, quel qu’il soit, a contracté des dettes considérables, la loi met ses créanciers en droit de saisir tous ses biens, et quelquefois même sa personne. Pourquoi a-t-on mis les Comédiens à l’abri de l’emprisonnement pour dettes ? Pourquoi leurs créanciers n’ont-ils la liberté de saisir qu’une très petite portion de leurs émoluments, et point du tout ceux d’un Acteur de l’Opéra ? C’est ce que vient de nous apprendre un nouveau Mémoire de M. Travenolle. Ces distinctions n’ôtent-elles pas le Comédiens de l’ordre général des Citoyens ? Il faut convenir que de semblables prérogatives sont aussi offensantes que commodes au corps théâtral.
Un autre privilège dont jouissent constamment les Spectacles, me paraît encore moins honorable pour eux. Une femme qui aura mérité quelque répréhension de la Police, se trouve soustraite au pouvoir des Magistrats et des Lois, si par protection, quoique sans talents, elle peut être admise à se montrer sur un Théâtre. Voilà des privilèges manifestement favorables aux mauvaises mœurs. Celui qui pense mal en use dans toute leur étendue. Les personnes naturellement sages et circonspectes ne sont pas les plus communes ; et sans trop de rigidité, on pourrait regarder le Théâtre comme le rempart où se cachent ceux qui, hors de là, seraient repris par la loi. Une des plus grandes fautes de votre Avocat, est d’avoir prétendu que les lois dussent tolérer le scandale d’un concubinage public. Il aurait dû se taire sur cet article ; et les Femmes de Théâtre devraient au moins cacher aux regards de la société, ce que leur conduite pourrait avoir d’irrégulier. Alors elles seraient presque fondées à dire qu’elles sont comme les autres.
Les réflexions que je viens de faire, Mademoiselle, sont sans doute fort désagréables pour quelqu’un qui voudrait voir sa profession décorée de toute la gloire qu’elle mérite par elle-même, et qui n’est obscurcie que par les abus qui s’y sont introduits. Mais au lieu de faire écrire de vaines Déclamations ; connue et justement estimée de tout ce qu’il y a de plus grand, que n’employez-vous votre crédit à rendre les Spectacles tels, qu’on ne puisse leur donner que des louanges. C’est une entreprise digne de vous ; et si vous y réussissez, vous aurez justement uni le titre d’excellente Citoyenne à celui d’admirable Actrice. Voici comme j’imagine que devraient être les Spectacles de Paris, pour que leurs adversaires n’eussent plus rien à leur reprocher.
L’institution d’un Théâtre devrait être réellement académique, comme la Consultation suppose faussement qu’elle est déjà. Le corps d’une société de Comédiens, sous la protection du Roi, devrait être fixée à un nombre invariable de personnes, comme celui d’une Académie. Aucun sujet n’y devrait être reçu que par les Acteurs mêmes, à la pluralité des voix. Voilà le droit des Académies ; ç’a été longtemps celui des Comédiens, mais ils l’ont perdu, et sont à présent soumis à un pouvoir arbitraire qui a pris force peu à peu.
A l’égard des Pièces qu’on devrait représenter, je voudrais que l’on soumît à une exacte censure tous les Ouvrages de Théâtre, tant anciens que modernes. On défendrait de représenter ceux dont le fond serait vicieux. On retrancherait des autres les traits licencieux, ou peu mesurés qui pourraient s’y rencontrer. On ferait une édition de toutes les Pièces telle qu’il serait permis de les jouer ; et les Troupes de Province, seraient obligées de s’y conformer sans réserve.
L’Académie Française serait chargée de cette révision ; c’est un emploi digne d’elle. Je voudrais qu’à l’avenir, ce même Corps fut chargé de l’approbation des Pièces nouvelles, auxquelles depuis longtemps les Examinateurs ordinaires ne font pas une assez grande attention.
Pensons maintenant au nombre et à l’espèce de Spectacles qui devraient être établis à demeure dans Paris. Une aussi grande Ville doit avoir des Spectacles tous les jours ; cependant rien n’est plus onéreux à un Théâtre, que d’être ouvert toute la semaine. Pour remédier à tous les inconvénients, je voudrais qu’il y eût à Paris quatre Spectacles ; c’est-à-dire, deux Théâtres de Comédie, et deux d’Opéra. Mais il faudrait qu’ils fussent tous les quatre essentiellement différents les uns des autres. L’un des deux Théâtres de Comédie, ne pourrait jamais jouer que des Pièces en Vers, l’autre serait uniquement destiné à la Prose. Par ce moyen on aurait deux bons et utiles Spectacles. L’un plus noble, élèverait l’âme aux grands sentiments dans le tragique, au bon goût et à la saine réflexion, par le haut comique. L’autre plus enjoué fronderait décemment les ridicules, et ferait l’amusement de ceux qui ont besoin de rire pour se distraire des occupations sérieuses auxquelles leur état les destine.
Les deux Opéras seraient, l’un sérieux et l’autre comique ; mais je n’entends pas un Opéra Comique tel qu’il est à présent, et tel qu’il a toujours été depuis son origine. Si la Nation se glorifie des beaux Ouvrages de Théâtre que ses Auteurs ont produit, le Recueil des Opéra Comiques doit lui faire honte. Je voudrais que ce fût une Comédie chantée, comme l’Opéra sérieux est une Tragédie en Musique.
Chacun de ces Spectacles ne serait ouvert que de deux jours l’un. La Comédie en Vers et l’Opéra Comique joueraient le même jour. L’Opéra sérieux et la Comédie en Prose joueraient le lendemain, et tous les quatre seraient ouverts le Dimanche. Par ce moyen chaque Spectacle n’aurait que quatre Représentations par semaine, ce qui leur serait à tous également avantageux, et mettrait en même temps de l’ordre et de la variété dans les amusements du Public.
Les Acteurs, de tous les genres, non seulement seraient soumis aux Lois générales des Citoyens ; mais il faudrait que les Magistrats eussent sans cesse les yeux ouverts sur leur conduite. Et l’on devrait défendre de paraître devant le Public à celui qui s’en serait rendu indigne en se déshonorant par quelqu’affaire d’éclat. Il n’y a point d’autre moyen de soutenir un corps en honneur que d’en retrancher les membres qui peuvent lui faire tort. C’était ainsi que se conduisaient les Grecs à l’égard des Comédiens, et l’exemple de cette Nation est toujours excellent à suivre. En un mot, il faudrait que l’on pût dire de tous les Comédiens, ce que Cicéron disait de Roscius.
Il serait bon de fonder aux dépens de tous les Spectacles une Ecole de Théâtre ; ce dont le Magasin de l’Opéra n’a jamais été que l’ombre. On y serait instruit d’une suffisante Littérature Française. On y apprendrait la Déclamation, la Musique et la Danse. Chacun après avoir reçu ces instructions, s’attacherait à la partie pour laquelle il serait le mieux disposé. Des Acteurs élevés de la sorte seraient bien supérieurs à ceux qui prennent le parti du Théâtre sans avoir rien appris de ce qui est nécessaire pour former un sujet, dont les connaisseurs puissent être satisfaits. Ce serait un avantage pour les hommes de talent, qui trouveraient dans cette Ecole des places de retraite convenables à leur mérite.
Je désire beaucoup, Mademoiselle, que vous approuviez mes idées ; j’ose me flatter que vous ne les dédaignerez pas toutes. Pour les rassembler sous un point de vue facile à être embrassé d’un seul coup d’œil : je crois que les Spectacles en général n’ont jamais été condamnés. Que l’on ne condamnera jamais ceux qui conserveront la décence en toutes ses parties. Qu’ils ont aujourd’hui quelques défauts, qu’on ne saurait approuver, et qu’on ne devrait pas souffrir. Je vous propose les moyens les plus simples de les rendre en même temps, honnêtes, utiles et agréables. Embrassez avec ardeur le parti de votre Etat. Faites pour le porter au bien tous les efforts dont vous êtes capable. Si vous y travaillez avec constance, vous en viendrez à bout ; et si vous rencontrez quelques difficultés, elles seront faciles à surmonter. Quand on protège une aussi bonne Cause, et que l’on a des intentions aussi louables, on peut ◀parler avec assurance ; et l’on ne pourra jamais entendre votre voix, sans y faire la plus grande attention. J’ai l’honneur d’être,