(1687) Avis aux RR. PP. jésuites « XVI. » pp. 69-70
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(1687) Avis aux RR. PP. jésuites « XVI. » pp. 69-70

XVI.

Vous ne pouviez mieux finir, que par la conclusion la plus follement idolâtre que l’on puisse concevoir. La passion de flatter votre Héros vous transporte de telle sorte, qu’elle vous fait oublier qu’il s’agissait de rendre des honneurs à un Pontife qui n’est que le Ministre de Dieu, et non pas le Dieu même qu’on adore : Et c’est dans cette espèce d’enivrement, que vous poussez la flatterie, jusques à changer sa qualité de Pontife en celle de Dieu. Il ne faut que vous écouter.

Le Génie de la Ville, dites-vous, viendra accompagné de divers âges, de différents états, et des beaux arts. Il les exhortera à signaler leur zèle pour honorer le Héros. Les arts lui dresseront un temple. L’Architecte y travaillera des colonnes, le sculpteur taillera une statue, et le Peintre tracera un tableau. On placera dans le temple le Génie du Prélat, aux pieds de qui Hercule vient quitter sa massue, Orphée sa Lyre, Argus sa Baguette, et Esculape son Serpent.

Voilà donc votre Héros devenu Dieu, et du nombre de ces Dieux que les Romains appelaient Majorum Gentium, c’est-à-dire, du premier ordre, puisque ceux du second ordre, Hercule, Orphée, Argus, Esculape, lui viennent faire hommage en mettant chacun à ses pieds le Symbole de sa divinité. Vous pouviez encore faire qu’Apollon lui mit sur la tête sa couronne de laurier. Est-ce que vous l’avez oublié ? ou que vous avez appréhendé de n’en être pas avoués ?

Il ne vous restait plus pour recueillir le fruit de vos rares inventions, que de les faire publier par la Renommée. Et c’est à quoi vous ne manquez pas. La Renommée, dites-vous, partira pour aller annoncer par toute la terre, la joie de la Ville, le mérite du Héros, et les honneurs qu’on lui a rendus. Il en sera quelque chose. Cette profane apothéose et tout ce qui l’a précédée sont d’un genre de folie assez singulier, pour être publiés par la Renommée sinon par toute la terre, au moins en beaucoup de lieux. Mais ne doutez point qu’elle ne publie aussi les charitables Avis que l’on vous donne, pour vous porter à rentrer en vous-mêmes, et à réparer le scandale que vos Processions et vos Ballets causent à l’Eglise.