Mandement
De Monseigneur l’illustrissime et Révérendissime
Evêque d’Arras contre la Comédie.
G
Uy de Sève de Rochechouart par la grâce
de Dieu et du S. Siège Apostolique Evêque d’Arras. A tous Fidèles de la Ville
d’Arras Salut et Bénédiction. Il faut ignorer sa Religion pour ne pas connaître
l’horreur qu’elle a marquée dans tous les temps des spectacles et de la Comédie
en particulier. Les saints Pères la condamnent dans leurs écrits ; ils la
regardent comme un reste du paganisme et comme une Ecole d’impureté. L’Eglise
l’a toujours regardée avec abomination, et si elle n’a pas absolument rejeté de
son sein ceux qui exercent ce métier infâme et scandaleux, elle les prive
publiquement des Sacrements, et n’oublie rien pour marquer en toutes rencontres
son aversion pour cet état et pour l’inspirer à ses Enfants. Des Rituels de
Diocèses très réglés les mettent au nombre des personnes que les Curés sont
obligés de traiter comme excommuniés ; celui de Paris les joint aux Sorciers et
aux Magiciens, et les regarde comme manifestement infâmes : les Evêques les plus
saints leur font refuser publiquement les Sacrements ; nous avons vu un des
premiers Evêques de France ne vouloir pas par cette raison recevoir au mariage
un homme de cet état ;
un autre ne vouloir pas leur
accorder la Terre sainte ; et dans les Statuts d’un Prélat bien plus illustre
par son mérite, par sa piété et par l’austérité de sa vie que par la pourpre
dont il est revêtu, on les trouve avec les concubinaires, les Usuriers, les
Blasphémateurs, les Femmes débauchées, les Excommuniés dénoncés, les Infâmes,
les Simoniaques et autres personnes scandaleuses mis au nombre de ceux à qui on
doit refuser publiquement la Communion.
Il est donc impossible de justifier la Comédie sans vouloir condamner l’Eglise,
les saints Pères, les plus saints Prélats ; mais il ne l’est pas moins de
justifier ceux qui par leur assistance à ces spectacles non seulement prennent
part au mal qui s’y fait, mais contribuent en même temps à retenir ces
malheureux ministres de Satan dans une profession, qui les séparant des
Sacrements de l’Eglise, les met dans un état perpétuel de péché et hors de salut
s’ils ne l’abandonnent.
Mais si la Comédie est criminelle dans tous les temps, combien le doit-elle être
plus particulièrement dans ceux que l’Eglise consacre d’une manière particulière
à la pieté et à la Pénitence tels que l’Avent et le Carême, et où par des
Prières et dans des calamités publiques, elle implore, comme on le fait
actuellement dans notre Diocèse, la miséricorde de Dieu et travaille à apaiser
sa colère si manifestement irritée ; dans un temps en un mot où la nôtre est
particulièrement occupé à attirer sa protection sur les Armes de notre
invincible
Monarque, en n’oubliant rien pour sanctifier
ceux qui les portent pour son service, et pour les rendre aussi bons serviteurs
de Dieu que du Roi ?
Mais quelle doit être notre douleur de voir dans une Ville Chrétienne élever
Autel contre Autel, la voix du Pasteur méprisée, une Mission établie en faveur
du démon pour lui attirer des Esclaves, opposée à celle qui se fait pour
augmenter le culte de Dieu et pour lui procurer des serviteurs fidèles ?
Nous nous reprocherions d’employer en cette occasion, pour arrêter ce mal,
l’autorité que Dieu nous a mise en main, si nous n’avions pas auparavant
inutilement employé nos remonstrances : mais l’ayant fait sans aucun fruit, Nous
n’avons pas cru pouvoir nous taire, sans nous rendre coupables d’approuver le
crime par notre silence, et responsables devant Dieu de tous les désordres, dont
ces divertissements criminels sont la source.
A ces causes, et attendu la circonstance particulière de
l’Avent, de la Mission que nous faisons faire dans cette Ville, et des Prières
publiques qui s’y font actuellement pour demander à Dieu la Paix, cette Paix que
lui seul peut donner et que nous ne saurions lui demander avec trop d’ardeur ;
quoique nous ne puissions ne pas condamner en tout temps la Comédie : Nous
défendons particulièrement à tous les Fidèles de notre Diocese d’y aller pendant
ce saint temps, consacré par lui-même et par tous les exercices publics de Piété
que nous y faisons faire pour des sujets si
importants,
et ce sous peine d’Excommunication : Nous ordonnons à nos Confesseurs de traiter
dans le Tribunal conformément aux Règles marquées par l’Eglise ceux qui
contreviendront à notre présente Ordonnance, et particulièrement les personnes
de l’autre sexe que la pudeur devrait en détourner avec plus de soin. Et à
l’égard des Comédiens et Comédiennes, Nous défendons très expressément à nos
Pasteurs et à nos Confesseurs de les recevoir aux Sacrements si ce n’est qu’ils
aient fait Pénitence de leur péché, donné des preuves d’amendement, renoncé à
leur Etat, et réparé par une satisfaction publique, telle que nous jugerons à
propos de leur ordonner, le scandale public qu’ils ont donné.
Et plus bas. Par Monseigneur.
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