Le Maistre d’Esope le croyant inhabile aux affaires domestiques, s’advisa de l’envoyer travailler aux champs, où il ne fust pas plustost arrivé, qu’il mit tout de bon la main à l’œuvre Cependant, comme il eust pris fantaisie à son Maistre de s’en aller en sa Mestairie, pour y voir le travail de son nouveau serviteur, il arriva qu’un certain Laboureur luy fist present de belles et grosses figues.
Mais d’autant que ceste Allegorie est assez cogneuë, et qu’en plusieurs endroicts de nostre œuvre, nous avons amplement touché ce Discours, il sera bien à propos de donner un sens exprés à cét endroict, pour en tirer un enseignement particulier. […] Si elle est petite, ils l’appélleront un abregé de merveilles, mettant en avant, que plus une belle œuvre est raccoursie, plus elle est admirable de soy.
Mais sçachant qu’en quelque façon que la Vertu soit logée, et sous quelque habit qu’elle paroisse devant vous, vous la recueillez tousjours favorablement, j’ay pris, MONSIEUR, la hardiesse de vous le presenter auec sa vie et ses œuvres, que les plus grands personnages de tous les siecles ont admirées.
L’œuvre du fabuliste romain ne nous est pas parvenue tout entière. […] Aussi ses œuvres sont-elles la source unique à laquelle ont puisé ses biographes. […] Sur la vie de l’auteur, comme sur ses œuvres, ils ont émis les opinions les plus divergentes. […] On y trouve onze extraits empruntés aux œuvres des anciens auteurs latins. […] En revanche, si l’on prouve que l’une des fables anciennes n’est pas son œuvre, aucune ne doit lui appartenir.
Ce qui procede asseurément de ce que la haste empesche la consideration, sans laquelle il faut de necessité qu’en quelque œuvre que ce soit, il y ait de l’impertinence, ou du dessein.
Si l’on ne travaille que pour une belle œuvre, quel moyen a-t’on de la perpetuer ?
Aristote ne faisoit-il pas une œuvre digne d’un Philosophe, quand il sacrifioit à la Courtisane Hermie, et se rendoit idolâtre d’une personne que des Crocheteurs avoient paravanture possedée ?
Or bien que la veritable Poësie, c’est à dire celle que nous enseigne la Vertu, sous les Fables celestes et humaines, ait beaucoup d’avantage sur un œuvre pareille à la nostre, si est-ce que celle-cy la devance en quelque façon, principalement en la briefveté de la Fable, en l’abondance du suc ou des bonnes choses, et ainsi du reste. Mais c’est avoir assez demeuré hors de nostre chemin ; Il faut revenir au but de ceste œuvre, qui est l’application des Fables.