Or bien qu’il y ait plusieurs ressemblances, et conformitez d’où l’on peut tirer le sujet des fables ; Il me semble neantmoins qu’il s’en trouve trois principales, dont la premiere consiste en operations, qui ne sont pas naturelles ; comme on pourroit dire de la ressemblance de l’homme à la Chimere, non pas touchant la figure exterieure, mais quant aux operations representées par ce monstre imaginaire, dont le devant tient du Lyon, le milieu de la Chevre, et le derriere du Dragon ; par où il nous est enseigné, que la pluspart du temps les hommes se laissent conduire ou par l’apetit irascible, ou par le Concupiscible, ou par leur propre fantaisie, et leur imprudence. […] Car pour ne sortir des bornes de leur Art, ils inventent ingenieusement ce que bon leur semble ; et cela leur reüssit avecque tant de bon heur, que de leurs mensonges mesme, les excellens hommes en tirent des veritez et des meditations ravissantes, comme l’on peut voir dans les escrits de plusieurs, et particulierement de Maxime de Tyr, Philosophe Platonicien. […] Ce qui nous apprend que les hommes qui s’ayment par trop, et qui semblent faire gloire de mespriser autruy, enchantez par la bonne opinion qu’ils ont d’eux-mesme, ne sont dans le monde que des Plantes inutiles, Dieu nous ayant fait naistre pour servir nostre Prochain, et l’assister charitablement. […] Mais il me semble plus à propos de dire que ceste Fable a esté inventée, pour monstrer la mutuelle correspondance qu’il y doit avoir en l’amitié, et que nous avons accoustumé d’aymer plus les uns, et les autres moins, selon que nous y sommes portez d’inclination, et par la conformité de nos mœurs, avec celles de la personne aymée. […] Mais tout cela seroit superflu, puisque dans celles d’Esope vous avez, ce me semble, une matiere assez ample, pour juger de l’utilité qui en peut revenir, et en profiter vous-mesmes.
En quoy, certes, il me semble qu’elle considere judicieusement quel est le Conseiller, apres avoir trouvé quel est le conseil. […] Cecy semble contenir le mesme sens mystique, que la Fable d’Ulysse, qui pour n’ouyr les chants des Syrenes, se boucha les oreilles de cire, de peur que leurs charmes nuisibles ne vinssent à se glisser par l’ouye jusques au fonds de son ame, et ne l’empoisonnassent secrettement.
Une Grenoüille vid un Bœuf, Qui luy sembla de belle taille.
que vous me semblez beau !
Voicy, ce me semble, une des plus estranges inventions de nostre Autheur, en ce qu’elle est fondée sur le commerce d’une Plante, et de deux Oyseaux. […] Premierement, ce qu’il dit de la Chauve-souris, témoigne un naturel avare : Dequoy semblent faire foy les yeux surveillans, les ongles crochus, et les monstrueuses aisles de cét Animal.
Les Fables ne sont pas ce qu’elles semblent estre ; Le plus simple animal nous y tient lieu de Maistre. […] En ces sortes de feinte il faut instruire et plaire ; Et conter pour conter me semble peu d’affaire.
Toutes lesquelles choses semblent avoir esté cause de sa servitude.
Mais d’autant que ceste Fable approche fort du sujet de la precedente, et qu’elle contient par consequent les mesmes instructions, il seroit hors de propos, ce me semble, que je m’arrestasse à la moraliser.
Marie de France, n° 96 Le lièvre et le cerf Un lievres vit un cerf ester ; ses cornes prist a reguarder, mut li sembla bele sa teste.
Toute la raison que je puis alleguer de cela, c’est que la faute consistant en la seule volonté, il semble qu’elle ne soit pas moindre aux foibles qu’aux puissants, et que pour la mesme raison ils ne soient pas aussi moins dignes de punition que les autres. […] Or est-il que les foibles et les petites gents me semblent entierement despourveus d’appuy, pour éviter le juste chastiment de leurs fautes ; Et c’est pour cela qu’ils sont plus à blâmer que les autres, puis qu’ils s’abandonnent à tout pour faire du mal.
Certes, il semble que la sage Nature ait doüé châque personne de ce qui luy doit eschoir, avec tant de proportion et de justesse, que les qualitez qu’elle n’a point mises en quelqu’un, y seroient, sans doute mal-seantes, ou mesme elles n’y pourroient estre sans miracle. […] Cela est tellement vray, que si l’on prend la peine d’examiner les defauts de ceux qui sont apparemment defectueux, pour faire le contre-poids de leur imperfection, l’on ne s’y trompera guere, ce me semble. […] Ce qui doit asseurément obliger les hommes, non seulement à ne point mespriser ceux qui semblent imparfaicts, mais encore à estre contents de leur condition, et à remercier Dieu des biens qu’ils possedent, au lieu de se plaindre de ceux qu’ils n’ont pas.
» Li lus li dist : « Jeo ne sai quei. » — « Di que te semble, si espel !
Nous avons traité ce suject assez amplement, pour estre dispensez d’y revenir, joinct qu’encore qu’il n’y ait que trop de personnes dans le monde qui souhaittent plus ardemment la possession d’un beau corps, que celle d’un bel esprit, si est-ce qu’il est impossible, ce me semble, qu’en leur ame ils ne trouvent ce dernier plus estimable que l’autre.
[NdE] Le sens de la phrase semblerait plutôt appeler le verbe « dettar ».
En quoy certes il me semble qu’il y a beaucoup de Justice.
Toy que l’on voit porter à l’entour de ton col Un arc-en-ciel nué de cent sortes de soyes, Qui te panades, qui déployes Une si riche queuë, et qui semble à nos yeux La Boutique d’un Lapidaire ?
Le Lievre et la Perdrix concitoyens d’un champ, Vivoient dans un état ce semble assez tranquille : Quand une Meute s’approchant Oblige le premier à chercher un azile.
» « Ce n’est n’est pas cela », luy repliqua Zenas ; « tout ce que j’ay à vous dire, c’est qu’Esope, qui jusques icy semble avoir esté muet, a maintenant la parole libre » […] Ces paroles fâcherent fort le Maistre de Zenas, qui pour luy témoigner son ressentiment ; « Va », luy dit-il, « je te remets Esope, pour en faire à ta volonté, et le vendre, ou le donner à qui bon te semblera ». […] A ces mots le marchand luy commanda de salüer ses compagnons, et d’entrer plus avant dans le logis ; mais comme il se fût mis en estat de le faire : « Vrayment », dirent ils entr’eux, « c’est un grand malheur à nostre Maistre, d’avoir achepté un valet si monstrueux, et si difforme que celuy-cy, et il semble proprement qu’il ne l’ait pris que pour servir de mal-encontre et de sortilege dans sa maison ».
Il semble qu’Esope ait voulu dire par ceste Fable, qu’il ne faut point se fier aux paroles d’une femme. […] Les tettons mesmes, s’avalent par l’âge, et sont composez d’une chair mollasse et glandugineuse, prouvent infailliblement cette humidité, qui se rencontrant avec excez dans le temperament des femmes, semble alentir de necessité leur chaleur naturelle, et les rendre moins capables que les hommes de toutes les bonnes choses. […] Car quant aux contes que l’on nous fait de Thisbé, de Philis, de Didon, et de quelques autres, ce sont des choses que je tiendray tousjours pour estre sujettes à caution, jusqu’à ce qu’on m’en ait donné des asseurances, et croiray cependant que ce n’est pas estre advisé d’adjouster foy aux paroles d’une femme, si on ne la connoist bien, ce qui me semble tresdifficile.
Ce fut, ce me semble, le plus grand de tous les maux du bon Job, de se voir exposé sans suject aux railleries de ses familiers, qui sembloient se tourner du costé de son malheur, et conspirer contre-luy, pour l’affliger davantage.
Pource que ceste Fable du Milan semble contraire en quelque façon à la Religion Chrestienne, en ce que la Mere de cét Oyseau ravisseur ne luy conseille pas d’attendre à l’heure de sa mort aucun bon office des Dieux, apres les avoir offensé mille fois durant sa vie, je ne m’arresteray pas beaucoup à moraliser là dessus.
Je n’allegueray en cela pour toute preuve que l’experience journaliere, sans m’arrester plus long-temps sur ce sujet, tant pour en avoir touché quelque chose en la cinquiesme Fable, que pour la matiere de celle-cy, qui semble plustost appartenir à la bien-seance exterieure, qu’à la solide science des mœurs.
Aux animaux cela sembla si beau, Qu’il fut élû : chacun luy fit hommage.
Mut me semble greinur vilté de ces kis furent mi privé a ki jeo fis honur e bien, ki n’en remembrent nule rien, que des autres que jeo mesfis : li nunpuissant ad poi amis. » Par me[is]mes ceste reisun pernum essample del leün : ki que unc chiecë en nunpoeir, si piert sa force e sun saveir, mut le tienent en grant vilté nis les plusurs qui l’unt amé.
Sa raison plut et sembla bonne.
» Li lïuns li ad respundu : « Ceo n’est mie pur ta vertu ne pur fierté k[e]’ en tei as, mes pur le cri que tu crias, que tant lur semble espoëntable que tuz te tienent pur deable. » Si est de l’orguillus felun, que par manace e par tençun e espoënte la fole gent e quide bien a escïent que nuls nel deie cuntrester des qu’i l’orrunt en haut parler.
D’où il est aisé de voir, qu’Esope a eu bonne grace en cette premiere Fable, de les representer par la pierre precieuse, qui semble estre plus belle à nos sens que toute autre chose, et plus rare aussi à nostre rencontre. […] Que s’il arrive fortuitement qu’il rencontre l’occasion d’acquerir de la science, ou de pratiquer quelque vertu, cela ne le touche du tout point, et il en neglige l’occasion avec tant de brutalité, qu’il ne laisse pas seulement naistre en soy-mesme le desir de la posseder, soit qu’elle luy semble trop relevée, ou qu’il ne puisse jouyr trop facilement.
Il me semble que nous avons cy-dessus assez amplement parlé de l’envie, qui consiste en la douleur que nous conçevons du bien et de la prosperité d’autruy. […] Or pource que plusieurs personnes en sont atteintes, il ne sera pas, ce me semble, hors de propos de leur choisir un conseil salutaire pour s’en délivrer.
De quelque façon que je considere ceste Fable, elle me semble susceptible de plusieurs sens differents, comme nous voyons qu’une mesme matiere se peut appliquer à divers usages. […] Dequoy, ce me semble, l’on ne pourra pas douter, si l’on considere indifferemment que ceux qui ont excellé, soit aux Lettres, ou aux Armes, comme un Platon, un Aristote, un Seneque, un Cesar, un Alexandre, un Agesilaüs, et ainsi des autres, n’auroient jamais rien advancé dans ceste lice d’honneur, si par le conseil du Proverbe Grec ils ne se fussent hastez doucement ; Et c’est en cela, sans doute, qu’ils ont imité la Tortuë, plustost que le Liévre de ceste Fable, puis qu’en matiere d’Esprit et de Force, toutes les fois qu’il leur a fallu agir, ils l’ont fait sans differer, et ont tous-jours joinct la Prudence et le Soing ensemble.
Il me semble que ces grands personnages ne disoient pas autrement à leurs Envieux, que dit en ceste Fable le genereux Sanglier. « Tu peux me brocarder à ton aise, ô foible ennemy que tu és, car ta lascheté rend ta vie asseurée auprés de moy ». […] Que si l’on verse de l’eau en une quantité plus mediocre, et presque aussi grande que l’embrasement, alors le feu semblera tirer des forces de soy mesme, et s’aigrir contre son ennemy. […] Il est temps maintenant de faire voir comment ceste action procede de la raison, bien que toutesfois il me semble superflu de le prouver, veu la prodigieuse quantité d’exemples que nous voyons tous les jours de gents estimables et bien nez, qui donnent la vie à un ennemy abattu, ou ne le considerent pas, s’il est foible.
Ce qu’ayant veu le Prince, il dit au Capitaine qui les luy monstroit ; « Il me semble voirement que ceux-cy sont braves gents, mais j’estime encore plus braves ceux qui les ont ainsi marquez ». […] Ce divin Poëte ne nous a voulu signifier autre chose par ces exemples, sinon, que l’orgueil est bien souvent abattu d’une façon qui semble extraordinaire, et par des Ennemis impuissants en apparence, mais valeureux en effect. […] Or quoy que cela ne semble pas ordinaire en la Nature, si est-ce qu’on en peut donner des raisons tres legitimes ; Et premierement on peut dire, que ces Ennemis fiers et presomptueux vont la pluspart dans le Combat avec tant de negligence contre les foibles, qu’ils dédaignent de mettre en œuvre tout ce qui est d’ordinaire praticqué pour la seureté des Combattans, à sçavoir d’estre couverts de bonnes armes, montés sur un cheval adroict, et faire avec soin tous les passages de l’escolle.
Or contre ces marques de tyrannie, il me semble que les pauvres n’ont point de remede, que la patience ; parce que les assistances humaines venant à leur défaillir, ils ne doivent tirer leur satisfaction que de la seule Vertu, et s’attendre à l’espoir d’une meilleure vie, où nul n’est riche, nul n’est puissant ; mais tous les hommes relevent de mesmes loix, et subissent avec égalité les jugements de l’Eternel.
Sans luy j’aurois fait connoissance Avec cet animal qui m’a semblé si doux.
Les Poëtes mesme, et les Escrivains, se parent des despoüilles d’autruy, et transportent des feüillets entiers dans leurs ouvrages, jusques à s’accommoder des inventions des morts, affin que de ces lumieres qui semblent esteintes, et qui toutesfois ne le sont pas, leurs Escrits en reçoivent plus de vigueur et de vie. […] Je ne trouve, ce me semble, rien plus à propos dans tout l’ouvrage de nostre Phrygien, que ceste comparaison du Presomptueux à la Mouche.
C’est donc au seul instinct naturel que toutes ces choses se doivent attribuër, veu le desir que la Nature semble monstrer de sa conservation, qui est double, à sçavoir de l’Individu, et de l’Espece. […] Tels, et une infinité de semblables exemples se rapportent dans tous les Autheurs, touchant la nature des Elephants, apres lesquels il n’est pas aisé, ce me semble, de pardonner à l’erreur de ceux qui les ont jugé capables de raisonnement. […] Bref, en toute la suite de leur vie, ils semblent en quelque façon s’éloigner de la nature brutale, et se rendre compagnons de la nostre, de mesme qu’ils le sont de la demeure ; ce qui n’est possible pas sans mystere. […] En quoy il me semble plus judicieux que Virgile, qui ne donne pour conseil à son Enée que sa Mere Venus, Déesse de la Volupté, si ce n’est quand il suppose quelque apparition de Mercure, ou d’Anchise son Pere. […] En un mot, c’est elle mesme qui produict tous les effects, qui nous semblent admirables dans le commerce du monde.
De moi, au contraire, le nom même leur semble beau, le plus beau, par Zeus, de tous les noms.
J’ay regret que ce mot soit trop vieux aujourd’huy, Il m’a toujours semblé d’une énergie extrême.
Quant li reclus s’en fu alez, [si] s’est li vileins purpensez que grant merveille li sembla de la gate quë il garda ; ne se pot mië astenir qu’il ne la voille descovrir pur veer iceo ke desuz fu.
Quant à la trahison de la Chauve souris, il me semble qu’elle est avecque raison punie par les autres Oyseaux qu’elle avoit abandonnez en leur adversité. […] Si quelqu’un nous abandonne pendant nostre querelle, il le fait, sans doute, pource que la cause de nostre Ennemy luy semble plus juste, ou plus asseurée que la sienne.
Tout en rendant l’âme, elle se dit à elle-même : « Vraiment je suis bien malheureuse ; je surveillais la terre que je croyais pleine d’embûches, et la mer, où je comptais trouver un refuge, m’a été beaucoup plus funeste. » C’est ainsi que souvent notre attente est trompée : les choses qui nous semblaient fâcheuses tournent à notre avantage, et celles que nous tenions pour salutaires se montrent préjudiciables.
Durant qu’il dormoit, il luy sembla voir que la Fortune se presentoit devant luy, et qu’elle mesme luy deslioit la langue, luy donnant non seulement la grace et la facilité du discours, mais encore la science des fables.
Ceux qui semblent légiférer selon la justice ne s’en tiennent pas eux-mêmes aux lois qu’ils établissent et décrètent.
Mais je veux que ce soit une amitié de dépendance, où l’un des partis tienne quelque maniere de prerogative, ou de superiorité sur l’autre, comme celle du Souverain envers son Favory, du pere et du fils, du Seigneur et du sujet ; il faudra neantmoins qu’elle les semble égaler par le poinct où ils s’entr’ayment.
» « Jo vus dis einz », fet li lïuns ; « ainz que [nus] fussums cumpainuns, me mustrastes une peinture sur une pere par aventure ; mes jeo te ai plus verrur mustree, a descuvert l’as esgardee. » Par essample nus veut aprendre que nul ne deit nïent entendre a fable kë est de mençuinge ne a peinture que semble sunge ; ceo est a creire dunt hum veit l’ovre, que la verité tut descovre.
« Ils me plaisent assez », leur respondit Xanthus, « mais je ne suis pas d’advis d’avoir des valets qui me coustent si cher ». « Puis qu’il ne tient qu’à cela », dit un de leur trouppe, « il n’y a ce me semble, aucune Loy, qui vous deffende d’achepter le plus difforme de tous. […] « Ne vois-tu pas », luy dit Esope, « que c’est une affaire, en laquelle tu n’as nullement besoin de mon conseil : fay lequel des deux te semblera le meilleur, ou de m’achepter, ou de me laisser : Nul ne fait rien par la force : c’est une chose qui dépend absolument de ta volonté : si elle te porte à m’avoir, ouvre ta bourse, et compte de l’argent : sinon, cesse de te mocquer de moy ». […] » « A ce que je vois », respondit le marchand, « tu sembles n’estre icy venu que pour dépriser ma marchandise.
Les escoliers loüerent d’abord une si belle entrée de table, qui leur sembla fort propre à des Philosophes ; pource que c’est par le moyen de la langue qu’on exprime ses pensées.
» Esope n’eust pas plustost achevé ces mots qu’un des Assistants se tournant vers Xanthus ; « Asseurément », luy dit-il, « si tu ne prends garde à toy, j’ay belle peur que ce poinctilleux ne te fasse devenir fol, Car tel qu’est son corps, tel est son esprit » ; Mais Esope le renvoya bien viste, et sans s’émouvoir autrement : « Va », luy dit-il, « tu me sembles étre un tres mauvais homme de te mesler des affaires d’autruy, et d’irriter sans raison le Maistre contre le serviteur ».
Car encore que l’homme du monde qui a le plus d’habitude au vice, ne soit pas incapable d’une action vertueuse, si est-ce qu’il deshonore en quelque façon les gents de bien, lors qu’il les approche pour les assister, à cause qu’il rend leur Vertu suspecte, et semble la vouloir faire dépendre de sa malice.
O mort, luy disoit-il, que tu me sembles belle !
Ceste nouveauté ne sembla pas estrange à ce Rustre, qui ne s’enquerant de rien, et ne daignant pas mesme demander le nom de l’homme qui l’invitoit, s’en alla droict au logis de Xanthus, où il se mit à la table, avec des souliers tous sales et tous crottez. […] Ce que voyant l’homme sans soucy ; « Pour moy », disoit-il, « je trouve ceste viande cuite comme il faut, et si bonne à mon goust, qu’il ne luy manque rien, ce me semble, pour estre bien assaisonné.
Mais il semble que la Bonté Divine, pour nous convier à cela plus puissamment, y a joinct quantité de recompenses ; Car nous ne voyons guere de personnes charitables, dont la Fortune ne prospere en ceste vie, et ne soit suyvie d’une bonne fin pour les mener en l’autre. […] Il faudroit alleguer des volumes entiers, pour la preuve de ceste mesme recognoissance, qui ne me semble que trop commune d’homme à homme, puis qu’elle a passé jusques aux animaux.
Or d’autant que cela dépend de la prudence, et que ceste Vertu n’a pas tous-jours des regles certaines, joinct que dans les divisions de la Moralle, on ne peut donner des instructions pour ce qui est d’examiner les fourberies ; il me semble que pour les éviter, il doit suffire à l’homme bien advisé, de prendre soigneusement garde aux actions de ceux qu’il soupçonne, y procedant de telle sorte qu’à la maniere du Renard, il s’embarrasse avec eux le moins qu’il pourra, principalement en visites, et en compliments.
Esope se moque à bon droict en cette Fable, de ceux qui se veulent mesler d’un mestier qui ne leur est pas ordinaire, ny propre, et laissent pour cét effet leur vray et naturel exercice, chose, ce me semble, la plus digne de reprehension qu’on puisse faire, pource que, non seulement on hazarde en cela sa reputation, mais aussi on y ruyne ses affaires, et celles d’autruy ; ce qui ne peut proceder que d’une excessive vanité, joincte à une foiblesse d’esprit encore plus grande.
Si son outrage a semblé laid et hydeux dans son centre mesme, à sçavoir en la personne du malfaicteur, combien sera-t’il espouvantable en la mienne, puis que je ne pense pas avoir jamais donné lieu à des actions scandaleuses, et dignes de la hayne publique ? […] Voylà pour ce qui est d’étouffer toute sorte de ressentimens contre son ennemy, ce qui me semble la plus dangereuse action que puissent faire les offencez. […] Mais passons maintenant à un autre Discours, pour ne sembler trop prolixe en une chose que tout le monde cognoist, et qui n’a besoin, ny d’amplification, ny de preuves, pour estre assez claire d’elle-mesme.
La suriz par amur demande a la reine de sa vïande, quei l’en semble, verité l’en di.
Ce qui me semble estre des-ja visible en l’accroissement des Persans, et en la bonne fortune des Poulonnois.
Ces Médisants blâment les défauts d’autruy avec une langue qui ne sçait point espargner ; Comme au contraire, s’ils ont quelque chose de loüable en eux, ils le mettent à si haut prix, qu’il semble que tout le monde leur en doive beaucoup de reste, et qu’ils soient unicques en leur espece.
Mais pour response à ces objections, la Fourmy disoit, que pour son particulier elle se contentoit fort de son extraction, qui n’estoit pas si vile que la Mouche la faisoit ; qu’une demeure arrestée luy plaisoit autant qu’à elle une façon de vivre inconstante, et mal asseurée ; que les grains de bled dont elle se nourrissoit, et l’eau des fontaines, luy sembloient d’aussi bon goust, qu’à son ennemie ses pastez et ses vins delicieux ; qu’au reste elle joüyssoit de tous ces biens par un honneste travail, et non par une infame paresse. […] De plus, elle compte aussi les delices de sa sobrieté : elle allegue la pureté de ses fontaines, et le goust naturel de ses grains, par où il semble qu’elle nous apprend, que la vraye volupté ne consiste pas dans le trop, mais dans le mediocre ; Et que ceux-là sont bien plus heureux qui sçavent en tout temps se garantir des excés, que ces autres qui en peuvent tousjours faire.
L’allegorie de cette cinquante-neufviesme Fable, va ce me semble, à reprendre la vanité des Sculptures, et particulierement de celles qui contiennent plus de flaterie que de verité. […] Que s’il trouve une occasion de faire comparaison du Peuple Romain avec un autre, il luy cede à l’instant la préeminence, et s’estend si bien là dessus, qu’oubliant presque son mestier d’Historien, il semble s’estre persuadé qu’il est Orateur.
Va t’en maintenant, si bon te semble : Je ne te demande rien pour ces herbes, et te permets d’en cueillir desormais toutes les fois que tu voudras venir en mon Jardin, où tu pourras entrer comme en ton propre heritage ».
» « Nenny », respondit Esope, « pource qu’il me seroit mal-seant de faire autre chose que ton commandement, Tu ne m’as point dit, mets de l’eau dans le bassin, lave mes pieds, apporte mes pantoufles, et ainsi du reste, si bien que je ne suis point à blâmer, ce me semble ».
Ces Presomptueux naissent avec tant d’amour propre ; Ils s’estiment si grands, et si excellents personnages, et sont si charmez de leur bon sens, que toute autre chose leur semble ridicule, horsmis la production de leur esprit.
Nous avons dit, ce me semble, en peu de paroles, quelle est la cause ; et quelle l’experience de ce mal.
Alors le prenant par les oreilles, qu’il n’avoit point cachées : « Asne mon amy », luy dit-il, « trompe, si tu peux, qui bon te semblera : pour moy je te cognois trop bien pour estre deçeu ».
Surquoy je veux dire, qu’encore que toute sorte de feincte soit odieuse, quand on se veut faire croire plus excellent que l’on n’est, celle là toutesfois semble l’estre d’avantage, par qui l’on ne peut couvrir un défaut visible, contre la proprieté mesme où l’on affecte de reüssir.
Mais pour moy, il me semble meilleur de l’appliquer à l’Estude des Lettres, et à la Volupté tout ensemble.
J’obmets plusieurs autres differences touchant la maniere de converser avecque les hommes, à cause qu’il me semble fort difficile de les exprimer, veu que le nombre n’en est pas moins grand que des conditions, et des humeurs des personnes.
Aprés icele saülee une autre beste ad apelee, tut autretel li demanda de sa aleine quei li sembla.
Il y a encore une cause à cela, que je trouve plus apparente que toutes les autres, c’est qu’un bien interdict nous semble plus grand, et nous fait imaginer que ce doit estre quelque chose excellente, puis qu’on nous en déffend la praticque : de façon que cela nous éguise l’appetit, et nous fait rechercher avecque soin le violement de ceste loy. […] Je veux donc dire que ceste transformation de Chatte en femme est une marque de la foiblesse des Amants, qui ne sont pas si-tost abandonnez à leurs passions, que toutes choses leur semblent changer de nature.
Je sçay, MONSIEUR, qu’à les considerer en leur escorce, elles semblent aux ames vulgaires de pures extravagances, et des bagatelles inutiles ; comme nous voyons que les diamans bruts, pour n’avoir qu’un foible éclat par le dehors avant qu’estre mis en œuvre, sont des happelourdes aux yeux des mauvais Lapidaires et des Ignorans, qui n’en sçavent pas le prix.
Quant à la premiere, il semble qu’Esope ait voulu blasmer la conduitte des hommes, qui preferent la pluspart du temps la servitude à la liberté ; comme fit jadis le Peuple Hebrieu.
Mais le meilleur ce me semble, c’est de remarquer si les caresses que nous en reçevons sont extraordinaires.
Il me semble avoir leu dans les Histoires de Naples, le conte de ceste effroyable action, dont il est meilleur de se taire, que d’en parler d’avantage.
En quoy, il me semble que pour un vain plaisir de mentir, l’on perd une chose bien precieuse, à sçavoir la Foy ; Action certes d’un tres-mauvais mesnager, et d’un imprudent, puis-qu’il n’y a rien de si commode en tout le commerce de la vie, que de passer pour veritable, autant pour servir ses amis, que pour son interest propre.
Quant à la Vengeance, comme elle est une espece de Justice sauvage et brutalle, elle me semble plus seante aux Bestes, qu’aux Hommes.
De ceste mesme façon, lors que j’estois bien esloigné de vostre ville, je vous admirois comme des personnes qui me sembliez valoir beaucoup, et meriter de grandes loüanges : mais depuis mon arrivée en ce lieu, je me suis veu bien trompé, vous ayant trouvé plus inutiles que tous les autres ».
Mais je laisse en arriere tous ces exemples, pour alleguer seulement celuy qui est arrivé à la personne mesme de nostre Autheur, et qui est escrit cy-devant en l’Histoire de sa vie ; A sçavoir, qu’Esope estant dans Babylone, à la Cour du Roy Lycerus, adopta pour fils un jeune homme, qui luy sembla le plus aymable, et le mieux conditionné de toute la Ville, auquel il donna une entiere esperance de ses biens, et mit toute son affection en luy, comme s’il eust esté veritablement son enfant.
Car de dire que la bonté que nous luy tesmoignerions à pardonner une offense, l’obligeroit à vivre plus fidelement avecque nous, et à n’y retomber jamais, cela me semble extrémement foible, puis qu’on peut alleguer aussi, que l’impunité de sa faute seroit un leurre pour l’y rappeller.