Par mesme moyen, il blasme en la personne du Singe, ceux qui n’ont pas la capacité de s’entre-mettre au gouvernement des affaires, et qui l’entreprennent toutefois, pource qu’ils s’en estiment capables. Or encore que cecy touche aussi bien les dignitez subalternes, que les souveraines, et qu’aux Estats successifs, comme le nostre, le sens mystique de ceste Fable n’ait lieu que pour les charges inferieures à la personne du Monarque ; si est-ce que nous prendrons pour ceste heure le discours au pied de la lettre, et ne nous arresterons qu’à l’election des Roys, puis que nostre Autheur ne parle que d’eux en sa narration. […] Je me souviens à ce propos d’avoir leu, qu’au commencement des choses, quand il fût question d’establir en châque lieu une forme de Gouvernement, les Peuples jetterent d’abord leurs yeux sur les belles personnes, pource qu’elles frappent ordinairement avec esclat, l’imagination de ceux qui les considerent. […] Mais la revolution des temps fist qu’ils se détromperent enfin, quant à l’excellence du corps, et trouverent qu’il y avoit une plus noble et plus loüable qualité en nous, à sçavoir la cognoissance des choses, et la veritable force de l’ame ; Qu’au reste, ceste derniere faculté n’alloit pas tousjours conjoinctement avecque les graces corporelles, mais qu’on voyoit d’ordinaire les belles personnes foibles et stupides ; et au contraire quantité de corps monstrueux, doüez d’un entendement extraordinaire. […] Quant à ceux qui communiquerent à beaucoup de personnes l’authorité des affaires, les uns eurent égard aux plus gents de bien, et aux plus vertueux, et formerent l’Aristocratie.
Dés l’abord leur Doyen, personne fort prudente, Opina qu’il faloit, et plustost que plus tard, Attacher un grelot au cou de Rodilard ; Qu’ainsi quand il iroit en guerre, De sa marche avertis ils s’enfuiroient sous terre. […] L’on ne rencontre plus personne.
Le Paysan baille luy-mesme l’argent dont le Soldat son Ennemy luy fait la guerre, et le sincere amy fournit à l’amy dissimulé des advantages qui luy font avoir prise sur sa personne. […] La mesme chose arrive entre les Chicaneurs, qui se surprennent les uns les autres par les papiers qu’ils se prétent, et obligent quelquesfois les personnes ignorantes en ce mestier, à signer des actes contre leur propre cause, sans sçavoir le dommage qu’ils se font. […] C’est pourquoy dans les affaires du monde, il faut du moins prendre garde à ne dire, ou à ne faire rien, qui nous puisse nuire, principalement si nous avons à traicter avec des personnes suspectes.
Elle est un Vice, lors que nous cachons nos desseins, ou aux personnes à qui nous les devons dire, comme à un amy parfaict, ou quand nous les cachons hors de saison, et avec une mauvaise intention. […] Il y a de plus une autre sorte de dissimulation, qui ne nuist à personne, mais qui sert en quelque chose au dissimulateur, à sçavoir, lors que nous nions d’avoir eu une entreprise, apres que nous la voyons inutile.
Car les Médisans estans sans cesse aux aguets, pour chercher quelque nouvelle matiere à leurs calomnies, comme ils voyent qu’ils n’en trouvent point en la personne des Innocents, ils les jugent par le vice de ceux qui les hantent. Aussi est il vray que l’ignominie, et la mauvaise estime, se communiquent par reflexion à celuy qui leur est le plus proche, tout de mesme que l’honneur touche en quelque façon les amis de la personne honnorée, par un rayon qu’il eslance obliquement sur eux.
Aussitôt qu’il paraissait, personne ne restait plus en repos ; l’un allait aux prés ou aux bois, se plaisant à cueillir des fleurs, des lis et des roses, à les faire tourner devant ses yeux et à les mettre dans ses cheveux ; l’autre s’embarquait, et, à l’occasion, traversait la mer pour aller voir d’autres hommes ; personne ne prenait plus souci des vents ni des averses épaisses. « Moi, ajoutait-il, je ressemble à un chef et à un monarque absolu.
La mesme chose est arrivée en plusieurs Histoires, et particulierement en celle de Massinissa, qui viola non seulement l’hospitalité, mais encore les loix du mariage, en la personne de Sophonisbe, qui avoit parole de luy d’une entiere amour, et d’une parfaicte asseurance de sa vie. Or quoy que les exemples de perfidie soient ordinaires en cette occasion, si est ce qu’il s’est rencontré des personnes assez genereuses pour garder leur foy, au hazard de la puissance ennemie, voire mesme d’un deshonneur tout évident, comme il arriva naguere en un meurtre que fist dans Tolede un Gentilhomme incognu. […] Ce pauvre homme tout effrayé se jetta d’abord aux pieds de cette personne, et la pria tres instamment de luy sauver la vie ; Ce que la Dame luy ayant accordé, elle luy donna la clef d’un cabinet pour se cacher dedans, en attendant qu’il peust eschapper à la faveur des tenebres. […] Quant au Bucheron, qui blâme le Loup d’ingratitude, il nous apprend que telle personne nous a mortellement offencez, qui demande apres des compliments et du retour.