Je ne raporteray pas tant l’Alegorie de ceste Fable à l’envie et à la malignité du Renard, qu’à l’impertinence des autres animaux tant pource qu’aux discours precedents j’ay assez parlé contre les personnes envieuses du bien d’autruy, qu’à cause qu’il me semble veritablement qu’Esope luy fait joüer icy le personnage d’un homme sage et consideré, plustost que d’un meschant ; et qu’au contraire il represente en la sottise des autres animaux, celle que commettent fort souvent les hommes, à sçavoir de donner les grandes charges aux mal habiles. Par mesme moyen, il blasme en la personne du Singe, ceux qui n’ont pas la capacité de s’entre-mettre au gouvernement des affaires, et qui l’entreprennent toutefois, pource qu’ils s’en estiment capables. […] Je me souviens à ce propos d’avoir leu, qu’au commencement des choses, quand il fût question d’establir en châque lieu une forme de Gouvernement, les Peuples jetterent d’abord leurs yeux sur les belles personnes, pource qu’elles frappent ordinairement avec esclat, l’imagination de ceux qui les considerent. Quand donc les Peuples estoient encores grossiers, et mal policez, ils déferoient la Couronne à la seule beauté corporelle, comme insensibles aux charmes de l’autre, ou plustost pource que la beauté de l’ame n’estoit pas encore en lustre, à cause de l’ignorance des hommes, et de leur raisonnement.
Premierement, pource que la famille estant une Communauté composée de plusieurs personnes, et la Republique une Communauté composée de beaucoup de familles, il faut necessairement conclure que ceste espece de Republique sera la meilleure, qui approchera le plus de l’ordre et de la liaison d’une famille, c’est à dire, celle dont les habitants se garderont plus de foy et de sincerité les uns aux autres. […] D’ailleurs, selon la maxime des Philosophes, une chose est maintenuë par les mesmes causes dont elle est produite, puis que la conservation est une maniere de seconde production ; Or le commencement ou la source des Republiques, c’est la sincerité d’autant que toutes les fois que deux ou trois mesnages s’assemblent en mesme lieu, et en mesme façon de vivre, il faut que ce soit, pource qu’ils se fient les uns aux autres, et qu’ils n’ont pas mauvaise opinion de ceux avec qui ils entrent en societe ; autrement ils se fuyroient comme ennemis, au lieu de se rechercher comme freres.
Cela procede, à mon advis, de ce que leur temperament estant tout à fait timide, ils ne regardent d’abord qu’à leur seureté, pource qu’ils ne se proposent jamais la crainte des perils. […] Mais elle a les bras liez, pource qu’estant logée en des corps foibles et timides, elle ne peut s’en ayder pour mettre en execution ses mauvais desseins. […] C’est cela mesme qui les rend querelleux en compagnie, pource qu’ils veulent imprimer une opinion de leur fierté, et prevenir les esprits des hommes avecque le son des paroles hardies, ce qu’ils ne font neantmoins que lors qu’ils se voyent en estat d’estre empeschez, ou separez, si d’avanture des outrages il en falloit venir aux mains.
A cela l’on peut adjouster, que par cét adveu contre son profit particulier, l’on ne fait tort ny à Dieu, ny aux hommes, ny à soy mesme : A Dieu, pource qu’en la distribution qu’il a faite des biens du monde, il ne nous a pas rendu possesseurs des nostres propres, à condition de les maintenir au peril mesme de nostre vie, qui est un bien infiniment plus cher qu’un heritage, ou une dignité, qui n’en sont que les accessoires. […] Mais quant à nos propres successions, il est permis à qui que ce soit d’y renoncer, plustost qu’à sa vie, voire mesme à sa seureté, pource qu’en cela il n’y a rien qui offence la majesté divine, non plus que les hommes, qui n’ont nulle part à ce qui nous appartient ; et pour ceste raison ne se peuvent plaindre, de quelque façon que nous en usions. […] Ce qui sera bien aisé à conclure, si nous considerons seulement, que le vray don est incapable de la contraincte, pource qu’il n’y a rien de si volontaire que ceste action, par laquelle on se dessaisit de ses propres commoditez, pour en obliger un autre, et cela seulement à condition de faire paroistre à nostre amy l’effect de nostre bien-veillance.
Les Loups sortirent incontinent, et sous pretexte qu’on leur avoit faussé la foy, et rompu la treve, ils se jetterent sur les pauvres Brebis, qu’ils mirent en pieces bien aisément, pource qu’elles n’avoient plus leur garde ordinaire. […] Car quiconque a conçeu une animosité sans sujet, est capable de la continuer long-temps, pource que c’est une espece de raison en une chose qui n’en a point, que de la poursuyvre pour cela seulement qu’on l’a commencée ; Et si au contraire il a eu sujet de nous hayr, nous ne l’avons pas de nous y fier beaucoup, à cause que nous l’avons aigry.
Elle voulut s’excuser alors, alleguant qu’elle estoit de ce genre d’animaux que la nature avoit destinez à vivre comme elle ; Surquoy le priant tres-instamment de la laisser, puis qu’aussi bien elle ne pouvoit luy faire beaucoup de mal ; « Tu t’abuses », luy respondit l’homme en soubs-riant ; « et c’est pour cela mesme que j’ay sujet de te vouloir tuer, pource qu’il ne faut offencer personne, ny peu, ny prou ». […] C’est pour quoy nous voyons tous les jours par épreuve, que les petits qui se treuvent coûpables servent d’exemple au reste du peuple, afin de le détourner des meschantes actions, pource qu’en leur mort il y a peu de gents interessez, et que l’execution de leur arrest est pour l’ordinaire de petite difficulté.
Un Veneur encourageoit son Chien à la chasse, mais c’estoit en vain, pource que la pesanteur de ses pieds tardifs ne luy permettoit pas d’aller viste. […] Les hommes ne peuvent doncques mieux faire que de s’appliquer au service d’un seul Dieu, qui n’est point inégal en ses affections, et qui nous donne plus de contentement en la vieillesse qu’aux autres âges, pource qu’en celuy-cy nous sommes plus à la veille de nous approcher de luy.
Cela ne procede que du peu de generosité des mal-faisants, qui pour assener leurs coups sans peril, cherchent d’ordinaire une foible et nuë simplicité ; pource que s’ils attaquoient des égaux en force et en resistance, ils courroient plus de la moitié de la fortune, et succumberoient possible sous la deffence de leurs ennemis. […] En un mot, qu’il jette les yeux sur la lascheté de son action, qui n’est digne d’aucune sorte de loüange, pource qu’elle ne contient aucune difficulté.
Le Coq paissoit un jour avec l’Asne, que le Lion attaqua, mais il s’enfuyt bien viste, pource qu’il ouyt le chant du Coq, qu’il abhorre naturellement. […] L’on en void tous les jours tant d’exemples, que je serois querelleux moy-mesme de les alleguer, pource que je choquerois plusieurs Fascheux, qui s’interesseroient dans ceste cause.
Or pource que plusieurs personnes en sont atteintes, il ne sera pas, ce me semble, hors de propos de leur choisir un conseil salutaire pour s’en délivrer. Ce qu’il faut faire en toutes façons, s’il est possible, à cause que ceste peine estant de la nature fort ennuyeuse, elle est en cela pire que toutes les autres, qu’elle ne peut servir de satisfaction à nos crimes, pource qu’elle en est elle-mesme un insupportable.
Je ne m’arresteray donc pas d’avantage sur ceste matiere, pource que je croirois estre ennuyeux au Lecteur, quand mesme j’alleguerois des choses tout à fait nouvelles et inouyes.
Ce fut en vain toutesfois, pource que Jupiter ne les voulut plus ouyr ; C’est pour cela qu’elles se plaignent encore aujourd’huy : car sur le soir quand la Cygogne se va coucher, elles se tirent du Marest, et par leurs coassements, murmurent je ne sçay quoy d’effroyable. […] En suitte de cela, ils degenererent pour la pluspart, et commencerent d’ordonner les choses, non pource qu’elles estoient bonnes, et honnestes, mais à cause que c’estoit leur volonté.
Il en est de mesme de moy », reprit Esope : « vous me traisnez injustement à la mort, mais cela vous coustera cher, pource que Babylone et toute la Grece me vangeront ». […] C’est de la mesme façon que je m’attriste, pource que ce ne sont pas des gens de courage et d’honneur qui me font mourir ; mais des hommes de peu, et qui ne peuvent estre pires qu’ils sont ». Cela dit, sur le poinct qu’ils le vouloient precipiter, il leur raconta ceste autre fable. « Il advint un jour, qu’un homme envoya sa femme aux champs, pource qu’estant amoureux de sa fille, il avoit envie d’en abuser, comme en effect il n’y manqua pas ; Et ce fut alors que ceste pauvre fille toute dolente se voyant prise par force ; “Helas !”
Ce procedé du Loup dépleut au Renard, qui bien fasché de n’estre venu à bout de ses intentions, s’addressa finement à un Berger, et luy conseilla de s’en aller à la taniere du Loup, l’asseurant qu’il luy seroit facile d’accabler cét ennemy, pource qu’il ne se doutoit de rien, et ne se tenoit point sur ses gardes. […] Elle naist en mesme temps que les plaisirs des autres, et se tourne en rage à mesure qu’ils prennent accroissement : mais elle ne cesse pas quand ils deviennent calamiteux, car nous avons tous-jours peur que ceux que nous envions ne se relevent apres leur cheute ; pource que cela se peut en effect, à cause des changemens ordinaires de la fortune. […] Les Tyrans de Sicile n’ont jamais inventé de tourments semblables à ceux qu’elle nous donne ; De sorte que le Poëte Martial en conseillant à ses Envieux de s’aller pendre, sembloit user d’un charitable advis envers eux, pource qu’il n’y a point de mort plus cruelle que la violence de ceste peste : Aussi a-t’elle tous-jours esté si fort en horreur aux honnestes gents, qu’à peine trouverons-nous un Autheur qui ne l’ayt peinte si odieuse, que Tisiphone mesme paroistroit aymable auprés d’elle.
Avecque cela, il estoit cause, que ce mesme Prince reçevoit de grands tributs, pource qu’il envoyoit à son nom plusieurs questions aux autres Roys, qui ne les pouvoient decider.
En ces extremitez ils se virent bien en peine, pource que le danger les enveloppoit devant et derriere.
Car l’entendement ne desire rien cognoistre que pource qu’il le croit vray ; et la volonté ne desire rien aymer, qu’à cause qu’elle le croit bon. […] Aymer plus les choses aymables, c’est l’exercice et la condition des gents de bien, d’autant qu’ils se portent aux bons objects, pour se transformer en eux, et pratiquent incessamment les actions de la Vertu, pource qu’elle est la meilleure de toutes les choses.
Car les hommes, au lieu de ne s’appliquer qu’à la juste loüange qui est deuë à l’action de mediocrité, pource que la Vertu ne consiste qu’en elle seule, ont outre passé le poinct du milieu, et sont venus à loüer l’extrême, non pas celuy qui demeure au deçà de la mediocrité, mais cét autre, qui s’estend au delà de ses limites. […] si ces choses nous arrivent à nous-mesmes, nous faisons gloire du souvenir de nos exploicts, comme le Chien que nous represente Esope en ceste Fable, qui se glorifioit du baston qu’on luy avoit attaché au col, pource qu’il estoit hargneux.
Or pource que c’est du Philosophe de rechercher la cause des choses, ce ne sera point mal à propos d’essayer à cognoistre celles de ceste inégalité : pour à quoy parvenir, il faut se remettre en memoire ce que dit le Poëte, Nous aspirons tous-jours aux choses deffenduës. […] Nous croyons que les Legislateurs, ou les Magistrats, nous en privent pour se le reserver, ou pource que la chose est si douce, qu’elle pourroit nous détracquer de l’amour de Dieu, et de la Patrie. […] Apres une Idole, il en adore une autre ; apres une fille il se rend esclave d’une femme mariée : puis il vient à cajoler la vefve, et il est à croire que s’il trouvoit une Androgine, elle n’échapperoit pas de ses soins, pource seulement qu’elle seroit à demy femme.
Les escoliers loüerent d’abord une si belle entrée de table, qui leur sembla fort propre à des Philosophes ; pource que c’est par le moyen de la langue qu’on exprime ses pensées.
Ayant jugé d’abord, que c’étoit là l’homme qu’il luy falloit, pource qu’il recognût à sa mine qu’il n’avoit point de soucy, ny beaucoup de sens, il s’en approcha le conviant à venir disner avecque son Maistre. […] Ce qu’il disoit exprés, pour ce qu’il s’imaginoit que ce lourdaut ne voudroit pour rien souffrir, qu’on s’abbaissast jusques là pour le servir, et qu’ainsi Esope meriteroit d’estre battu, pource que son homme se seroit mis dans le soing du compliment, et de la civilité.
Elle eust à peine proferé ces mots, que le Loup qui les ouyst, esperant de trouver quelque butin, s’approcha de la porte du logis ; Mais il fût contraint de s’en retourner au bois à jeun, pource qu’à la fin l’Enfant s’endormit. […] Ils font comme cét Avare dont parle nostre Esope en la septante-quatriesme Fable, qui outragea son Idole, pource qu’il n’en estoit pas satisfait.
Que si en cela mesme la necessité les contrainct de ceder à leur ennemy, en tel cas ils ont moyen de rencontrer une espece de seureté en leur méfiance, et en leurs soings continuels, voire mesme il y en a qui n’ont trouvé le moyen de leur conservation que dans leur propre foiblesse ; Témoins plusieurs petits Princes souverains, qui pour la consideration du peu de pouvoir qu’ils ont, s’attaquent aux plus grands Roys, pource qu’il leur est aisé de se donner, ou de se mettre en la protection de quelque tiers, égal à leur ennemy. […] Pour le premier, une ame foible en est beaucoup plus susceptible qu’un grand courage, pource qu’elle ne se propose pas si vigoureusement des remedes à ses maux.
Le lendemain, Esope eust commandement de son Maistre de s’en aller aux estuves, pour s’enquerir de quelqu’un s’il y avoit beaucoup de gents, pource que Xanthus se vouloit baigner.
Mais pour tout cela, il ne laissoit pas de l’incommoder, en luy resistant, pource qu’il luy couvroit la teste de poudre, et luy en remplissoit la bouche et les yeux.
Car bien que toutes nos adversitez soient dures à supporter, celle-là neantmoins l’est plus que les autres, qui nous vient par nostre imprudence, pource qu’avec l’amertume de sa douleur, elle nous cause encore celle de nostre repentir.
A tous ces termes de compliment, le Renard ne fit point d’autre response, sinon qu’il luy souhaittoit un recouvrement de santé, et que pour cét effet il prieroit les Dieux immortels ; Mais que pour le demeurant, il luy-estoit impossible de l’aller trouver, pource, disoit-il, que je ne puis voir qu’à regret les traces des animaux qui t’ont visité ; Car il ne s’y en remarque pas une qui soit tournée en arriere, et qui ne regarde ta caverne.
Esope se moque à bon droict en cette Fable, de ceux qui se veulent mesler d’un mestier qui ne leur est pas ordinaire, ny propre, et laissent pour cét effet leur vray et naturel exercice, chose, ce me semble, la plus digne de reprehension qu’on puisse faire, pource que, non seulement on hazarde en cela sa reputation, mais aussi on y ruyne ses affaires, et celles d’autruy ; ce qui ne peut proceder que d’une excessive vanité, joincte à une foiblesse d’esprit encore plus grande.
Il ne pensoit qu’à prolonger ceste derniere heure dans les débauches, au lieu que les Vertueux l’attendent impatiemment, pource qu’elle leur doibt estre une entrée à des felicitez perdurables.
Cela estant, et le Pere et la Mere sont doublement coûpables, quand ils donnent un mauvais exemple à leurs Enfans, pource qu’ils jettent alors les fondements de leur future ruyne, et pervertissent leur innocence en leurs plus tendres années, ce qui est une chose du tout barbare et dénaturée.
De pareille nature sont encore ceux qui voyant leurs Amis malades à l’extremité, n’osent toutesfois leur parler de confession, pource, disent-ils, que la peur redouble l’accez du mal, et que c’est les hazarder que de leur nommer le nom d’un Prestre.
Si donc ceste experience est visible, et au temperamment de nos personnes, et en la nature du feu, n’aurons-nous pas raison de dire aussi, qu’il en arrive de mesme en la vengeance des animaux, à sçavoir que le sang leur boüillant autour du cœur par le moyen de la colere, ne s’aigrit pas si aisément pour une petite resistance, que pour une grande, ny ne desploye pas toutes ses forces naturelles contre un petit object, voire mesme le laisse aller bien souvent sans le toucher, pource qu’une si chetive presence n’est pas assez forte sur sa fantasie, pour l’esmouvoir à courroux. […] Cela se fait donc, à mon advis, par la naturelle amour que nous portons à la gloire, qui nous empesche de nous arrester à des actions faciles et ravalées, pource que la vraye nature de la gloire consiste en la difficulté.
La Main les voulut doncques servir alors, mais ce fut trop tard pource que le Ventre affoibly pour avoir esté trop long-temps vuide, n’eust pas moyen de faire sa fonction, et rejetta la viande.
Cela dit, il courut prendre de l’eau tiede, qu’il beut devant tous : puis s’estant mis les doigts dans la bouche, pour se faire vomir, il ne rendit seulement que l’eau, pource qu’il n’avoit rien mangé tout ce jour là.
Mais apres qu’ils furent arrivez au logis où ils devoient disner, et qu’on eust commandé au subtil Esope de distribuër à châcun sa portion de pain, ils en mangerent beaucoup, pource qu’ils estoient plusieurs de compagnie, et ainsi sa corbeille demeura à demy vuide.
Aussi tost que Lycerus eust leu ces lettres, elles l’attristerent extrémement, pource qu’il n’y avoit pas un de ses amis qui fust capable d’entendre la question de la Tour.
Le pays de Chile, des Sauvages, de la Floride, et des Patagons, n’a point esté déchiré de troubles, pource qu’ils n’estoient point opulents ; ils doivent leur salut à leur pauvreté, et n’ont point eu d’autre conservatrice qu’elle.
Il est le Roy de son Village, sans que personne l’envie, pource qu’il n’est pas orgueilleux, et qu’il n’a point d’autre estude, que de bien faire à ses voisins. […] Cela fait bien voir que toute sorte d’incertitude estant ennuyeuse, il n’y a point de plaisir qu’elle ne corrompe, pource qu’elle est mere de la deffiance.
Il ne faut donc pas t’estonner si elle nourrit, comme une chose legitime, ce qui est sien, et si l’entretenant mieux, elle ne donne pas tant d’aliment aux plantes que tu prends la peine de cultiver, pource qu’elle les tient pour bastardes ».
» « Nenny », respondit Esope, « pource qu’il me seroit mal-seant de faire autre chose que ton commandement, Tu ne m’as point dit, mets de l’eau dans le bassin, lave mes pieds, apporte mes pantoufles, et ainsi du reste, si bien que je ne suis point à blâmer, ce me semble ».
Car tous les hommes qui ont fait estat de nous, pendant la verdeur de nostre âge, et l’utilité de nos services, nous quittent là froidement quand nous sommes vieux, pource que nous ne pouvons plus rien contribuër à leur bonne fortune.
Il semble que nous soyons comme les Icteriques, à qui tous les objects semblent jaunes, pource qu’ils ont une jaunisse épanduë dans la prunelle de l’œil.
Cela fit que les Samiens, non moins espouvantez de cét évenement, qu’ils en furent attristez, s’assemblerent tous en un certain lieu, et prierent Xanthus, pource qu’il estoit le premier de la ville, et avec cela Philosophe, de leur expliquer ce que signifioit un si merveilleux prodige ; Mais Xanthus aussi empesché qu’eux de leur en rendre raison, leur demanda terme pour y respondre. […] S’estant mis alors à parler plus hardiment, « Messieurs », leur dit-il, « pource que la fortune, qui ayme les divisions a proposé un prix de gloire au Maistre et au Valet, quand il arrive que ce dernier est moindre que l’autre, il n’en remporte que des coups ; Que s’il est trouvé plus excellent, cela n’empesche pas qu’il ne soit encore tres-bien battu : De ceste façon, quoy qu’il en advienne, à droit ou à tort, le Maistre est tousjours oppressé.
L’Avare fût long temps irresolu, pource qu’il ne croyoit-pas qu’on luy en pût jamais assez donner. […] C’est à cause de cela qu’Aristote dit, que les Vieillards sont d’ordinaire plus avares que les autres, pource qu’ils ont le sang tout glacé de craincte, et le cœur abattu par l’impuissance d’acquerir. […] Il leur déplaist d’estre vieux, pource que cela leur oste le moyen de retourner à leurs courses. […] Les Princes mesme combien ont-ils de Ministres et d’Officiers, qui n’ayant pour but que leur interest propre, tiennent pour indifferent celuy de leur Maistre, et font leurs delices de la substance et du sang des pauvres sujets ; En cela mille fois plus inhumains que les Cannibales, pource que leur ardente Avarice les aveugle de telle sorte, qu’il semble à leur imagination que la richesse doive estre plus pretieuse à l’homme que la vie. […] S’il est à nous, peut-estre qu’il ne nous succedera point, pource que la mort, la confiscation, ou les procez, ne seront que trop capables de luy oster cét advantage.
Certes, si cette bonne fortune fust arrivée à un Lapidaire, il en seroit plus joyeux, pource qu’il en sçauroit bien le prix ; Mais pour moy, à qui cela n’est nullement propre, je l’estime si peu, que j’aymerois mieux un seul grain d’orge, que toute la pierrerie du monde ».
Mais quant aux autres, nous ne sçaurions jamais estre, ny trop couverts, ny trop retenus, pource qu’il est veritable, « Que le cœur du Meschant vueille incessamment pour nous surprendre ».
Je vous les dedie, MONSIEUR, pour y estre porté naturellement par la grande inclination que j’ay à vostre service, et pareillement pource qu’elles tireront leur plus beau lustre de celuy de vostre Nom.
Le Lion s’en alla trouver le Cheval, à dessein de le manger ; Mais pource qu’il n’en pouvoit pas venir à bout si facilement, à cause que la vieillesse avoit beaucoup diminué de ses forces, il s’advisa d’un plaisant moyen pour executer son entreprise.
Elle cependant se retira honteuse et faschée ensemble, de se voir ainsi trompée ; Toutesfois pour en avoir sa revenche, elle retourna quelques jours apres, et convia son hoste à disner : Elle luy servit donc quantité de bonnes viandes dans un grand bocal de verre ; Mais pource que l’entrée estoit fort estroicte, le Renard en eust seulement la veuë, et n’en peût jamais gouster : comme au contraire, il fut bien aisé à la Cigongne de tout manger.
Si quelqu’un nous abandonne pendant nostre querelle, il le fait, sans doute, pource que la cause de nostre Ennemy luy semble plus juste, ou plus asseurée que la sienne.
Car s’ils sont veritablement gents de probité, il faut de necessité conclure, qu’il n’y a rien qui leur soit plus insupportable que la praticque des meschants, tant pource que les contraires ont tous accoustumé de se fuyr naturellement, qu’à cause qu’ils se fortifient à cela par une reflexion continuelle, et s’estudient à prendre le vice en horreur, avec des raisons que la bonne conscience leur inspire secrettement.
De maniere que non seulement son defaut luy fut avantageux, mais encore tres-honorable, pource qu’il cognoissoit l’advenir et le passé, tenant en cela de la Nature Divine, au lieu qu’il ne tenoit auparavant que de l’humaine.
Car à foüiller dans l’obscurité des affaires, il n’y a point d’homme si aveugle à qui l’on oppose une finesse, qui ne trouve presque tous-jours le moyen de s’échapper par une autre ; Et cela, comme nous avons dit en quelque autre endroict, pource que toutes propositions ont deux faces.
L’un monta promptement sur un arbre, pour éviter le danger, et l’autre se jetta par terre, pource qu’il se vid sans esperance de se pouvoir sauver à la fuitte.
Ce qui se prouve premierement, pource que comme elle-mesme ne nous a donné aucun desir, sans nous ouvrir le chemin à son effect, ainsi il n’y a point d’apparence qu’elle nous ait rendu tres-habiles en un effect, sans nous y convier par le desir, et par l’inclination.
Or de toutes les Vertus, ce n’est pas la moindre que la Clemence, ou la Misericorde envers les foibles, tant pource qu’elle est meslée de Generosité, qu’à cause qu’elle appartient à la Justice.
Mais c’est à quoy je ne suis pas d’advis de m’arrester, pource que cela n’est ny à propos, ny de mon institution.
Ils s’entretenoient ensemble de tels discours en s’en allant au logis, où apres qu’ils furent arrivez, Xanthus voulut qu’Esope demeurât devant la porte, pource, disoit il, qu’il sçavoit que sa femme se picquoit un peu de gentillesse, et qu’il ne falloit pas luy presenter un object si difforme, sans l’avoir prevenüe par quelque bon mot.
La pauvreté ne leur sembla point nouvelle en leurs vieux jours : ils se l’étoient renduë trop familiere, pour en estre incommodez, et la fin de leur âge ne leur fût point si fascheuse, que l’on pourroit se l’imaginer, pource qu’elle ne leur apporta que des rides, et des cheveux blancs.
Premierement, il est tres-certain que les mignotises des Meres affoiblissent la complexion de leurs enfants, pource qu’elles ne les accoustument pas de bonne heure aux choses, où, comme dit Cardan au Livre de la Sagesse, il les faut impunément exposer, qui sont le vent, la pluye, le serain, la nourriture sans choix, et telles autres injures de la vie, contre lesquelles les soings trop particuliers que l’on prend à nous deffendre, nous rendent eux-mesmes sans deffense.
Mais si c’estoit là son intention, je ne serois pas d’accord avecque luy ; Car j’estime tout au contraire, que s’il faut manquer de parole à l’un des deux, à sçavoir à l’homme de bien, ou au meschant, il est presque plus à propos que ce soit au premier, pource qu’il tire de si grandes satisfactions de sa propre vertu, qu’il luy est aisé de prendre patience en toute sorte d’accidents, voire mesme de trouver des delices en sa mauvaise fortune.
Ce qui arrive non seulement aux Chrestiens, mais encore à ceux des autres Religions, pource qu’elles promettent toutes des felicitez ou des supplices apres ceste vie.
Or cela ne se peut pas dire des richesses, qui sont le sujet de ce Discours, pource que la jouyssance en est materielle, et partant, selon nostre opinion, l’excez en peut estre vicieux.
Est ce qu’elle peut estre acquise avec certitude, pource qu’elle est compagne de la Vertu ?
S’il y en a une, elle ne peut estre que la raison : De ceste façon, ou il sera le mesme qu’eux, ou il en sera distingué, pource qu’il est raisonnable.
Préface de la première édition Je me propose de publier, en faisant précéder les textes de leur histoire et de leur critique, tout ce qui reste des œuvres des fabulistes latins antérieurs à la Renaissance. C’est une vaste tâche que personne encore ne s’est imposée, et qui, je le crains du moins, m’expose à être un peu soupçonné de présomption. Pour me prémunir contre un pareil soupçon, je désire expliquer comment j’ai été conduit à l’assumer. De tous les auteurs anciens qui guident les premiers pas de l’enfant dans l’étude de la langue latine, Phèdre est celui qui lui laisse les plus agréables souvenirs. Ses fables sont courtes, faciles à comprendre et intéressantes par l’action qui en quelques vers s’y déroule.