A quoy principalement ont accoustumé d’avoir esgard tous les Poëtes, qui traittent de matieres Comiques, ou qui tiennent du Tragique, ou mesme de l’Epique. Or bien qu’il y ait plusieurs ressemblances, et conformitez d’où l’on peut tirer le sujet des fables ; Il me semble neantmoins qu’il s’en trouve trois principales, dont la premiere consiste en operations, qui ne sont pas naturelles ; comme on pourroit dire de la ressemblance de l’homme à la Chimere, non pas touchant la figure exterieure, mais quant aux operations representées par ce monstre imaginaire, dont le devant tient du Lyon, le milieu de la Chevre, et le derriere du Dragon ; par où il nous est enseigné, que la pluspart du temps les hommes se laissent conduire ou par l’apetit irascible, ou par le Concupiscible, ou par leur propre fantaisie, et leur imprudence. […] Telle est la fable de Prothée Dieu marin, par les transformations duquel nous est figurée la matiere premiere, qui se change d’une forme en l’autre, ainsi que l’expliquent presque tous les Philosophes ; Il est vray qu’à le prendre moralement cela peut s’entendre des hommes, qui tiennent de la Divinité, et qui neantmoins se changent, par maniere de dire, en bestes irraisonnables et en pierres mesme, toutes les fois qu’ils se laissent emporter à leurs passions brutales, et qu’insensibles à leur devoir, ils negligent ingratement le culte de leur Createur. […] Que s’il y a quelque chose à blasmer en la pluspart des fictions Poëtiques, c’est à mon advis quand il arriue que ceux qui en sont les Autheurs, inventent des Fables, qui à le prendre à la lettre, tiennent du des-honneste, et de l’impie mesme ; A cause de quoy le divin Platon les bannit entierement de sa Republique, comme contraires à la pieté et aux bonnes mœurs, combien que d’ailleurs il les estime grandement, pour la gentillesse de leurs inventions.
» Il ne faut pas nous affliger des accidents qui nous surviennent : ce qu’on ne tient pas de sa nature dès sa naissance, on ne saurait le garder : nus nous sommes venus, nus nous partirons.
Pour cela mesme ils luy donnent la Lune pour modelle, et veulent qu’elle en tienne plus que d’aucun Astre. […] Tels et semblables sont les discours qu’on a tenus contre les femmes, et que l’on tient encore aujourd’huy, sur le débris de leur affection, ou sur la dureté de leur resistance.
Frappé et encorné par elles, il leur dit : « Si j’endure vos coups, ce n’est pas que j’aie peur de vous, mais je crains celui qui se tient à l’entrée de la caverne. » C’est ainsi que souvent la crainte d’un plus fort nous fait supporter les outrages d’un moins fort que nous.
C’est donc quelqu’un des tiens : Car vous ne m’épargnez guéres, Vous, vos bergers, et vos chiens.
Il n’est teste chauve qui tienne ; Je vous suis obligé, Belles, de la leçon.
Li aigles ad mut grant desirer de la welke qu’il tient manger ; haut la porte, cheïr la leit.
Alors, incapable de se tenir, en voyant l’escarbot voltiger autour de sa litière, le renard sauta dehors, et, au mépris de toute convenance, il essaya de l’attraper.
L’Arbre tient bon, le Roseau plie ; Le vent redouble ses efforts, Et fait si bien qu’il déracine Celuy de qui la teste au Ciel estoit voisine, Et dont les pieds touchoient à l’Empire des Morts.
Le loup, pensant tenir l’occasion, se jeta sur le troupeau et en mit en pièces la plus grande partie.
Le bon Sire le souffre, et se tient toûjours coy.
Luy cependant méprise une telle victoire, Tient la gageure à peu de gloire ; Croit qu’il y va de son honneur De partir tard.
Si jeo t’en oi ja mes parler, tenir te purras pur bricun : jeo te baterai od mun bastun !
Comme les passants se prosternaient devant la statue, l’âne, s’imaginant que c’était lui qu’on adorait, ne se tint plus d’orgueil ; il se mit à braire et il refusa d’avancer.
Oüy, dit l’autre, on m’y connoist fort, S’il vous y survient quelque affaire Employez-moy ; car mes parens Y tiennent tous les premiers rangs ; Un mien cousin est Juge-Maire.
Pur fol se tient que a lui ne veit ne que od sa voiz ne crie e breit cum fet li chiens sur le seignur.
Mais pour tout cela le Loup ne laissant pas de crier plus fort ; « En vain », luy dit-il, « tu me fais toutes ces belles excuses : c’est ta coustume de m’estre nuisible ; ce mal là te vient de race, car tes pere et mere, et tous les tiens generallement, me hayssent au mourir. […] Or quoy que le procedé que tiennent ordinairement ceux qui veullent accabler l’Innocence, soit en tout temps des-agreable à Dieu et aux hommes ; si est-ce que les plus artificieux ont accoustumé de le colorer d’un faux pretexte de justice, imitant le Loup de ceste Fable, qui imposoit au malheureux Aigneau d’avoir troublé l’eau de la riviere pendant qu’il beuvoit, quoy que la delicate bouche de cét animal ne peut faire beaucoup d’agitation, eu égard à la distance qui estoit entre l’un et l’autre.
L’on prit donc jour pour le payement, qui fût à peine venu, que le Cerf en advertit la Brebis : mais elle nia la debte, et luy dit, que si elle luy avoit promis quelque chose, elle l’avoit fait de peur du Loup, adjoustant à cela, qu’on n’estoit pas obligé de tenir promesse à ceux qui l’avoient exigée par la force. […] Pour le premier poinct à sçavoir que ce n’est pas un crime d’y consentir, il suffit de s’en tenir à la loy naturelle, qui porte tout le monde à sa propre conservation, non seulement au pris de dire un mensonge, mais encore de faire un homicide, ou quelque action plus tragique et plus extraordinaire.
» C’est ainsi que certains hommes, qui se tiennent en garde contre leurs ennemis, tombent, sans qu’ils s’en doutent, sur des amis beaucoup plus dangereux que leurs ennemis.
Le Loup donc l’aborde humblement, Entre en propos, et luy fait compliment Sur son embonpoint qu’il admire : Il ne tiendra qu’à vous, beau Sire, D’estre aussi gras que moy, luy repartit le Chien.
Celuy-cy, dit le Vent, prétend avoir pourvû A tous les accidens ; mais il n’a pas préveu Que je sçauray souffler de sorte, Qu’il n’est bouton qui tienne : il faudra, si je veux, Que le manteau s’en aille au Diable.
Del bugle ot fet sun senescal que a pruz le tient e leal ; al lu bailla sa pruvosté.
» Issi avient plusurs le funt de [lur] bon seignur, quant il l’unt : tuz jurs le veulent defuler ne li seivent honur garder ; s’il nes tient aukes en destreit, ne f[e]runt pur lui tort ne dreit.
Mut par l’en tient a orguillus ; en sun quor fu mut envïus.
Le boucher s’étant retourné et le voyant fuir, s’écria : « Toi, sache bien que, partout où tu seras, je te tiendrai à l’œil : car ce n’est pas à moi que tu as pris le cœur, bien au contraire tu m’en as donné. » Cette fable montre que souvent les accidents sont des enseignements pour les hommes.
Un peu apres Xanthus voulant donner à disner à ses escoliers, fist venir Esope, et luy commanda qu’il eust à tenir prest le festin.
Ce fut en ce mesme temps qu’Esope composa ses Fables, qu’il laissa au Roy Cresus, et tient on qu’elles se monstrent encore aujourd’huy en sa Royale Maison de Lydie.
Car comme le diable, qui est leur Prince, se déguise quelquesfois en Ange de lumiere, pour seduire les hommes, il arrive tout de mesme que les meschans se couvrent d’une fausse contrition de leurs malices, et témoignent un feinct repentir, pour r’atrapper dans leurs pieges ceux qu’ils y ont une fois tenus.
L’arbre tombant ils seront devorez : Qu’ils s’en tiennent pour assurez.
Ne tient-il qu’à cela ?
C’est qu’il te faut tenir debout, et t’appuyer contre le mur de tes deux pieds de devant ; puis joignant le menton à la poitrine, tu baisseras un peu tes cornes, où je monteray le long de ton eschine, et ainsi m’estant sauvé, je te mettray dehors par apres ». […] Il y en a de sages et de bien considerez, de ceux-là mesmes que nous tenons pour grands Personnages, et à qui l’âge doit avoir meury le jugement par dessus la jeunesse.
Car s’ils eussent veritablement tenu leurs Jupiters et leurs Mercures aussi puissans qu’on nous le fait accroire, comment se seroient-ils resolus de les traicter avecque tant de mépris ? […] Au reste, les Sages ne sont pas tous-jours d’humeur d’acquerir des biens perissables ; leur ordinaire est de les mespriser bien fort, et se tenir au dessus de ceste basse occupation.
Je sçay que c’est une chose ordinairement praticquée parmy les Juges, de les tenir pour Coûpables, et par consequent de leur faire presque tous-jours leur procez comme aux Criminels. […] Ceste patience ne tient-elle pas de la bassesse ?
Tout en rendant l’âme, elle se dit à elle-même : « Vraiment je suis bien malheureuse ; je surveillais la terre que je croyais pleine d’embûches, et la mer, où je comptais trouver un refuge, m’a été beaucoup plus funeste. » C’est ainsi que souvent notre attente est trompée : les choses qui nous semblaient fâcheuses tournent à notre avantage, et celles que nous tenions pour salutaires se montrent préjudiciables.
Il avait espéré trouver la richesse d’un seul coup, et il s’était privé même du petit profit qu’il tenait.
Tenez donc ; voicy deux buchetes ; Accommodez-vous, ou tirez.
Amour, amour, quand tu nous tiens, On peut bien dire, Adieu prudence.
A ses costez sa femme Lui crioit : Attends-moy, je te suis ; et mon ame, Aussi-bien que la tienne, est preste à s’envoler.
Les serganz saillirent aprés, aval l’ewe curent adés pur li tenir, que ele ne passast e que li floz ne l’en* portast.
Mais ces autres qui sont veritablement sages et genereux, se tiennent au dessus de cette methode, et mettant la vraye addresse en une discrette sincerité, ils en usent accortement, et y convient tout le monde par leur exemple. […] Les Scythes qui suivent la loy naturelle, et tiennent une sorte de gouvernement eslogné de toute ruse et supercherie, n’ont jamais pû estre surmontez, ny par Cyrus, ny par le grand Roy Alexandre.
Ayant aperçu son ombre dans l’eau, il crut que c’était un autre chien qui tenait un morceau de viande plus gros.
Ceux qui semblent légiférer selon la justice ne s’en tiennent pas eux-mêmes aux lois qu’ils établissent et décrètent.
. – Va te promener, ma belle dame ; il n’y a pas de comparaison à faire entre nous ; ma voix n’agace pas les maîtres comme la tienne. » Cette fable convient aux critiques malveillants toujours prêts à jeter le blâme sur les autres.
Mais je veux que ce soit une amitié de dépendance, où l’un des partis tienne quelque maniere de prerogative, ou de superiorité sur l’autre, comme celle du Souverain envers son Favory, du pere et du fils, du Seigneur et du sujet ; il faudra neantmoins qu’elle les semble égaler par le poinct où ils s’entr’ayment.
Cessez donc de tenir un langage si vain : N’ayez plus ces hautes pensées : Les Moûches de Cour sont chassées : Les Moûcharts sont pendus : et vous mourrez de faim, De froid, de langueur, de misere, Quand Phœbus regnera sur un autre hemisphere.
Un renard, l’ayant aperçu, lui dit : « Ce n’est pas à celui-ci qu’il faut le donner, mais à ton premier maître ; le deuxième en effet est naturellement bon ; tâche plutôt de te faire bien venir de l’autre, de peur qu’il ne te reprenne et ne t’arrache les ailes. » Cette fable montre qu’il faut généreusement payer de retour ses bienfaiteurs, et tenir prudemment les méchants à l’écart.
Cette fable montre qu’il ne faut pas s’en tenir toujours aux mêmes moyens, mais songer qu’en s’accomodant aux circonstances, on échappe souvent au danger.
. – Non pas les tiennes, mon petit, dit la mère, mais celles que tu as mangées. » Cette fable s’adresse au débiteur, qui est toujours prêt à prendre le bien d’autrui ; vient-on à le lui réclamer, il s’en afflige autant que s’il payait de son bien propre.
Je ne la tiens pas legitime, Ni d’une assez grande vertu.
Eslisent tel ki seit vaillant, pruz e sagë e enpernant ; reis deit estre mut dreiturers, en justise redz e fiers. » A cel cunseil se sunt tenu, e si unt esgardé e veü que de l’egle ferunt [lur] rei ; e si vus sai bien dire pur quei : li egles ad bele grandur, si est asez de grant valur ; mut est sobres e atemprez : si une feiz est bien saülez ; bien repot j[e]uner aprés, qu’il n’est de preie trpo engrés.
Celui-ci, se retournant, dit au chevreau : « C’est bien fait pour moi ; car, étant boucher, ce n’était pas à moi à faire le flûtiste. » Ainsi quand on fait quelque chose sans avoir égard aux circonstances, on se voit enlever même ce qu’on tient dans la main.
De là vient cét endurcissement d’esprit, qui nous fait tenir pour suspects nos meilleurs amis, jusques à les accuser de perfidie, combien qu’ils ne soient guidez que du veritable zele de nous servir.
L’épervier répliqua : « Mais je serais stupide, si je lâchais la pâture que je tiens pour courir après ce qui n’est pas encore en vue. » Cette fable montre que chez les hommes aussi, ceux-là sont déraisonnables qui dans l’espérance de plus grands biens laissent échapper ceux qu’ils ont dans la main.
» Cette fable montre que les hommes font facilement des promesses qu’ils n’ont pas l’intention de tenir effectivement.
cette corneille jure par le ciel et la terre qu’il ne tient qu’à toi que je recouvre mes bœufs. » On pourrait appliquer cette fable à un voleur.
Quelques jours apres, Xanthus ayant derechef invité à disner des Orateurs, et des Philosophes, commanda à Esope de se tenir à la porte, et de ne laisser entrer que les Doctes.
Le superbe Roy des animaux trouve mauvais qu’il ne le vienne point voir, et le convie à cela fort courtoisement ; mais luy s’excuse fort à propos sur la trace des autres bestes, nous enseignant à tenir tous-jours en haleine nostre conjecture, en matiere d’occasions suspectes de tromperie.
Le Coq luy promit tous les deux, bien que toutesfois il ne fût nullement en volonté de luy tenir sa promesse.
Leur fin, comme toute pure et celeste, ne tient rien des songes et des chimeres de ceste vie.
Ils vous tiennent noircis de tous les vices du monde, si vous ne possedez hautement la bonne volonté d’un homme, et encore d’un homme bien souvent imparfaict, et mal conseillé.
Le Plongeon depuis ce temps-là se tient toujours au bord de la Mer, en attendant qu’elle jette hors son or en quelque endroict du rivage ; La Chauve-souris ne se montre que de nuict, de peur de ses Creanciers ; Et le Buisson s’attache aux robbes des Passants, pour voir s’il ne reconnoistra point la sienne.
Je reviens à mon texte, et dis premierement Qu’on ne sçauroit manquer de loüer largement Les Dieux et leurs pareils : de plus, que Melpomene Souvent, sans déroger, trafique de sa peine : Enfin qu’on doit tenir nostre art en quelque prix.