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5. (1692) Fables choisies, mises en vers « A monseigneur, le dauphin. »

Illustre Rejetton d’un Prince aimé des Cieux, Sur qui le Monde entier a maintenant les yeux, Et qui faisant fléchir les plus superbes Testes, Comptera desormais ses jours par ses conquestes : Quelqu’autre te dira d’une plus forte voix Les faits de tes Ayeux et les vertus des Rois.

6. (1660) Les Fables d’Esope Phrygien « LES FABLES D’ESOPE PHRYGIEN. — FABLE XXXII. De la Mouche, et du Chariot. »

Croy-moy, ne t’amuse pas à ce qui suit la Vertu, mais desrobe la Vertu mesme. […] C’est le vray moyen de participer à l’estime d’un autre, que de prendre part à sa Vertu, autrement toute l’entreprise que l’on sçauroit faire pour devenir considerable, ne tourne qu’à honte et à confusion.

7. (1660) Les Fables d’Esope Phrygien « LES FABLES D’ESOPE PHRYGIEN. — FABLE XC. De deux Chiens. »

Luy cependant s’alla imaginer que ce baston luy estoit comme une marque d’honneur, et une recompense deuë à sa vertu. […] Car les hommes, au lieu de ne s’appliquer qu’à la juste loüange qui est deuë à l’action de mediocrité, pource que la Vertu ne consiste qu’en elle seule, ont outre passé le poinct du milieu, et sont venus à loüer l’extrême, non pas celuy qui demeure au deçà de la mediocrité, mais cét autre, qui s’estend au delà de ses limites. […] Car nous avons fait consister la loüange en l’excez, et non pas en la justesse, appellant loüable ce qui ne l’est nullement, et qui tient beaucoup moins de la Vertu que du Vice.

8. (1660) Les Fables d’Esope Phrygien « LES FABLES D’ESOPE PHRYGIEN. — FABLE XCII. De deux Amis, et de l’Ours. »

Ces marques neantmoins sont celles d’une parfaite Vertu, et d’une affection inviolable. […] Car la vraye amitié estant fondée sur la Vertu, comme dit le Prince des Philosophes moraux, et la Vertu estant eslevée au dessus des afflictions, il faut de necessité que le bon Amy les méprise pour l’interest de celuy qu’il ayme.

9. (1660) Les Fables d’Esope Phrygien « LES FABLES D’ESOPE PHRYGIEN. — FABLE LXXII. Du Chat, et du Coq. »

Cela procede en effect, de ce que toute Vertu a tous-jours deux Vices qui la costoyent, si bien qu’estant assise entre l’un et l’autre, elle donne moyen aux meschants, ou de luy imposer le nom des Vices, ou de leur donner le sien propre, pour colorer une meschante action. […] Aussi est-ce devant elle que les Puissants sont foibles, et mal armez, que les Malings ne produisent aucuns faux tesmoins : que les Nobles n’alleguent point d’alliance, que les Innocents ne craignent plus d’oppression, que les Vertueux pretendent des recompenses, et devant qui finallement la difference des hommes ne se fait que par les Vertus, ou par les Vices qu’ils ont acquis.

10. (1660) Les Fables d’Esope Phrygien « LES FABLES D’ESOPE PHRYGIEN. — FABLE XCVI. Du Paon, et de la Gruë. »

Je pense qu’il y a deux ou trois Fables dans ce livre, qui contiennent le mesme sens de celle-cy, à sçavoir que la Nature a doüé châque animal de quelque vertu, capable de rendre tout le monde satisfaict, et cela avec tant de justesse et de proportion, que nul n’est mécontent de son partage. […] Que si quelqu’un n’est pourveu de ces Vertus, que l’on appelle éminentes, il n’est pas incompatible que pour recompense il ne possede les plus solides ; qui sont la tranquilité de l’esprit, la constance, la moderation, et la modestie.

11. (1660) Les Fables d’Esope Phrygien « LES FABLES D’ESOPE PHRYGIEN. — FABLE XCIX. Du Sapin, et du Buisson. »

Que si l’on m’objecte qu’il y a certaines qualitez, dont il est impossible d’estre pourveu avecque trop d’avantage ; à cela je respondray, que quand j’ay voulu loüer les Establissemens mediocres, je n’ay pas entendu parler des Vertus intellectuelles, comme peuvent estre la Sagesse, la Prudence, le Sçavoir, et la Religion, desquelles j’advouë, avec Aristote, qu’on ne sçauroit jamais avoir une trop ample possession, veu l’excellence de leur nature. […] Quel moyen y a-t’il donc de se tenir ferme dans la Vertu, et d’avoir un milieu presque asseuré de praticquer si delicieusement le Vice ? […] Avec tant d’appas qui portent au Vice, de quelle extraordinaire vertu faut-il estre doüé pour s’en abstenir ? […] Au contraire les Souverains mediocrement riches, comme les Roys de Sparthe, et les premiers de toutes les Monarchies ont eu d’ordinaire plus de Vertu, et mieux merité l’amour des Peuples, joincte à l’estime des Sages. Que si maintenant l’on considere les riches comme Particuliers, il se trouvera qu’un Crassus, un Apicius, un Cabrias, et autres semblables, ont esté presque tous débordez en leurs mœurs, et en leur insatiable convoitise ; Au lieu qu’Epaminondas, Phocion, Aristides, Fabricius, Cincinnatus, Fabius Maximus, et les plus grands Emulateurs de leur Vertu, n’avoient presque pas dequoy s’entretenir.

12. (1300) Fables anonymes grecques attribuées à Ésope (Ier-XIVe s.) « Chambry 64 » p. 38

» Ainsi les méchants ont beau faire profession de vertu : leur caractère empêche de les croire.

13. (1180) Fables « Marie de France, n° 52. Le dragon et l’homme » p. 663

E li vileins li demanda pur quei li cumandot einsi ; e li draguns li respundi que dedenz l’of ot enbatu trestut sa force e sa vertu ; tost sereit mort, s’il fust brusez.

14. (1300) Fables anonymes grecques attribuées à Ésope (Ier-XIVe s.) « Chambry 187 » pp. 332-332

Ce n’est point à cause de ta vertu que tu portes cette sonnette, mais bien pour dénoncer ta méchanceté cachée. » Les manières glorieuses des fanfarons laissent voir visiblement leur méchanceté secrète.

15. (1660) Les Fables d’Esope Phrygien « LES FABLES D’ESOPE PHRYGIEN. — FABLE LXII. De la Brebis, et de la Corneille. »

D’ailleurs, quelqu’un de ces gents-là peut raisonner de ceste sorte et raisonner veritablement. « Si Dieu m’a voulu faire tant de bien, à moy qui suis sans merite et sans vertu, que de m’eslever à la grandeur et au commandement sur les autres, n’est-il pas juste que le les traitte avecque douceur, et sans user envers eux d’aucune inhumanité ?  […] Car ce ne sont pas les grandeurs de la terre qui establissent nostre condition devant Dieu, mais plustost c’est la seule vertu ; et celuy-là est le plus considerable en sa Cour, qui est le moins vicieux.

16. (1660) Les Fables d’Esope Phrygien « LES FABLES D’ESOPE PHRYGIEN. — FABLE LXXXVIII. De l’Asne vestu de la peau du Lion. »

Il en prend de mesme qu’à toy à tous ces Presomptueux, qui entreprennent de se déguiser, et de passer long-temps pour plus éminents en fortune et en Vertu, qu’ils ne sont effectivement. […] Le seul Hypocrite, qui cache la malice et l’impieté sous le voile d’une fausse devotion, est capable de tenir les personnes plus long temps abusées, à cause que l’exercice de la Vertu n’est pas sujet à la censure des hommes, mais à celle de Dieu : Son espreuve se fait au Ciel, et non pas en terre.

17. (1180) Fables « Marie de France, n° 35. L’âne et le lion » p. 151

» Li lïuns li ad respundu : « Ceo n’est mie pur ta vertu ne pur fierté k[e]’ en tei as, mes pur le cri que tu crias, que tant lur semble espoëntable que tuz te tienent pur deable. » Si est de l’orguillus felun, que par manace e par tençun e espoënte la fole gent e quide bien a escïent que nuls nel deie cuntrester des qu’i l’orrunt en haut parler.

18. (1660) Les Fables d’Esope Phrygien « LES FABLES D’ESOPE PHRYGIEN. — FABLE CXVII. Du Liévre, et de la Tortuë. »

Aussi ne douté-je point que par la Tortuë on ne puisse entendre un esprit tardif, bien que vigilant ; par le Liévre, un courage prompt, mais mal-advisé ; et par le Renard un homme accort et ingenieux, qui ne juge que de ce qu’il voit, sans s’arrester à la vaine monstre des Presomptueux, ny à la trop bonne opinion qu’ils ont ordinairement de leur Vertu pretenduë. […] Quant au second, je n’en veux point d’autre preuve que celle de ce prodigieux Milon de Crotone, que l’on tient avoir couru une stade entiere aux jeux Olympiques, portant sur ses espaules un Bœuf, qu’il tua d’un coup de poing, apres l’avoir déchargé ; Ce qui fut asseurément un pur effet de l’exercice et de l’habitude, par qui la Vertu cultivée, a de tout temps rendu merveilleuses, et comme incroyables, les actions des hommes extraordinaires.

19. (1660) Les Fables d’Esope Phrygien « LES FABLES D’ESOPE PHRYGIEN. — FABLE LXI. De la Fourmy, et de la Cigale. »

Il faudroit avoir pour cela l’éminente vertu d’un Homere, qu’on appelloit anciennement le Vieillard Meonien. […] Mais, certes, ils estoient doüez d’une si éminente Vertu, que je ne conseille à qui que ce soit de les imiter, ny d’exposer son vieil âge à tant de miseres, sous l’esperance de les endurer aussi constamment qu’eux, puis qu’au temps où nous sommes, et mesme dans la memoire de tous les siecles passez, il seroit bien mal aisé de trouver des courages si fortifiez contre toute misere, que furent les leurs, ny si capables de ceste haute Philosophie, qui nous instruit à la patience. […] Empeschons-nous donc, avecque soing, de tomber en un si fascheux inconvenient, si ce n’est que par les raisons d’une puissante Philosophie, nous voulions nous exercer à rendre nostre pauvreté moins contemptible ; C’est ce que firent à vive force de patience et de Vertu, les deux Personnages que j’ay nommez, et ce que font encore aujourd’huy tous les bons Religieux, l’institution desquels est d’autant plus vertueuse, qu’ayant pour but la gloire de Dieu, ils s’assujettissent à son imitation à une pauvreté volontaire.

20. (1660) Les Fables d’Esope Phrygien « LES FABLES D’ESOPE PHRYGIEN. — FABLE CIX. De la femelle du Singe, et de ses deux Enfants. »

Certes, les femmes de Scythie, et les Meres Lacedemoniennes n’en usoient pas ainsi, bien que toutesfois cela ne les empeschât point de mettre au monde de fort vigoureux enfans, chez qui la santé florissoit, à l’égal de la Vertu. […] Peut-on pas dire le mesme de LOUYS LE JUSTE, son tres-digne Successeur, à present regnant ; Prince d’incomparable Vertu, et qui par des merveilles de Valeur et de Pieté, a mis à fin tant de hautes entreprises. […] Toutes les raisons mises cy-devant, et tournées au sens contraire, peuvent servir à ceste verité, à sçavoir, que la forte complexion fait les hommes genereux, et entreprenants ; que l’exercice rend le sang meilleur, que la sobrieté de l’enfance se confirme en l’aage avancé ; et bref, qu’une jeunesse qu’on ne flatte point est capable de toute Vertu.

21. (1692) Fables choisies, mises en vers « Livre cinquiéme. — VIII. Le Cheval et le Loup. » p. 187

Ainsi dit, il vient à pas comptez, Se dit Ecolier d’Hippocrate ; Qu’il connoist les vertus et les proprietez De tous les Simples de ces prez : Qu’il sçait guerir, sans qu’il se flate, Toutes sortes de maux.

22. (1660) Les Fables d’Esope Phrygien « LES FABLES D’ESOPE PHRYGIEN. — FABLE VI. Du Lion, et de quelques autres Bestes. »

Or contre ces marques de tyrannie, il me semble que les pauvres n’ont point de remede, que la patience ; parce que les assistances humaines venant à leur défaillir, ils ne doivent tirer leur satisfaction que de la seule Vertu, et s’attendre à l’espoir d’une meilleure vie, où nul n’est riche, nul n’est puissant ; mais tous les hommes relevent de mesmes loix, et subissent avec égalité les jugements de l’Eternel.

23. (1660) Les Fables d’Esope Phrygien « LES FABLES D’ESOPE PHRYGIEN. — FABLE CXIII. Des Coqs, et de la Perdrix. »

Car l’homme ne doit pas estre mescontent quand il se void dans une condition preferable à celle de son Ennemy, comme il arrive ordinairement aux gents de Vertu. […] Prenons, dis-je, que l’homme de bien estant affronté par le Vicieux, en reçeust tous-jours de l’opprobre, et fust sans cesse exposé à la risée des autres hommes ; quel des-advantage est cela, pour entrer en parallele avec la solide possession des Vertus, principalement de la divine et admirable patience ? […] En quoy luy peut nuire un Ennemy, si la Vertu le deffend contre tous les accidents de la vie ? […] Elle consiste doncques en ce que la parfaite amitié ne se propose pour but que la Vertu seulement, et que toute autre sorte de bien-veillance ne peut ny ne doit legitimement porter le nom de vraye amitié.

24. (1660) Les Fables d’Esope Phrygien « A MONSEIGNEUR. MOROSINI, AMBASSADEUR. ORDINAIRE DE LA. SERENISSIME REPUBLIQVE. DE VENISE, PRES DE SA MAJESTÉ. TRES-CHRESTIENNE. »

Ce fut une pretieuse marque d’Honneur deuë à sa Vertu que vous suivez ; et ce n’est point aussi le Hazard, mais le Merite, qui pour le service de vostre Patrie, vous fait agir dans une Dignité dont elle vous a jugé tres-capable, par une preeminence qui n’est pas moins glorieuse qu’extraordinaire : Car ayant accoustumé d’envoyer premierement en Hollande, et aux autres Estats, ceux dont elle se veut servir pour les Ambassades, Elle vous a d’abord envoyé en France, pour y succeder à la sage administration de M. nani dont personne ne pouvoit remplir la place plus dignement que vous faites. […] Il represente pour cét effet les Ames rampantes par les Serpens attachez à la terre ; La Ruze et la Cruauté par le Renard et le Loup ; L’Aveuglement de l’esprit, et la malice noire, par le Chat-huant, et par le Corbeau ; Comme au contraire, il nous depeint les plus hautes de toutes les Vertus par les plus nobles de tous les Animaux, le Lion, et l’Aigle. […] Mais je me trompe bien fort, Monseigneur , Cette mesme Gloire est le vray Prix où vous aspirez ; Elle seule vous tient lieu d’un tresor inestimable ; Vous ne voulés point de Toison plus riche ; Et de la façon que vous en opiniastrés la Conqueste, il paroist visiblement que toutes les faveurs de la Fortune sont au dessous de vostre Vertu.

25. (1660) Les Fables d’Esope Phrygien « LES FABLES D’ESOPE PHRYGIEN. — FABLE XII. De l’Aigle, et du Renard. »

Est-ce que nostre Phrygien a voulu donner à entendre par ceste Fable, la grande foiblesse des hommes, qui ne sont jamais si bien confirmez en l’habitude d’une Vertu, qu’ils ne courent fortune de tomber le lendemain dans le vice contraire, et de deshonnorer en un moment toute la gloire qu’ils s’estoient acquise ? Ou si c’est qu’en sa naissance l’Aigle fût un Animal genereux et noble, de qui la Vertu s’abâtardit insensiblement en une Cour, depuis que ce Roy des Oiseaux vint à estre le favory de Jupiter, qu’il fût employé à porter les armes, et qu’il se mesla de l’infame ministere de ses amours ? […] Mais si c’estoit là son intention, je ne serois pas d’accord avecque luy ; Car j’estime tout au contraire, que s’il faut manquer de parole à l’un des deux, à sçavoir à l’homme de bien, ou au meschant, il est presque plus à propos que ce soit au premier, pource qu’il tire de si grandes satisfactions de sa propre vertu, qu’il luy est aisé de prendre patience en toute sorte d’accidents, voire mesme de trouver des delices en sa mauvaise fortune.

26. (1660) Les Fables d’Esope Phrygien « LES FABLES D’ESOPE PHRYGIEN. — FABLE XXXIII. De la Fourmy, et de la Mouche. »

Car la vraye et parfaicte Noblesse procedant de la Vertu, et derechef toute Vertu consistant en la moderation, celuy-là, sans doute, aura plus de Noblesse, qui sera le plus moderé. […] Ce que mesme ne des-advoüeront pas les Courtisants, ny les hommes engagez dans les plus importantes affaires d’un Estat, du moins si les corruptions où ils sont tous les jours enveloppez, leur laissent assez de vertu dans l’ame, pour dire au vray leurs sentiments.

27. (1660) Les Fables d’Esope Phrygien « LES FABLES D’ESOPE PHRYGIEN. — FABLE XL. De l’Asne, et du Cheval. »

C’est où le pas de la moderation à l’extremité est tous-jours glissant, et où la Vertu a grandement à combattre. […] Ce qui estant une fois conclud, presque toutes les operations de nostre entendement nous conduisent à la voye de la mediocrité, c’est-à dire, au chemin de la Vertu, au lieu que les grands biens charment visiblement nostre volonté, et la font noyer et perdre dans leurs delices, sur le poinct qu’elle en desire l’accroissement. Comme il est donc mal-aisé de reprimer un excés de joye, il est plus facile aussi de se detracquer de la Vertu au milieu des prosperitez, que dans les contraires évenements de la Fortune.

28. (1660) Les Fables d’Esope Phrygien « LES FABLES D’ESOPE PHRYGIEN. — FABLE LIX. Du Lion, et de l’Homme. »

Tellement que de luy opposer un petit Papirius, ou quelques autres Capitaines de ce temps-là, c’est non seulement oster à la fortune du Macedonien tout le pouvoir qu’elle a d’ordinaire dans les combats, mais aussi c’est beaucoup déroger à sa Vertu. […] Pour cette mesme raison l’on pouvoit à fort bon droict soupçonner la foy des Romains, lors qu’ils venoient à traicter de la Vertu des Carthaginois, ou celle des Thebains, quand ils mettoient par escrit les guerres continuelles qu’ils avoient contre la Republique d’Athenes ; D’où l’on peut inferer que soit qu’un Historien escrive en faveur d’un Amy, ou bien au desadvantage d’un Ennemy, il est presque impossible qu’il ne se rende suspect d’infidelité, à cause de l’interest de sa passion. […] D’ailleurs, les gents de haute condition, comme les Souverains, et ceux qui en approchent, entretiennent d’ordinaire des Historiens à gages, qui ne peuvent de moins que loüer hautement les mediocres Vertus de leurs Maistres, et taire, ou paslier leurs defauts.

29. (1660) Les Fables d’Esope Phrygien « LES FABLES D’ESOPE PHRYGIEN. — FABLE XXVIII. Du Laboureur et du Serpent. »

Comme nous devons doncques à la Vertu ce charitable office de nous bien remettre avecque nos ennemis, nous devons aussi ce droict à la Nature de ne nous y plus fier à l’advenir, de peur d’user d’inhumanité, en mesme temps que nous userons de Clemence, et de joindre une sottise à une belle action. […] Que si l’on me dit que c’est ruyner une veritable amitié, à cela je respondray, que les vrayes amitiez, comme dit Aristote, estant fondées sur l’opinion de la Vertu, l’on n’en sçauroit faire de veritable avec un Vicieux, et par consequent on n’en aura terminé qu’une fausse, qui n’est pas une action meschante ny malheureuse, mais plustost judicieuse et raisonnable.

30. (1660) Les Fables d’Esope Phrygien « LES FABLES D’ESOPE PHRYGIEN. — FABLE XXX. Du Loup, et de la Teste peinte. »

Aymer plus les choses aymables, c’est l’exercice et la condition des gents de bien, d’autant qu’ils se portent aux bons objects, pour se transformer en eux, et pratiquent incessamment les actions de la Vertu, pource qu’elle est la meilleure de toutes les choses. D’où il est aisé de conclure, que celuy-là aura l’ame plus belle qui aura plus d’esprit et plus de Vertu.

31. (1660) Les Fables d’Esope Phrygien « LES FABLES D’ESOPE PHRYGIEN. — FABLE L. Du Renard, et des Chasseurs. »

Car il se trouve peu de gens qui ayent assez de Vertu, pour nous garder le droict d’hospitalité contre leur interest propre. […] Elle eust toutesfois tant de vertu, qu’elle garda la parole au meurtrier de son propre fils, quoy qu’elle fust accablée d’une secrette et demesurée tristesse, et qu’on peust dire d’ailleurs, qu’une si mauvaise action s’estoit faite de son consentement, pour avoir retiré chez elle l’autheur de ce meurtre.

32. (1660) Les Fables d’Esope Phrygien « LES FABLES D’ESOPE PHRYGIEN. — FABLE LXXVII. Du Laboureur, et de la Cigongne. »

Où as-tu appris qu’il faille achepter si cher la civilité, que de l’observer à la ruyne mesme des autres vertus ? […] Puis qu’il n’en est point de pires que les Vicieux, que ne considerons-nous que si nous n’avons qu’un peu de vertu acquise, tant moins aurons-nous de resistance contre leur malice ; Comme au contraire, si nous en avons beaucoup, la perte que nous ferons parmy eux en sera, sans doute, plus grande, et plus contagieuse à nostre reputation.

33. (1660) Les Fables d’Esope Phrygien « LES FABLES D’ESOPE PHRYGIEN. — FABLE CII. De l’Enfant, et du Larron. »

Car l’Enfance estant susceptible de quelque impression que ce soit, et comme disent les Philosophes, une table rase qui reçoit toutes les especes qu’on luy presente, il est hors de doute que les mauvais exemples y sont imprimez plûtost que les bons, pource que le Vice est de soy mesme plus facilement mis en praticque, que la Vertu. […] Mais supposons que vous soyez hors d’espoir de vous reduire à la Vertu, et que ce soit une chose perduë que vostre ame, encore n’estes-vous pas si meschants que de vouloir perdre vostre fils avecque vous ?

34. (1660) Les Fables d’Esope Phrygien « LES FABLES D’ESOPE PHRYGIEN. — FABLE CVIII. D’un Oye, et de son Maistre. »

Car bien que ce soit une Vertu que de donner, elle ne l’est pas toutesfois, si l’on ne donne à propos, c’est à dire en temps et en lieu. Aussi est-ce l’advantage que la Prudence heroïque s’est reservé parmy nous, d’estre la guide de toutes les autres Vertus, c’est à dire de les faire praticquer à temps.

35. (1300) Fables anonymes grecques attribuées à Ésope (Ier-XIVe s.) « Chambry 195 » pp. 257-257

Un renard reprochait à une lionne de ne jamais mettre au monde qu’un seul petit. « Un seul, dit-elle, mais un lion. » Il ne faut pas mesurer le mérite sur la quantité, mais avoir égard à la vertu.

36. (1660) Les Fables d’Esope Phrygien « LES FABLES D’ESOPE PHRYGIEN. — FABLE XXII. Du Loup, et de la Truye. »

Car encore que l’homme du monde qui a le plus d’habitude au vice, ne soit pas incapable d’une action vertueuse, si est-ce qu’il deshonore en quelque façon les gents de bien, lors qu’il les approche pour les assister, à cause qu’il rend leur Vertu suspecte, et semble la vouloir faire dépendre de sa malice.

37. (1692) Fables choisies, mises en vers « Livre deuxiéme. — FABLE I. Contre ceux qui ont le goust difficile. » p. 

Je ne la tiens pas legitime, Ni d’une assez grande vertu.

38. (1660) Les Fables d’Esope Phrygien « LES FABLES D’ESOPE PHRYGIEN. — FABLE XVI. Du Lion, et du Rat. »

Car la Vertu estant une chose bonne de soy, il faut conclure de necessité, qu’elle est desirable aussi pour soy-mesme. Or de toutes les Vertus, ce n’est pas la moindre que la Clemence, ou la Misericorde envers les foibles, tant pource qu’elle est meslée de Generosité, qu’à cause qu’elle appartient à la Justice.

39. (1660) Les Fables d’Esope Phrygien « LES FABLES D’ESOPE PHRYGIEN. — FABLE LXXXIII. D’un Homme qui avoit deux femmes. »

Mais prenons qu’elles ayent une vertu assez heroïque pour resister, ce qui n’est pas du tout impossible en la nature des choses ; de quelque façon qu’on le prenne, c’est tousjours épouser une crainte perpetuelle : c’est attacher au chevet de son lict un eternel resveille-matin : c’est se donner en proye à un Vautour pire que celuy de Promethée. […] Pour moy, si j’avois un ennemy septuagenaire, de qui j’eusse reçeu quelque grande offence, et que je manquasse de vertu pour luy pardonner, je puis dire sans mentir, que je ne luy souhaitterois rien de pire qu’une jeune femme. […] Les beautez du corps éclattent bien, mais les vertus de son ame demeurent cachées. […] Que si d’avanture ils rencontrent, comme j’ay supposé, une femme qui leur soit fidele, ils peuvent bien l’attribuer à la seule Vertu, mais non pas à son amour, puis qu’ils sont incapables d’en donner.

40. (1660) Les Fables d’Esope Phrygien « LES FABLES D’ESOPE PHRYGIEN. — FABLE LVI. Du Lion, et du Renard. »

Or d’autant que cela dépend de la prudence, et que ceste Vertu n’a pas tous-jours des regles certaines, joinct que dans les divisions de la Moralle, on ne peut donner des instructions pour ce qui est d’examiner les fourberies ; il me semble que pour les éviter, il doit suffire à l’homme bien advisé, de prendre soigneusement garde aux actions de ceux qu’il soupçonne, y procedant de telle sorte qu’à la maniere du Renard, il s’embarrasse avec eux le moins qu’il pourra, principalement en visites, et en compliments.

41. (1660) Les Fables d’Esope Phrygien « LES FABLES D’ESOPE PHRYGIEN. — FABLE LXV. Du Renard, trahy par le Coq. »

Certes, il n’y a point de Vertu dans le monde qui soit si grande, que de rendre le bien pour le mal.

42. (1660) Les Fables d’Esope Phrygien « LES FABLES D’ESOPE PHRYGIEN. — FABLE C. Du Pescheur, et d’un petit Poisson. »

Au contraire, nous voyons tous les jours par espreuve, que les biens temporels sont de penible acquisition : qu’il faut suer, courir, combattre, choquer l’un et l’autre, offenser plusieurs personnes, cajoler, faire la Cour, et se distraire de la Vertu, pour les acquerir ; Qu’au reste, la possession en est necessairement limitée par la mort joinct qu’on ne les garde pas tous-jours jusques là ; Et toutesfois, ô la misere de nostre âge ! […] Est ce qu’elle peut estre acquise avec certitude, pource qu’elle est compagne de la Vertu ? […] Que si cela est, qui peut dire que la gloire soit infaillible à la vertu ?

43. (1660) Les Fables d’Esope Phrygien « LES FABLES D’ESOPE PHRYGIEN. — FABLE CI. De l’Avare, et de l’Envieux. »

Les Vertus de l’Ame, qu’on peut à bon droict nommer les biens les plus relevez et les plus solides, sont trop charmans et trop nobles pour estre les sujects de l’Envie. Ils le feroient plustost de nostre émulation, qui est une Vertu par laquelle nous sommes poussez à nous rendre aussi gents de bien, et aussi grands hommes que les autres. […] C’est elle qui sert d’éguillon aux plus hautes entreprises ; Elle qui fait les Vaillants et les Doctes, et qui porte nos Esprits non seulement à l’action vertueuse, mais encore à la perfection de toute Vertu. […] quel a esté l’Avare qui s’est jamais rendu grand personnage, ou aux armes, ou aux lettres, ou plustost en la vraye et parfaicte Vertu ? […] Mais combien seroit-il plus à propos de leur transmettre plusieurs exemples de Vertu avec une petite succession, que de les laisser riches avecque peu de Vertu ?

44. (1692) Fables choisies, mises en vers « Livre cinquiéme. — FABLE I. Le Buscheron et Mercure. » p. 173

J’oppose quelquefois, par une double image, Le vice à la vertu, la sottise au bon sens ; Les Agneaux aux Loups ravissans, La Moûche à la Fourmy ; faisant de cet ouvrage Une ample Comedie à cent actes divers, Et dont la scene est l’Univers.

45. (1660) Les Fables d’Esope Phrygien « LES FABLES D’ESOPE PHRYGIEN. — FABLE XXVII. Du Chien, et de la Brebis. »

D’ailleurs, les demons par la mesme raison qu’ils se font cognoistre à nous, donnent pareillement dequoy nous mesfier d’eux ; au lieu que ceux-cy ébloüyssent les Magistrats avec une feinte probité, et se servent de la foy humaine pour couper la gorge aux pauvres affligez, jusques à s’ayder du nom d’une Vertu, pour authoriser un crime.

46. (1660) Les Fables d’Esope Phrygien « LES FABLES D’ESOPE PHRYGIEN. — FABLE XI. De l’Aigle, et de la Corneille. »

N’est-ce pas un assemblage tout à fait disproportionné, et par consequent impossible, que celuy de l’ame avec la matiere, du profit, avecque la bien-seance, et de l’interest avec la vertu ?

47. (1660) Les Fables d’Esope Phrygien « LES FABLES D’ESOPE PHRYGIEN. — FABLE XCV. Du Singe, et de ses Enfans. »

Telle fût encore la Mere de Brasidas, à qui un Ambassadeur estranger ayant voulu dire, pour luy complaire, qu’en la Cour de son Maistre on avoit en grande reverence la memoire et la vertu d’un tel homme, et qu’il estoit reputé parmy les autres nations le plus courageux de Lacedemone, elle luy fist ceste genereuse response ; « Estranger mon amy, ne doute point que tu ne t’abuses en ce jugement que tu fais de Brasidas : Je m’asseure qu’il estoit homme de bien, mais je sçay aussi que Sparthe en avoit beaucoup qui estoient meilleurs que luy ».

48. (1660) Les Fables d’Esope Phrygien « LES FABLES D’ESOPE PHRYGIEN. — FABLE XLIX. De la Belette, et du Renard. »

Mais je m’esgare, sans m’en apperçevoir, hors de mon sujet, et n’ayant entrepris que de monstrer combien la Volupté nuist à l’Estude des Sciences, je fais voir insensiblement par ces Histoires, que les sçavans hommes sont capables des plus hautes entreprises, et de la parfaite Vertu, qui ne consiste pas moins à exterminer les Usurpateurs, qu’à bien servir les Roys legitimes.

49. (1660) Les Fables d’Esope Phrygien « LES FABLES D’ESOPE PHRYGIEN. — FABLE LVIII. Du Chevreau, et du Loup. »

Ainsi, bien que ceste Engeance de Poltrons soit toute embrasee de hayne, elle ne laisse pas toutesfois d’estre glacée de crainte ; Que si elle modere en quelque façon les témoignages de son ressentiment, ce n’est point par un effect de Vertu, mais par une violence qui naist de la peur.

50. (1660) Les Fables d’Esope Phrygien « LES FABLES D’ESOPE PHRYGIEN. — FABLE LXVIII. Du Chien envieux, et du Bœuf. »

Quant à la genereuse émulation des Vertus, non seulement je l’approuve fort, mais aussi je la conseille aux personnes qui se sentent d’une nature envieuse et maligne, affin d’occupper à cela leur ambition, et la repaistre d’une contentieuse amour de gloire.

51. (1660) Les Fables d’Esope Phrygien « LES FABLES D’ESOPE PHRYGIEN. — FABLE CXI. De Venus, et d’une Chatte. »

Venons maintenant à la troisiesme partie de nostre Discours, à sçavoir que la condition ne change pas les vertus ny les vices de l’ame, principalement s’ils sont contractez par une longue et naturelle habitude. […] Ce ne sont pas tous-jours les mieux nourris que les Grands : Ils ont tant de Flatteurs, et de Complaisants prés d’eux, qu’ils peuvent à peine se rendre capables d’une parfaite Vertu.

52. (1660) Les Fables d’Esope Phrygien « A MONSIEUR. MONSIEUR. DE SAINCT SYMON, premier Gentil-homme de la Chambre. du Roy, et son premier Escuyer. »

Mais sçachant qu’en quelque façon que la Vertu soit logée, et sous quelque habit qu’elle paroisse devant vous, vous la recueillez tousjours favorablement, j’ay pris, MONSIEUR, la hardiesse de vous le presenter auec sa vie et ses œuvres, que les plus grands personnages de tous les siecles ont admirées.

53. (1660) Les Fables d’Esope Phrygien « LES FABLES D’ESOPE PHRYGIEN. — FABLE IV. Du Cerf, et de la Brebis. »

Or pour transferer aux hommes ce fabuleux exemple des animaux, et tirer quelque avantage de l’instruction de nostre Phrygien ; comme ce n’est pas le tesmoignage d’une vertu heroïque, de signer une imposture contre soy-mesme pour la crainte d’une violence, aussi n’est-ce point une meschanceté que de la refuser, en alleguant la contraincte dont l’on a usé, pour nous faire avoüer debiteurs.

54. (1660) Les Fables d’Esope Phrygien « LES FABLES D’ESOPE PHRYGIEN. — FABLE VII. Du Loup, et de la Gruë. »

Apres avoir violé les loix qui obligent la creature au Createur, apres avoir franchy toutes les regles de la nature et de la Religion, est-il à croire que tels ingrats observent les loix d’une simple amitié, et encore vaine et fausse, puis que selon le dire d’Aristote, il n’en est point de vraye, que celle dont la Vertu est le fondement ?

55. (1660) Les Fables d’Esope Phrygien « LES FABLES D’ESOPE PHRYGIEN. — FABLE XXXI. Du Geay. »

Car la confusion qui suit les pompes de ces gents-là, est partagée à ceux qui les ont causées, ou qui ont pris la moindre part à leur intelligence ; Et comme en matiere d’opinions, il ne faut pas se laisser charmer aux specieuses maximes, mais rechercher la solide verité, et choisir plustost à dire les choses vrayes, que les subtiles ; De mesme aux amitiez que nous voulons establir, il ne faut pas tant donner à l’esclat et à la monstre exterieure, qu’à la vraye et parfaite vertu de l’ame.

56. (1660) Les Fables d’Esope Phrygien « LES FABLES D’ESOPE PHRYGIEN. — FABLE XXI. Du Larron, et du Chien. »

Au contraire, ceux qui conservent avecque fidelité les Places qui leur sont commises, acquierent un honneur immortel en la memoire des hommes, outre la recompense des charges, et la propre satisfaction que leur donne la Vertu.

57. (1660) Les Fables d’Esope Phrygien « LES FABLES D’ESOPE PHRYGIEN. — FABLE CXVIII. De l’Ours, et des Mouches à Miel. »

En quoy, certes, je me suis tenu dans une simple façon de moraliser, et de dire des choses plustost vrayes que subtiles : car en ces Discours tout mon dessein n’a esté que d’acheminer les hommes à la Vertu, combien que je sois l’homme du monde le moins Vertueux.

58. (1300) Fables anonymes grecques attribuées à Ésope (Ier-XIVe s.) « Chambry 34 » pp. 22-22

Comme le bûcheron lui reprochait que, sauvé par lui, il ne lui témoignait même pas d’un mot sa reconnaissance, le renard répondit : « Je t’aurais dit merci, si tes gestes et tes procédés s’accordaient avec tes discours. » On pourrait appliquer cette fable aux hommes qui font hautement profession de vertu et en fait se conduisent en coquins.

59. (1660) Les Fables d’Esope Phrygien « LES FABLES D’ESOPE PHRYGIEN. — FABLE LXXXIV. D’un Laboureur et de ses Enfants. »

Ce qui est tellement vray dans les actions moralles, qu’il passe aussi jusques dans les Physiques : tesmoin ce fameux axiome des Philosophes naturels, « Que toute vertu est plus forte quand elle est unie », que lors qu’elle est dispersée.

60. (1660) Les Fables d’Esope Phrygien « LES FABLES D’ESOPE PHRYGIEN. — FABLE LI. Du Paon, et du Rossignol. »

En vertu dequoy serions-nous si bien avec elle, que nous eussions des Privileges qu’ils n’ont pas ?

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