Mais elle est une Vertu, quand il ne s’y trouve point aucune de ces circonstances, et qu’au contraire nous voulons nous deffendre des ruses d’autruy par nostre propre déguisement ; et c’estoit ainsi que l’entendoit Tacite, quand il disoit, « Qui ne sçait dissimuler, ne sçait pas regner », bien que toutesfois ce ne fût pas en ce sens là que Louys XI. avoit accoustumé d’user de ceste maxime.
Cette fable montre que pour beaucoup de gens ce sont leurs propres résolutions qui sont causes de leurs malheurs.
Ainsi beaucoup de gens qui, par cupidité, regardent les autres avec envie, ne s’aperçoivent pas qu’ils perdent leurs propres avantages.
Au contraire, ceux qui conservent avecque fidelité les Places qui leur sont commises, acquierent un honneur immortel en la memoire des hommes, outre la recompense des charges, et la propre satisfaction que leur donne la Vertu. […] Quoy que d’ailleurs ils fussent grands Capitaines, ils ne laisserent pas toutesfois de faillir au principal, et d’estre esblouys des belles promesses du Sultan, qui leur firent abandonner leur Prince, et tourner leurs armes contre leur propre Patrie.
Son intention n’est donc autre, que de reprendre les personnes, qui pouvant demeurer libres en une petite Maison avec innocence et seureté, sans dépendre d’autres loix que de celles où la Nature nous lie necessairement, vont destruire par leur propre élection toute leur vraye felicité, et s’abandonnent malheureusement au pouvoir d’autruy, aux brocards des Courtisants, à la censure des Envieux, et à toutes les gesnes d’une servile et deshonorable complaisance. […] Celuy-là, comme je croy, n’est pas digne d’un bien, ou d’un privilege par dessus les autres, qui le laisse perir, ou diminuër par sa propre faute, d’autant que la soigneuse conservation d’une chose, est un merite en la personne qui la conserve ; si bien que par consequent c’est une espece de démerite de la laisser descheoir ou avilir par sa nonchalance. […] D’ailleurs, tandis que son entendement est presque tous-jours occuppé à raisonner sur les intentions des autres, à conçevoir leurs commandements, et à digerer les moyens de les mettre en execution : il se dérobe le loisir d’entretenir ses propres pensées, et cesse par consequent d’estre veritablement homme.
La fourmi d’à présent était autrefois un homme qui, adonné à l’agriculture, ne se contentait pas du produit de ses propres travaux ; il regardait d’un œil d’envie ceux des autres et ne cessait de dérober les fruits de ses voisins.
Car il se trouve peu de gens qui ayent assez de Vertu, pour nous garder le droict d’hospitalité contre leur interest propre. […] Elle eust toutesfois tant de vertu, qu’elle garda la parole au meurtrier de son propre fils, quoy qu’elle fust accablée d’une secrette et demesurée tristesse, et qu’on peust dire d’ailleurs, qu’une si mauvaise action s’estoit faite de son consentement, pour avoir retiré chez elle l’autheur de ce meurtre.
Une hydre qui l’habitait voulait l’en empêcher, s’indignant que la vipère, non contente de son propre pâtis, envahit encore son domaine à elle.
Cette fable montre que nous devons nous contenter de nos propres biens, et nous dire que la convoitise non seulement ne sert à rien, mais encore nous fait perdre souvent ce que nous possédons.
Ce sont eux que Plutarque appelle au gouvernement des Estats, et qui par consequent doivent apprendre à s’accommoder à toutes les deux fortunes, plus pour le respect de la multitude, qui est remise sous leur conduite, que pour leur interest propre. […] L’on peut voir par là de quelle sorte le Sage doit s’accommoder à l’occasion, sans déchoir toutesfois de l’égalité de son esprit, à l’imitation de nostre Roseau, qui ploye veritablement sous l’effort de la tempeste, mais qui conserve ses racines fermes et durables, au lieu que cét arbre orgueilleux, pour s’estre roidy contre les coups de l’orage, se trouve entierement déplacé de son assiette, voire mesme enveloppé de ses propres ruynes.
Alors ayant reçeu de l’argent, pour s’en aller au marché, il y courut promptement, et achepta des Oysons, des Poules, et autres provisions de bouche, propres à faire un festin.
. – Non pas les tiennes, mon petit, dit la mère, mais celles que tu as mangées. » Cette fable s’adresse au débiteur, qui est toujours prêt à prendre le bien d’autrui ; vient-on à le lui réclamer, il s’en afflige autant que s’il payait de son bien propre.
Les escoliers loüerent d’abord une si belle entrée de table, qui leur sembla fort propre à des Philosophes ; pource que c’est par le moyen de la langue qu’on exprime ses pensées.
Puis je ne crois pas qu’il soit necessaire d’en alleguer d’avantage, pour prouver une verité si reçeuë, à sçavoir, que nous tenons de la naissance un certain instinct, qui nous porte ordinairement aux actions où nous sommes le plus propres, qui se fortifient par l’exercice, et par le raisonnement. […] Car quant aux Arts et aux Sciences, il arrive quelquefois qu’un naturel rude et grossier, surmonte ses propres défauts par l’obstination, et devient capable des choses difficiles, en despit mesme de la nature.
Quant à la premiere action qu’elles firent, à sçavoir de se mettre volontairement en la protection du Faucon, nous avons veu cy-dessus comment elle a son origine en la propre imperfection de ceux qui eslisent un Chef, n’estant pas croyable que plusieurs Justes, ou gents de bien, qui logeroient ensemble dans une Isle deserte, s’advisassent jamais d’en choisir un, la probité duquel leur seroit suspecte. Car le propre du Sage, c’est de ne se laisser conduire qu’à la Vertu.
Que si en cela mesme la necessité les contrainct de ceder à leur ennemy, en tel cas ils ont moyen de rencontrer une espece de seureté en leur méfiance, et en leurs soings continuels, voire mesme il y en a qui n’ont trouvé le moyen de leur conservation que dans leur propre foiblesse ; Témoins plusieurs petits Princes souverains, qui pour la consideration du peu de pouvoir qu’ils ont, s’attaquent aux plus grands Roys, pource qu’il leur est aisé de se donner, ou de se mettre en la protection de quelque tiers, égal à leur ennemy. […] S’il est donc vray que nos inferieurs font plus enclins à se desesperer, il faut conclure par là qu’ils font aussi plus redoutables, puis qu’il n’y a rien de si furieux que le desespoir, et que comme dit Seneque, celuy est desja maistre de la vie d’autruy, à qui la rage fait abandonner la sienne propre.
Ainsi parfois les hommes ne se doutent pas que ce sont leurs propres ruses qui les précipitent dans le malheur.
Ennus estant remis en grace, Esope l’accueillit si genereusement, qu’il ne le voulut fascher en rien ; au contraire il le traicta mieux que jamais, et comme son propre fils, luy donnant plusieurs belles instructions, dont les principales furent celle-cy. « Mon fils, ayme Dieu sur toutes choses, et rends à ton Roy l’honneur que tu és obligé de luy rendre.
Esope se moque à bon droict en cette Fable, de ceux qui se veulent mesler d’un mestier qui ne leur est pas ordinaire, ny propre, et laissent pour cét effet leur vray et naturel exercice, chose, ce me semble, la plus digne de reprehension qu’on puisse faire, pource que, non seulement on hazarde en cela sa reputation, mais aussi on y ruyne ses affaires, et celles d’autruy ; ce qui ne peut proceder que d’une excessive vanité, joincte à une foiblesse d’esprit encore plus grande.
Un amateur du jardinage, Demy Bourgeois, demy manant, Possedoit en certain Village Un jardin assez propre, et le clos à tenant.
Cette fable montre que ceux qui se fient aisément aux autres, une fois qu’ils se sont dépouillés de leurs propres avantages, sont facilement vaincus par ceux qui les redoutaient auparavant.
Or la grenouille, qui avait de mauvais desseins, attacha la patte du rat à sa propre patte.
L’homme répondit de même qu’il ne le recevrait pas, s’il ne lui donnait un certain nombre de ses propres années ; le bœuf en donna une partie et fut admis.
Cette lettre estant cachetée avec la propre bague d’Esope, il la presenta au Roy ; qui transporté de colere, commanda tout aussi tost à Hermippus, que sans autre forme d’enqueste, il s’en allast tuër Esope, comme traistre qu’il estoit.
Et derechef, les Sarrasins ne punirent-ils point l’insolence des Gots par la leur propre ?
Cela procede en effect, de ce que toute Vertu a tous-jours deux Vices qui la costoyent, si bien qu’estant assise entre l’un et l’autre, elle donne moyen aux meschants, ou de luy imposer le nom des Vices, ou de leur donner le sien propre, pour colorer une meschante action.
Car comme en la distribution de son heritage, le bon pere de famille accommode son testament à la bien-seance de ses Enfans, donnant à l’un du bien en argent, à l’autre des Vaisseaux plains de marchandise, s’il a l’inclination portée au traffic de la Marine ; à celuy-cy des fonds specieux, s’il se plaist à la campagne, et à celuy là une charge dans les Armées, ou un Office dans les Parlements, si son humeur l’attire à l’un ou à l’autre ; et tous ensemble seront satisfaits de la donation, quoy qu’en effect celuy qui a le plus de bien, ait l’advantage de son costé ; Ainsi nostre vray Pere celeste nous ayant produits au monde, pour nous faire du bien comme à ses legitimes Enfants, il donne à châcun ce qu’il juge luy estre propre, et le fait avecque tant de justesse, que nul ne le voudroit contre un autre, quoy que toutesfois il se puisse faire qu’il en envie les dons et les qualitez particulieres.
Alors n’estant plus propre à la course ny à la parade, il fût despouïllé de son riche harnois, et vendu à un chartier. […] L’on peut adjouster à cela une troisiesme cause, qui est tirée de nostre volonté propre.
Et celui-ci émerveillé le bénissait de tout son cœur, et maudissait sa propre fortune.
Pour ce qui est des premiers, à sçavoir de ceux qui veulent amonceler thresors sur thresors, et adjouster incessamment de l’acquis à leur heritage ; combien en voyons-nous tous les jours qui s’enveloppent dans de grands partis, entreprennent des fermes publiques, et prestent de l’argent aux Roys, le tout sous l’espoir du gain démesuré qu’ils s’y figurent ; Et neantmoins à quelque temps de là, ils trouvent leur attente ridicule, et sont en perte des biens qui naguere leur estoient propres et hereditaires, finissant leurs jours dans les Palais des Princes, où ils sont refugiez, avec un mespris des domestiques, et un murmure continuel des creanciers.
Il vaut donc bien mieux avoir des affections plus moderées, et ne corrompre pas son estime propre, pour la desirer plus grande.
Ne pouvant les mener au pâturage habituel, il les soigna dedans ; mais il ne donna à ses propres chèvres qu’une poignée de fourrage, juste de quoi les empêcher de mourir de faim ; pour les étrangères, au contraire, il grossit la ration, dans le dessein de se les approprier elles aussi.
Car ces Ambitieux au lieu de demeurer arbitres, comme ils en avoient esté maintes-fois requis, usurperent les propres biens dont ils ne devoient estre que les Juges.
Trasibule tout de mesme avoit fort bien estudié ; Et le Corinthien Timoleon ayant acquis la liberté à sa Patrie, par la mort de son propre frere, demeura jusqu’à l’âge de quarante-cinq ans hors la ville de Corinthe, à vacquer incessamment à l’Estude, en attendant que l’occasion de delivrer la Sicile le tirast derechef de son repos, pour le conduire aux plus belles actions, qu’homme de sa nation eût jamais executées.
Tesmoin Rome, qui n’a pû jamais perir que par les discordes Civiles, et qui ayant vaincu toutes les Nations, est morte à la fin par sa propre force : Tesmoin Athenes, qui ne perdit la liberté qu’apres que les infideles Orateurs l’eurent presque toute divisée, et que chacun d’eux eust attiré une portion de la Ville au party où il estoit le plus enclin ; Tesmoin encore la riche succession d’Alexandre, qui se défit par le partage des heritiers.
Cela ne seroit pas raisonnable, joinct que j’ay une femme qui ayme trop la netteté, pour souffrir d’estre servie d’un homme si laid, et si mal propre ». « C’est à quoy vous ne devez pas vous arrester », luy respondirent les Escoliers, « puis qu’il y a une sentence qui dit, Qu’il ne faut point obeyr à la femme ». « Bien donc », repliqua le Philosophe ; « faisons marché de cet Esclave difforme ». […] Car tu as laissé ces deux jeunes garçons, qui estoient fort propres pour un homme tel que toy, et as fait élection de ce visage difforme ». « Cela ne t’importe », continüa Xanthus, « je n’en veux point d’autre pour maintenant ». « Prends-le donc », dit le marchand, « pour la somme de soixante oboles ».
c’est pour le renard que nous avons pris tant de peine. » La fable montre qu’on a raison de se dépiter, quand on voit les premiers venus emporter le fruit de ses propres travaux.
Ces hommes falsifiez, qui n’ont soin que de la beauté superficielle, qui empruntent une qualité, un habit, un panache, une mine, une reputation, et qui mesme ne se contentent pas de leurs cheveux propres ; Ces hommes, dis-je, doivent estre fuys, comme le fût le Cavalier Punctuel, qui sous le nom emprunté de Dom Jean de Tolede, vint à la Cour de Madrid, où il fût si mal traitté, que sa disgrace doit servir d’exemple à ceux qui l’imitent.
Elles s’esleverent incontinent, et lors que ces Maistres ouvriers se virent bien haut, ils se mirent à crier ensemble ; « Donnez nous des pierres, donnez nous de la chaux, donnez nous du bois et tels autres materiaux propres à bastir ». […] Nectenabo croyant avoir surpris Esope par ses propres paroles ; « Je te tiens », luy dit-il, « n’as-tu point de honte de mentir ?
Ils se servent mesme de la bouche des femmes pour publier leur propre loüange.
Le Vautour de ceste Fable imite la cruauté de certains hommes dénaturez, qui sous l’apparence d’une courtoisie empruntée, rendent de pernicieux offices aux Innocents, et font mourir quelquesfois ceux qui se fieroient en eux de leur propre vie.
En quoy, il me semble que pour un vain plaisir de mentir, l’on perd une chose bien precieuse, à sçavoir la Foy ; Action certes d’un tres-mauvais mesnager, et d’un imprudent, puis-qu’il n’y a rien de si commode en tout le commerce de la vie, que de passer pour veritable, autant pour servir ses amis, que pour son interest propre.
Toutesfois je m’ose promettre que le Lecteur favorable excusera mes défauts, par la sincerité de mon intention, et qu’il prendra seulement pour luy ce qu’il trouvera de plus propre à contenter son Esprit, et à moderer ses passions.
Car s’il a veritablement chassé de son cœur toute la hayne qu’il y peut avoir conçeuë contre la personne injurieuse, voudra-t’il bien en porter la penitence par sa propre douleur ? […] L’experience, en ce qu’ordinairement les volleurs s’entre-battent pour le partage d’un butin, les querelleux se perdent en fin par leurs propres dissentions, et les Fourbes en font de mesme, pour jouyr du fruict de leur tromperie, apres avoir cherché leur advancement dans la ruyne des familles.
Venons donc au sujet de nostre Autheur, et voyons ce stupide Villageois, qui emporte un Serpent transy de froid auprés de son foyer propre, pour le ranimer.
Or les Gots mesmes se dissiperent par leurs propres inimitiez, du temps de Genseric et de Gilimer, apres lesquels ravagerent inhumainement l’Europe et l’Afrique les audacieux Sarrasins, que la ligue des Zegris contre les Abencerrages chassa de Grenade, et de toutes les Espagnes ; que la revolte des Xerifs incommoda dans la Mauritanie, que les partialités chasserent de la Palestine, et de l’Asie mineur.
Or comme en l’ancienne decision des inimitiez, on ne faisoit point de duels, que pour des causes tres justes, à sçavoir pour l’honneur d’une Femme, d’une Maistresse, d’un Pere, d’une Sœur, d’un Fils, et pour le sien propre.
Il faut qu’ils se plaignent de ne les posseder pas tous ensemble, et que là dessus ils accusent le Ciel d’injustice, comme si le grand Distributeur des choses ne sçavoit point aussi bien qu’eux ce qui leur est propre, et comme si ce n’estoit pas assez à chacun de joüer le roole qui luy est ordonné sur le Theatre du Monde.
Or bien que ce pauvre Idiot jugeast assez, qu’elle mesme estoit la Maistresse du logis, si est ce que tenant cela pour indifferent, « asseurément (disoit-il à par soy) c’est pour me faire plus d’honneur, qu’elle me veut laver les pieds de ses propres mains, bien qu’elle le puisse commander à quelqu’une de ses servantes ».
Mais si l’on ne les aime que pour cela, il s’ensuit qu’on ne les cherit pas tant que sa commodité propre, de qui lon ne peut estre qu’ennemy, quand on s’afflige pour une perte.
Cela procede en partie de ce que son cerveau est plus propre à raisonner, comme son sang est plus actif, plus masle, et plus vigoureux.
L’homme ayant déclaré que celle-là non plus n’était pas la sienne, il plongea une troisième fois et lui rapporta sa propre cognée.
L’impertinente vanité du Corbeau sert d’exemple à une infinité de gents, qui se laissent miserablement affiner aux Flatteurs, pour adherer trop niaisement aux loüanges qu’ils leur donnent : car à force d’estre enyvrez par leurs complaisances, ils prennent une opinion si excessive de leurs propres merites, qu’il leur est fort mal-aisé de se recognoistre.