Quant à la sage remonstrance que leur fit le plus vieil d’entr’eux, par l’exemple des Grenoüilles, cela nous apprend que c’est une excellente consolation à nos maux, de les comparer à ceux d’autruy, quand ils sont plus malheureux que nous.
Le Chat apprit ce dessein des Rats, et ne l’eust pas plûtost découvert, que faisant le mort, il se pendist par les pieds de derriere à une perche, attachée à la muraille.
En suitte de cela, ils se mirent tous deux à table, où la premiere chose que fist l’Estranger, fût de soufler sa boüillie : Ce que voyant le Satyre, il en voulut derechef sçavoir le sujet ; Et comme il eust appris que c’estoit pour la refroidir, ne pouvant plus souffrir un tel Hoste dans sa cabane, « Sors de ceans », luy dit-il, « car je ne suis pas d’humeur à m’accommoder avec un homme qui se contre-dit ainsi en ses paroles ».
Tu sers bien d’exemple à ces Artificieux, qui conversent parmy les hommes, pour leur apprendre que toutes les ruses ont leur contre-ruse, et qu’il est mal-aisé de faire profession de dupper tout le monde, sans estre duppé de quelqu’un ; ce qui est certes une chose honteuse aux maistres de ce mestier. […] Il nous confirme le mesme en plusieurs autres endroicts, pour nous apprendre que les sentiers destournez, par où les Trompeurs se croyent sauver, les conduisent insensiblement en des precipices.
L’on peut dire le semblable des actions morales, en matiere desquelles nous apprenons par espreuve, que l’homme ne se precipite presque jamais à l’effect de ses desseins, sans y apporter plus d’obstacle que d’acheminement. […] On a fait Dieux (bien que faussement) ceux qui ont charge de la Mer, de la Terre, et du Ciel : on a fait Dieu, et non pas Déesse, l’Amour ; Mais quant à la Prudence, c’est à dire à la conduite des actions, on l’attribuë justement à une Déesse, et encore à la plus modeste de toutes, pour apprendre que nous devons nous conduire avec que que lenteur, et quelque attrempance dans nos desseins, affin de les faire reüssir.
ce n’est pas moi qu’il faut blâmer, mais notre maître qui m’a appris, non à travailler, mais à vivre du travail d’autrui. » C’est ainsi que les enfants paresseux ne sont pas à blâmer, quand leurs parents les élèvent dans la paresse.
Chommons, c’est un métier qu’il veut nous faire apprendre.
Ce sont eux que Plutarque appelle au gouvernement des Estats, et qui par consequent doivent apprendre à s’accommoder à toutes les deux fortunes, plus pour le respect de la multitude, qui est remise sous leur conduite, que pour leur interest propre. […] Sa cheute apprend donc aux hommes d’affaires à ne s’ahurter jamais contre un puissant Ennemy, mais à gauchir et esquiver adroittement ses attaques, s’ils veulent que leurs desseins ayent un heureux, succés.
Pour cét effet, quand tu seras demain à la place publique, dy simplement ces paroles aux habitans : Messieurs, je n’ay jamais appris à rendre raison, ny des Prodiges, ny des Augures ; mais il est bien vray que j’ay en ma maison un serviteur, qui sçait beaucoup de choses, et qui, je m’asseure, vous esclaircira de ce que vous desirez si fort de sçavoir. […] Cette nouvelle, et l’apprehension qu’ils avoient d’estre sous la domination de Cresus, les ayant fait assembler pour en consulter ; ils treuverent à propos de prendre l’advis d’Esope, qui pour response à leur demande ; « Messieurs », leur dit il, « quand les principaux d’entre vous auront opiné à vous rendre tributaires du Roy de Lydie, vous n’aurez plus besoin de mon conseil : je suis content neantmoins de vous faire un conte qui vous apprendra, de quelle façon vous aurez à vous comporter en cecy. […] Ce qu’Esope ayant appris, et s’estant presenté devant l’assemblée, « Hommes Samiens », dit-il, « je tiens à singuliere faveur de ce que je m’en vay trouver le Roy Cresus, pour me jetter à ses pieds, et le saluër ; Mais auparavant, souffrez que je vous die une Fable.
Le valet ayant appris ces belles nouvelles, laissa là Esope, et monté qu’il fût en la chambre, il fit sçavoir à la femme de Xanthus, ce que l’autre venoit de luy dire.
Par les paroles de cét animal captif, nous apprenons que la bonne foy est entierement requise à l’accroissement des Republiques.
Une Hirondelle en ses voyages Avoit beaucoup appris.
Il se dit alors : « Je n’ai que ce que je mérite : pourquoi ai-je entrepris de pêcher, sans avoir appris ?
Il a possible ouy dire qu’un Philosophe avoit entrepris d’enseigner à un animal de son espece la dance Pyrrhyque, dans le terme de dix ans, et qu’à dessein il s’estoit obligé envers un Empereur ; ou possible a-t’il appris que en Egypte, selon le dire de Cardan en ses subtilitez, par une certaine invention l’on apprend aux Asnes à trepigner à la cadance de quelque instrument, et reüssir de fort bonne grace à plaire à tous les spectateurs.
Cela nous apprend que tost ou tard la recompense suit la Vertu, et que ce n’est jamais perdre le temps, de la pratiquer. […] A quel propos Esope auroit-il introduit un Dieu, pour la consolation de ce pauvre homme, si ce n’estoit à dessein de nous apprendre, que c’est en Dieu que les Vertueux ont à mettre leur espoir ?
L’on peut apprendre deux choses dans la Fable des Loups et des Brebis ; la premiere, qu’il ne faut pas inconsiderément se fier à un Ennemy reconcilié ; et la seconde, qu’il ne couste rien aux meschants, de supposer un faux pretexte, pour envahir et perdre leurs Ennemis.
Par ce Taureau, qui se souleve sans cesse contre le Laboureur, nous apprenons qu’il y a certaines natures si revéches, et si mal traictables, que l’on ne les peut divertir, ny par art, ny par conseil.
Une tortue pria un aigle de lui apprendre à voler.
A la fin un de ses amis l’estant allé voir, pour apprendre s’il ne se trouvoit pas mieux que de coustume, « Ah !
Par ceste Fable nous apprenons que l’amour extraordinaire des Peres est quelquesfois tres nuisible aux enfants ; Et qu’au contraire ceux qu’ils ont traicté trop durement en sont mieux fortunez dans le monde, et mesme plus vertueux. […] de leur apprendre la sobrieté, et de les nourrir parmy les friandises ?
Depuis, comme il eust appris de l’Escarbot, qu’il avoit fait cela exprés, pour se vanger de l’Aigle, qui ne l’avoit pas seulement offensé, mais commis une impieté contre luy-mesme, ayant mesprisé ce dont elle l’avoit instamment suppliée, il luy en fit une reprimande à son retour, luy disant que l’Escarbot avoit eu raison de la persecuter ainsi. […] Cela vous doit apprendre, Messieurs de Delphes, à ne mespriser point ce Dieu, chez qui je me suis refugié, quoy que son Temple soit moindre qu’il ne luy appartient.
Celui-ci lui demanda qui lui avait appris à partager ainsi : « Le malheur de l’âne », répliqua t-il.
Cela nous apprend que ceux dont nous mesprisons les sages advis, s’alliennent ordinairement de nous, et se jettent la pluspart du temps en des lieux plus advantageux pour leur estime.
Car l’homme, le plus noble des animaux, et qui a de l’empire sur eux, vange la querelle des petits contre les grands, et nous apprend par cét exemple, qu’il faut que nous soyons protecteurs de l’innocence, quand la fortune nous en donne le pouvoir et l’authorité.
L’autre espece d’application que ceste Fable peut reçevoir est Politique, et nous apprend que plusieurs Estats ont esté souvent mis en subjection pour avoir demandé secours à quelque puissant voisin contre un ancien et dangereux Ennemy.
Ce n’est sans doute qu’à ces Nestors, et à ces Cynees, qui veillent à sa conservation ; et qui sçavent parfaitement comme vous l’Art de gouverner les Peuples ; Ce qu’asseurement ils ont appris, ou de l’Experience, ou de la lecture des bons Livres, tels que celui-cy, qui en donne ingenieusement les preceptes. […] Ils l’apprennent ainsi d’un habile Maistre, et c’est l’Inventeur de ces Peintures parlantes, qui des choses mesmes dépourveües de tout sentiment, en forme des Creatures sensibles à la reconnoissance.
Ils ne sont pas si prevoyants qu’Agathocles, qui se faisoit servir en vaisselle de terre, pour apprendre à n’oublier que son pere la faisoit, et par consequent à ne s’enfler jamais outre mesure des prosperitez qui luy survenoient. […] Cela nous apprend à souffrir patiemment nos afflictions par l’espoir d’une future prosperité ; et à n’estre si altiers par la jouyssance des biens presents, que de n’apprehender pas les maux à venir : C’est à quoy nous convie le sage Esope, par l’exemple de ce Cheval temeraire et presomptueux, qui dés le lendemain de son triomphe, fût attaché à la charruë, et assujetty aux risées de l’Asne, qu’il avoit si fort mesprisé le jour precedent.
En general, nous apprenons, par là, que tout insatiable desir d’une possession, non seulement reüssit pour l’ordinaire à neant, pour ce qui est d’acquerir de nouveau, mais encore nous couste bien souvent la perte de nostre vray bien ; Et en particulier, les Avares, les Amants, et les Ambitieux, peuvent rencontrer en ceste Fable les presages de leur avanture.
Ceste ambition extravagante de la Tortuë, nous apprend à ne vouloir pas outre-passer de beaucoup nostre condition, si nous ne sommes en mesme temps resolus à une honteuse cheute.
Quant à l’aveugle affection que le Singe porte à ses Enfans, elle nous apprend combien nous sommes susceptibles de telles foiblesses, et combien les choses du monde nous sont déguisées, quand nous les voyons par les yeux de l’amitié.
Et le loup mal en point dit : « Je l’ai bien mérité ; car pourquoi, ayant appris de mon père le métier de boucher, ai-je voulu, moi, tâter de la médecine ?
Mais le Renard s’en mocquant ; « Mal-advisé que tu es », luy dit-il, « apprends une autrefois à ne croire point ta folle teste, et à te servir de tes jambes au besoin ».
C’est une école où les creatures capables de raison, apprennent de celles qui n’en ont point ce qu’elles doivent eviter ou suivre, pour la conduitte et l’instruction de leur vie.
Ce qui nous apprend que les personnes les plus vigoureuses, deviennent apprehensives par l’âge, à cause, comme nous avons dit cy-dessus, du refroidissement de leur sang.
Car il leur apprit en volant bien haut, à porter dans des corbeilles certains enfans pendus à leur col, et les sçeut si bien accoustumer à leur obeïr, que ces enfans les faisoient voler où bon leur sembloit ; c’est à dire aussi haut, ou aussi bas qu’ils vouloient. […] Comme ils se furent tous mis à table, un de ces Sophistes attaquant Esope ; « Estranger », luy dit-il, « je t’advise que je suis icy envoyé de la part de mon Dieu, pour te demander l’esclaircissement d’une question dont je suis en doute », Esope l’ayant escouté sans s’esmouvoir ; « Tu ments », luy dit-il, « car Dieu sçachant tout, n’a pas besoing de s’enquerir, ny d’apprendre quelque chose d’un homme.
Il me suffira de dire icy avec horreur une chose qui n’est que trop cognuë, à sçavoir, que plusieurs ont appris l’art d’empoisonner par la senteur d’un bouquet, rendant par ce moyen coupables de la mort d’autruy les fleurs, qu’on peust appeller d’ailleurs les plus innocentes de toutes les Creatures.
Témoin ce Barbier dont Plutarque raconte l’histoire, qui estant tenu dans la Ville d’Athenes pour un homme extrémement causeur et peu veritable, apprit par hazard sur le port de Pirée d’un fugitif qui avoit abordé dans une chalouppe, que l’armée des Atheniens avoit esté entierement défaite.
Elle nous apprend qu’un seul ne peut rien contre plusieurs : Que les Grands doivent apprehender la colere des petits ; Qu’il n’y a point de jeu à se vouloir vanger de ceux à qui nous avons donné sujet de nous nuire ; Et qu’en tout cas il vaut mieux endurer un mal qu’ils nous font, que se mettre en danger d’en souffrir une infinité.
Car Esope ayant si bien fait parler les Animaux, ce seroit, à mon advis, un manquement à nostre livre, de ne traicter point de leur façon de discourir, et de n’examiner pas jusques à quel poinct peut s’estendre la portée de leur entendement, pour en tirer une consequence de ce que nostre Autheur attribuë à la Nature, et sçavoir par mesme moyen pourquoy il s’est voulu servir de l’introduction des bestes, pour apprendre la sagesse aux hommes. […] A cét exemple ils en adjoustent un autre d’un Elephant Indien, qui avoit appris la langue des Portugais, un peu apres la conqueste de Goa. […] Cela estant, pour peu d’esprit qu’elles eussent, il ne leur seroit pas mal-aisé d’éviter nostre sujection, veu les autres advantages qu’elles ont en grand nombre par dessus nous, comme la force et l’addresse du corps, joincte à la perfection de tous les sens ; et en ce cas là, nous n’aurions jamais appris à dompter les Lions, qui surpassent de bien loing nostre valeur, ny les Elephants, auprés desquels nous ne semblons que des Mouches, ny les Tygres, dont la legereté est imperceptible à nos yeux, ny les Serpents, dont la seule veuë imprime de l’horreur à toute nôtre espece, ny les Basilics, qui font mourir du regard, ny les Poissons, qui sont enfermez dans les abysmes de l’eau, ny les Oyseaux, qui ont libre toute la plaine de l’air. […] Par où, sans doute, cét excellent homme nous veut apprendre, que la Prudence sans la Force peut beaucoup, comme au contraire la Force sans la Prudence ne peut rien. […] Cette Reyne apprend aux petits à se deffendre contre les forts, aux Grands à commander en asseurance, et aux Republiques à se maintenir en liberté.
La mesme Escriture nous apprend dés le commencement de la Genese, qu’il represente quelquesfois l’ennemy de Dieu ; Et aujourd’huy nostre Sage Esope luy fait joüer un personnage presque aussi mauvais que le precedent, à sçavoir celuy d’un Ingrat.
Quant au Bucheron, qui blâme le Loup d’ingratitude, il nous apprend que telle personne nous a mortellement offencez, qui demande apres des compliments et du retour.
Où as-tu appris qu’il faille achepter si cher la civilité, que de l’observer à la ruyne mesme des autres vertus ?
Cette fable apprend à ne mépriser personne ; il faut se dire qu’il n’y a pas d’être si faible qui ne soit capable un jour de venger un affront.
Le dessein de nostre Autheur en cette Fable, est de nous apprendre que la naïfve prudence est plus pure en toutes choses, qu’une conduitte pleine d’artifices, et de captieuses subtilitez.
Comme cét effect estoit extraordinaire, le Peuple en voulut apprendre la cause, de la bouche mesme de l’Esclave, qui se mit à la raconter tout au long, encherissant avec des paroles excessives, la reconnoissance, et la generosité du Lion.
Mais pour revenir à nostre Corbeau, qui fût comme un joüet entre les mains des Enfants, il nous apprend que si la folle imitation des personnes relevées n’apporte point d’autre dommage, pour le moins cause-t’elle tous-jours de la risée.
Hermès, ayant appris la cause de sa tristesse, le prit en pitié ; il plongea dans la rivière, en rapporta une cognée d’or et lui demanda si c’était celle qu’il avait perdue.
Car quelle apparence y a-t’il de se rapporter à un tiers de ce que l’on est, et d’apprendre ses veritez de la personne d’autruy ?
Nous lisons presque la mesme chose de Diogene, à sçavoir, qu’ayant mesprisé toute sa vie le soing d’acquerir des richesses, voire jusques-là que de refuser les presents du plus grand Monarque de la terre, il fût attrappé sur ses vieux jours d’une extrême necessité ; de sorte qu’il s’exerçoit le long d’un porche à demander l’aumône aux statuës, afin, disoit-il, d’apprendre à n’avoir point de honte de mendier.
Ce qui nous apprend que les hommes qui s’ayment par trop, et qui semblent faire gloire de mespriser autruy, enchantez par la bonne opinion qu’ils ont d’eux-mesme, ne sont dans le monde que des Plantes inutiles, Dieu nous ayant fait naistre pour servir nostre Prochain, et l’assister charitablement.
Cela nous apprend, que les meschants qui faussent une amitié, et traictent avec cruauté ceux qui se confient en eux, reçoivent enfin la punition qui leur est deuë, voire mesme qu’ils tombent à la mercy de ceux qu’ils ont outragez.
De plus, elle compte aussi les delices de sa sobrieté : elle allegue la pureté de ses fontaines, et le goust naturel de ses grains, par où il semble qu’elle nous apprend, que la vraye volupté ne consiste pas dans le trop, mais dans le mediocre ; Et que ceux-là sont bien plus heureux qui sçavent en tout temps se garantir des excés, que ces autres qui en peuvent tousjours faire.
Socrate, Platon, et Diogene, preschoient l’obeyssance au Magistrat ; Et Jesus-Christ mesme, quoy qu’il fust Dieu, et le plus parfaict des hommes tout ensemble, n’a pas laissé de déferer au Commandement des Puissances terriennes, pour nous apprendre à le faire sans murmurer.