Le Paon estant à souper avecque la Gruë, la méprisoit d’une estrange sorte, et se vantoit fort, en luy faisant monstre de ses belles plumes.
Ce n’est pas un fort bon moyen Pour payer, que d’estre sans bien.
Les anciens Poëtes ont feint que Celius, Dieu par dessus tous les autres, engendra Saturne, que de Saturne nâquit Jupiter, puis Neptune Dieu de la mer, et Pluton Roy des Enfers : Ce que les Platoniciens expliquent fort doctement, quand ils disent que par Celius se doit entendre Dieu, en qui sont comprises toutes les creatures d’une maniere inefable ; et par Saturne le premier esprit Angelique, ou le monde exemplaire, selon la doctrine du mesme Platon, et de Mercure Trismegiste. […] Les Platoniciens expliquent cela bien delicatement, quand ils disent que par Venus il faut entendre une forte union de plusieurs choses discordantes, comme la celeste, où des Idées sans nombre sont joinctes à la Nature ; et celle de ce bas monde, qui est tres-estroicte, bien que composée de diverses Creatures, entre lesquelles il y a de la repugnance.
Mais pour response à ces objections, la Fourmy disoit, que pour son particulier elle se contentoit fort de son extraction, qui n’estoit pas si vile que la Mouche la faisoit ; qu’une demeure arrestée luy plaisoit autant qu’à elle une façon de vivre inconstante, et mal asseurée ; que les grains de bled dont elle se nourrissoit, et l’eau des fontaines, luy sembloient d’aussi bon goust, qu’à son ennemie ses pastez et ses vins delicieux ; qu’au reste elle joüyssoit de tous ces biens par un honneste travail, et non par une infame paresse. […] Voylà tout ce qu’elle peut dire en faveur des personnes vaines, qui ne consiste, à mon advis, qu’en certaines choses, encore sont-elles foibles, et fort peu considerables.