Aussi la premiere fin de l’establissement des Roys a esté pour contenir les Peuples en l’observation de ce qui est honneste et vertueux. […] Cela soit dit seulement pour les Monarchies Electives : car quant à celles qui ont authorisé d’âge en âge le droict de la succession, il est absolument necessaire de n’en pas sortir, à cause des inconvenients qui s’y rencontrent, et du zele devotieux que les Peuples ont à certaines familles ; comme l’eurent jadis les Romains aux descendans d’Auguste, les Egyptiens aux Ptolomées, les Perses aux arriere-nepveux de Darius ; et de nôtre temps les François à la Royale Tyge de Bourbon, les Espagnols à la Maison d’Austriche, et les Turcs à la famille des Othomans. Ceste faute neantmoins, en matiere d’eslection, n’a pas laissé d’estre commune à divers Peuples du monde, comme aux Agrigentins, lors qu’ils mirent Phalaris en une condition éminente par dessus eux, et porterent bien-tost apres la peine de leur imprudence, quand par ses horribles cruautez il faillist à rendre sa Ville deserte de gents de bien, et la peupla presque toute d’assassins. […] Par où l’on peut voir, qu’il arrive assez souvent à des Peuples Electifs, d’eslever à la domination des Roys dépravez, qui vivants avecque leur Peuple, comme s’il les devoit tousjours chasser, mettent le bien public dans l’indifference, et n’ont pour object que leur seureté particuliere.
ce peuple qui se pique D’estre le plus subtil des peuples d’aujourd’huy, A si mal entendu la volonté suprême D’un testateur ! […] Le peuple s’étonna comme il se pouvoit faire Qu’un homme seul eust plus de sens Qu’une multitude de gens.
Quant à la premiere, il semble qu’Esope ait voulu blasmer la conduitte des hommes, qui preferent la pluspart du temps la servitude à la liberté ; comme fit jadis le Peuple Hebrieu. […] Or ces moderateurs ne furent eslevez au commencement, que pour retenir le peuple dans l’observation des Loix. […] De toutes ces choses on peut inferer, que c’est une pernicieuse avanture pour un Peuple, de changer non seulement de forme, mais encore de Prince, à cause des tragiques évenements qui ont accoustumé de s’en ensuyure.
Aux noces d’un Tyran tout le peuple en liesse Noyoit son soucy dans les pots.
Qu’avez-vous, se mit à luy dire Quelqu’un du peuple croassant.
Ceste Fable me met en l’esprit une opinion que j’ay presque tous-jours euë touchant les Anciens ; à sçavoir, que les plus sages d’entr’eux n’ont creu la pluralité des Dieux que par feinte, affin de s’accommoder à la brutalité du Peuple. […] Combien y a-t’il de Partisans qui se nourrissent du sang du Peuple ? […] Or soit qu’ils le fissent, pour ce qu’ils apprehendoient les incommoditez du dernier âge, où possible pour publier avecque plus d’efficace leurs sages maximes, et qu’à ce besoin ils se servissent des biens qui frappent l’esprit du Peuple d’un certain respect accompagné de docilité ; tant y a, comme j’ay dit, qu’ils ne voulurent s’enrichir que sur le tard, quoy qu’il leur fût bien aisé de le faire plustost, veu l’estime particuliere que faisoient d’eux les plus grands Princes de leur siecle.
Il feint donc que le Singe est creé Roy par les autres animaux, à cause de la gentillesse de ses gambades : puis il assujettit ce nouveau Roy aux malicieuses finesses du Renard, qui le fait le joüet de tout son Peuple. Je me souviens à ce propos d’avoir leu, qu’au commencement des choses, quand il fût question d’establir en châque lieu une forme de Gouvernement, les Peuples jetterent d’abord leurs yeux sur les belles personnes, pource qu’elles frappent ordinairement avec esclat, l’imagination de ceux qui les considerent. Quand donc les Peuples estoient encores grossiers, et mal policez, ils déferoient la Couronne à la seule beauté corporelle, comme insensibles aux charmes de l’autre, ou plustost pource que la beauté de l’ame n’estoit pas encore en lustre, à cause de l’ignorance des hommes, et de leur raisonnement.
Tout babillard, tout censeur, tout pedant, Se peut connoistre au discours que j’avance : Chacun des trois fait un peuple fort grand ; Le Createur en a beny l’engeance.
L’orateur Démade parlait un jour au peuple d’Athènes.
Donnez-nous, dit ce peuple, un Roy qui se remuë.
Mais la perte la plus grande Tomba presque en tous endroits Sur le peuple Souriquois.
Dequoy le menu peuple irrité sur la croyance qu’il eût que ce n’estoit qu’un mensonge que cet indiscret vouloit debiter à son ordinaire, on le saisit aussi-tost, et le mena-t’on droit à la place publique, où sur l’apparence qu’il avoit inventé une fourbe si pernicieuse à l’Estat d’Athenes, il fut resolu de l’executer à mort. […] Car le peuple interessé pour sa perte particuliere, et generalement pour le dommage de tout l’Estat, se dissipa ça et là par les maisons, avec frayeur.
Le peuple hors des murs estoit déja posté.
Le peuple des Souris croit que c’est châtiment ; Qu’il a fait un larcin de rost ou de fromage, Egratigné quelqu’un, causé quelque dommage : Enfin qu’on a pendu le mauvais garnement.
Ce fut pour cela que les Ephores de Sparte eurent jadis bonne grace lors qu’en oyant un advis salutaire qui leur estoit proposé par un Meschant, ils s’adviserent de le faire dire au peuple par un homme de bien, comme ne voulant pas que la conservation de Lacedemone fust deuë à une personne indigne du nom de Sparte, ny que ceste Republique qui avoit pris naissance dans la vraye et parfaite probité, reçeût aucun avantage de son contraire.
Or il advint de bonne fortune, que le mesme Lion, dont il avoit esté le Medecin, luy fust presenté à combattre, pour donner du passe-temps au Peuple. […] Comme cét effect estoit extraordinaire, le Peuple en voulut apprendre la cause, de la bouche mesme de l’Esclave, qui se mit à la raconter tout au long, encherissant avec des paroles excessives, la reconnoissance, et la generosité du Lion.
Aussi est-ce de là que viennent les revoltes des Paysans et du menu peuple, à qui la Fureur met les armes à la main, et les porte indiscrettement à des actions precipitées et dommageables. […] N’est-ce pas luy qui a tiré son peuple de la servitude des Babiloniens, et du joug de Pharaon ?
Car, disoit-il, mes amis, ne pensez pas que les Senateurs, quoy qu’ils soient oysifs aux operations manuelles, et qu’ils employent le Peuple aux labeurs mécaniques, soient pour cela moins necessaires à vostre conservation.
C’est pour quoy nous voyons tous les jours par épreuve, que les petits qui se treuvent coûpables servent d’exemple au reste du peuple, afin de le détourner des meschantes actions, pource qu’en leur mort il y a peu de gents interessez, et que l’execution de leur arrest est pour l’ordinaire de petite difficulté.
La Renommée ayant dit en cent lieux, Qu’un fils de Jupiter, un certain Alexandre, Ne voulant rien laisser de libre sous les Cieux, Commandoit que sans plus attendre, Tout peuple à ses pieds s’allast rendre ; Quadrupedes, Humains, Elephans, Vermisseaux, La Republique des Oiseaux : La Deesse aux cent bouches, dis-je, Ayant mis par tout la terreur En publiant l’Edit du nouvel Empereur ; Les Animaux, et toute espece lige De son seul appetit, creurent que cette fois Il falloit subir d’autres loix.
Je n’en veux point d’autre exemple que celuy de Themistocles, de Coriolanus, et de leurs semblables, qui apres des services immortels ont esté cruellement bannis, voire quelquesfois mis à mort par l’ingratitude de leurs Peuples.
Les Medes ne vengerent-ils pas les peuples d’Orient de la tyrannie Assirienne, et les Perses ne firent-ils point raison à l’Univers de l’usurpation des Medes ?
Ce qui a fait descendre des Pays du Nort ces deluges innombrables de Gots, de Cimbres, de Teutons, de Vandales, de Huns, de Normands, et d’Avares, ç’a esté la douceur de nostre climat ; au lieu que jamais nous ne nous sommes rencontrez devers l’Aquilon, affin d’aller conquerir les Estats de ces Peuples esloignez de nous, pour en avoir esté destournez par la rigueur d’un hyver perpetuel.
Cela doit faire trembler les personnes de condition, et les détourner pour jamais de la cruauté, principallement de celle qui se figure un charitable pretexte du bien public, pour conclure la mort des Innocents avec la satisfaction des Peuples.
Vous avez une accortise merveilleuse à gagner les volontez des peuples, un profond jugement à penetrer dans les secrets Politiques, et un Courage inébranlable à ne relâcher jamais de ce qui est juste. […] Ce n’est sans doute qu’à ces Nestors, et à ces Cynees, qui veillent à sa conservation ; et qui sçavent parfaitement comme vous l’Art de gouverner les Peuples ; Ce qu’asseurement ils ont appris, ou de l’Experience, ou de la lecture des bons Livres, tels que celui-cy, qui en donne ingenieusement les preceptes.
Si c’est du temps mesme, ils sont, ou amis, ou ennemis, ou indifferents aux Roys et aux Peuples, dont ils font mention. […] Que s’il trouve une occasion de faire comparaison du Peuple Romain avec un autre, il luy cede à l’instant la préeminence, et s’estend si bien là dessus, qu’oubliant presque son mestier d’Historien, il semble s’estre persuadé qu’il est Orateur.
Car comme cét Animal ayant devoré une estrange quantité de bestes, se treuve accablé de vieillesse et de pauvreté, sans avoir la force de se lever pour s’en aller à la chasse ; Ainsi voyons-nous bien souvent, que ceux qui ont appauvry les autres, et qui se sont maintenus du sang du Peuple, ne laissent pas de se treuver au dernier periode de leur vie, dépourveus de toutes commoditez, languissants de faim, et reduicts à la mercy de leurs Ennemis.
Tout le peuple s’escria pour lors d’un commun accord : « ô Xanthus, affranchy Esope : obey aux Samiens, et fay ce bien à leur Ville ! […] Ce que voyant le Preteur, « Asseurément », luy dit-il, « si tu ne veux obeyr au peuple, j’affranchiray Esope tout maintenant, et il sera fait semblable à toy ».
Par exemple, quoy qu’en l’achapt des chevaux, les Princes, les Gentils-hommes, et les Soldats, fassent librement de la despense pour en avoir, et qu’il n’y ait point de peuples qui les prisent plus que font les François, les petits Tartares, les Causaques, et les Arabes ; Il y a toutesfois une certaine mediocrité, proportionnée à la valeur de cét animal, selon laquelle il est juste de l’achepter, et de le vendre.
Ce fut dequoy se treuverent mal jadis tous ces peuples, qui se jetterent imprudemment, ou en la protection des Romains, ou dans le party de l’Orient.
En effect, la pluspart de ceux qui ont entrepris d’affranchir les Peuples de la tyrannie, l’ont fait par le moyen des Lettres ; Tesmoin le Philosophe Dion, qui apres avoir passé les plus beaux jours de sa vie en l’Escolle Academique, n’entreprit la genereuse action qu’il executa, que bien avant sur le declin de son âge.
Si l’un le peut rendre ridicule et desagreable aux yeux du peuple ; l’autre en recompense luy peut acquerir la bien-veillance et l’estime des sages.
Tellement que le droict de la nature, et des peuples, nous permet de le demander, et mesme il nous y convie.
Ce qu’ils en font, c’est par un vain espoir de s’acquerir de l’esclat en leur compagnie, et de jetter dans l’esprit du peuple autant de respect qu’il en a pour les plus qualifiez.
Ce qui n’est pas encore si prodigieux, que ce qu’on raconte de quelques contrées des Indes Orientales, où s’en vont fondre de temps en temps de si espaisses nuées de Sauterelles, que le Soleil mesme en est obscurcy, et tout le peuple contrainct d’abandonner le pays.
Si je suivois mon goust, je sçaurois où buter ; Mais j’ay les miens, la Cour, le peuple à contenter.
Celuy-cy courant fortune d’estre pris, à cause de la soudaine esmotion du Peuple, se jetta dans une ruë auprés de celle où estoit arrivé le combat, et se lança teste baissée dans la premiere porte qu’il pût rencontrer, où après avoir monté le degré, et passé par deux ou trois anti-chambres de plain pied, il vint à la fin en celle d’une Dame, qu’il trouva pour l’heure au lict, à cause de quelque indisposition.
Car de dire que ce fût une haute resolution d’aymer mieux mourir que souffrir un Tyran, c’est ce qu’on ne peut alleguer pour sa deffense, veu que s’il avoit à se precipiter à une mort certaine, pour ne voir le Peuple Romain en subjection, il le pouvoit faire beaucoup mieux du temps de Cesar, au lieu de changer foiblement de party, et se laisser conduire à la bonne fortune du Vainqueur.
Car ordinairement les Peuples brusques et determinez font de plus grandes pertes, que les autres.