De là est, à mon advis venuë la coustume que nous avons, d’appeller Gruës ceux qui se laissent affiner par les meschants, apres avoir donné leur peine et leur temps pour les obliger. […] Apres avoir violé les loix qui obligent la creature au Createur, apres avoir franchy toutes les regles de la nature et de la Religion, est-il à croire que tels ingrats observent les loix d’une simple amitié, et encore vaine et fausse, puis que selon le dire d’Aristote, il n’en est point de vraye, que celle dont la Vertu est le fondement ? Ce n’est donc pas avec intention d’étre recompensé, qu’il faut obliger les meschants, mais seulement à dessein de faire une bonne action, et de respecter en eux, le mesme Dieu qu’ils ont commun avecque nous.
Ennus estant remis en grace, Esope l’accueillit si genereusement, qu’il ne le voulut fascher en rien ; au contraire il le traicta mieux que jamais, et comme son propre fils, luy donnant plusieurs belles instructions, dont les principales furent celle-cy. « Mon fils, ayme Dieu sur toutes choses, et rends à ton Roy l’honneur que tu és obligé de luy rendre. Montre toy redoutable à tes ennemis, de peur qu’ils ne te mesprisent : mais traicte courtoisement tes amis, leur estant doux et affable, pour les obliger à t’en aymer davantage.
Car nous devons avoir en l’ame un secret souvenir du tort que nous leur avons fait, qui nous deffend de nous en servir, de peur de les aigrir davantage, et de leur remettre en memoire les déplaisirs du passé, D’ailleurs, c’est une action toute pleine d’inconstance, et de fausse conduite, et cela s’appelle proprement traicter en amis ceux à qui nous avons donné sujet de ne le plus estre, puis que, selon Senecque, celuy-là oblige le plus, qui donne aussi le plus de moyen à l’autre de l’obliger.
Mais si tu n’estois ingrat ; comme tu m’as aymé jeune, à cause du profit, cette mesme consideration devroit t’obliger à m’aymer aussi en ma vieillesse ». […] Jugez, je vous prie, si ce n’est pas une belle satisfaction à ces miserables, au lieu de treuver la recompense de leurs travaux, d’estre payez d’ingratitude, et de risée, et encore par la personne du monde, qu’ils ont le plus obligée.
Le Lievre et la Perdrix concitoyens d’un champ, Vivoient dans un état ce semble assez tranquille : Quand une Meute s’approchant Oblige le premier à chercher un azile.
Il n’est teste chauve qui tienne ; Je vous suis obligé, Belles, de la leçon.
Cependant, ses premiers amis qui le voyent affligé, ne viennent aucunement à son secours : au contraire, ils se tiennent bien loin de luy, et ne daignent escouter les plaintes que la necessité l’oblige de faire. […] Ce qu’ils faisoient, à mon advis, de peur d’estre obligez à le secourir, en le rendant odieux, pour justifier leur tyrannie, sous un specieux pretexte de ne faire pas estat d’un meschant.
Le moindre vent qui d’aventure Fait rider la face de l’eau Vous oblige à baisser la teste : Cependant que mon front au Caucase pareil, Non content d’arrester les rayons du soleil, Brave l’effort de la tempeste.
La soif les obligea de descendre en un puits.
puis qu’au lieu de rechercher ardemment les occasions d’obliger, elles se divertissent au contraire à faire du mal, et rendent à leurs Prochains des déplaisirs qu’ils ne pourront jamais reparer. […] Mais sur toutes choses, il se donnera le soing d’estendre ses bons offices jusques aux personnes mesme qu’il envie, puis qu’il est certain que nous aymons d’ordinaire plus que les autres, ceux à qui nous avons fait plaisir, et que cela nous oblige à les considerer comme un ouvrage de nostre main.
Alors Diogène, s’approchant du passeur, lui dit : « Je ne te sais plus gré de ton service ; car je vois que ce n’est point le discernement, mais une manie qui te fait faire ce que tu fais. » Cette fable montre qu’à obliger les gens de rien aussi bien que les gens de mérite, on s’expose à passer non pour un homme serviable, mais pour un homme sans discernement.
Il faut autant qu’on peut obliger tout le monde.
En quoy certes les grands Rieurs ont, comme je croy, moins d’avantage que les autres : Car encore qu’ils sçachent donner un coup de bec fort à propos, et de bonne grace, à cause de l’habitude qu’ils y ont acquise, si est-ce qu’ils ne laissent pas d’estre plus examinez que les autres, pour le grand nombre de gents qu’ils obligent à cela, l’exercice desquels n’est que d’esplucher leur vie, afin de trouver où mordre à leur tour, et rendre la pareille à l’aggresseur. Aussi voyons-nous d’ordinaire que telle espece de gens est extrémement noircie en son estime, non seulement par de veritables remarques, mais par de fausses aussi : Car la colere de ceux qu’ils ont offensez les oblige quelquesfois à controuver mesme des calomnies pour se vanger.
Ils peuvent respondre à cela, qu’ils y sont conviez par la frequente importunité des autres, qu’ils les viennent voir à leur lever ; les convient à disner en leurs Maisons, leurs escrivent à tout propos, les tyrannisent à force de compliments ; et pour le dire en un mot, qu’ils ne leur laissent pas un seul moment de repos sans pretendre à les entretenir ; si bien que par une raison de civilité, plustost que de bien-vueillance, ils se trouvent obligez à leur permettre un libre accez dans leur frequentation. […] Y a-t’il des loix si rigoureuses dans la bien-sceance, qu’elles nous obligent à voir sans cesse nos Ennemis ?
Eux doncques se sentans extrémement obligez à la courtoisie d’un si bon hoste, leverent les mains au Ciel, et recompenserent leur bien facteur par des prieres, qu’ils firent en sa faveur.
Elle la prend au mot, se glisse en la cabane : Point de coup de balay qui l’oblige à changer.
Quelques jours apres, Xanthus voyant qu’il ne pouvoit fléchir sa femme, ny faire sa paix avec elle, si fort elle estoit fâchée, luy envoya quelques uns de ses Alliez, pour l’obliger à revenir au logis.
Le berger, étant descendu, et voyant le méfait, s’écria : « Méchantes bêtes, vous donnez aux autres de la laine pour se vêtir, et à moi qui vous nourris, vous m’avez enlevé même mon manteau. » Ainsi beaucoup de gens obligent sottement ceux qui ne leur sont rien, et se conduisent vilainement envers leurs proches.
L’Oyseau de Jupiter, sans répondre un seul mot, Choque de l’aîle l’Escarbot, L’étourdit, l’oblige à se taire ; Enleve Jean Lapin.
La mesme chose arrive entre les Chicaneurs, qui se surprennent les uns les autres par les papiers qu’ils se prétent, et obligent quelquesfois les personnes ignorantes en ce mestier, à signer des actes contre leur propre cause, sans sçavoir le dommage qu’ils se font.
De vigilance, pour surveiller aux moyens d’agir, et de venir à bout de quelque haute entreprise ; De bonne conduitte, pour ne laisser en arriere aucune industrie de celles qui peuvent faciliter une affaire ; Et de probité, affin que les Ministres n’ayant l’Esprit qu’à des interests mercenaires, ne tournent à leur proffit particulier les advantages qu’ils sont obligez de rapporter au bien du public.
Vos seditions et vos coleres les auront obligez à prendre un autre party, et cependant vous demeurerez là sans deffense, dépourveus de conseil et d’appuy, sans richesses, sans authorité, et pour le dire en un mot, la proye de vos voisins.
Tel fut l’avis du Phrygien ; Alleguant qu’il n’estoit moyen Plus seur pour obliger ces fille A se défaire de leur bien.
« Seigneur », luy dit-il, « vous m’obligeriez fort, si vous me vouliez resoudre d’une question que j’ay à vous faire ». « Quelle est donc ceste question », respondit Xanthus ; « D’où vient », reprit le Jardinier, « qu’encore que je cultive, et que j’arrose avec tout le soing qui m’est possible, les herbes que j’ay plantées, elles ne prennent toutesfois leur accroissement que bien tard, au contraire de celles, que la terre produict de soy-mesme, qui ne laissent pas d’estre plustost advancées, encore qu’on n’y prenne pas tant de peine ?
La Nature l’ayant donnée à ceux du premier âge, ne furent-ils pas bien mal-heureux de la laisser perdre, pour la seule dispute du tien et du mien, d’avoir esté obligez de chercher à leur convoitise des moderateurs, dont ils n’auroient jamais eu besoin, s’ils eussent demeuré dans les sacrées bornes de la mediocrité ?
Herode tout de mesme donna plus de preuves de sa ferocité dans le lict de la mort, qu’il n’en avoit donné auparavant, jusques à faire égorger son propre fils Antipater, et à commander serieusement, qu’à son heure derniere l’on fist un massacre general, pour obliger tous ceux de la Ville à pleurer, en les interessant par leur propre perte.
Croy-tu d’avanture qu’Æsculape se soit derechef desguisé en forme de Serpent, pour obliger ta famille ?
Nous sommes bien obligez d’user de courtoisie et de charité envers nos ennemis, s’ils nous en requierent, pourveu toutesfois que nous ne fassions tort à une personne qui nous est plus chere, et plus precieuse qu’eux, c’est à dire, à nous-mesme.
Au contraire, il faut qu’elle les oblige de gré à gré, et mesme qu’elle les convie à recevoir ses biens-faicts.
Ce qui doit asseurément obliger les hommes, non seulement à ne point mespriser ceux qui semblent imparfaicts, mais encore à estre contents de leur condition, et à remercier Dieu des biens qu’ils possedent, au lieu de se plaindre de ceux qu’ils n’ont pas.
Mais quant aux hommes d’Estat, et d’affaires, desquels Platon a voulu parler, lors qu’il a dit, que ceste Republique estoit bien policée, où les Philosophes regnoient, et où les Roys philosophoient, il n’y a point de doute que le devoir de leur charge les oblige à suivre un autre genre de vie.
Il a possible ouy dire qu’un Philosophe avoit entrepris d’enseigner à un animal de son espece la dance Pyrrhyque, dans le terme de dix ans, et qu’à dessein il s’estoit obligé envers un Empereur ; ou possible a-t’il appris que en Egypte, selon le dire de Cardan en ses subtilitez, par une certaine invention l’on apprend aux Asnes à trepigner à la cadance de quelque instrument, et reüssir de fort bonne grace à plaire à tous les spectateurs.
Ainsi, quand mesme elle ne seroit suivie d’aucun avantage temporel, nous ne laisserions pas d’estre obligez à la pratiquer, en consideration de sa noblesse et de sa dignité.
D’où il faut conclure, que la mesme raison qui nous fait desirer les biens, nous oblige aussi à nous consoler, quand la mauvaise fortune nous les oste.
En cecy il faut remarquer si ce glorieux mespris des foibles, qui nous oblige à souffrir patiemment leurs injures, vient de la seule raison, ou si l’instinct de la nature mesme est capable de nous y porter.
S’il ne reste aux vieillards pour le soulagement de leurs chagrins, que le repos et le respect dont la jeunesse est obligée de leur donner des témoignages continuels, n’est-ce pas une maniere de desespoir à ces pauvres gents, de se voir accueillis d’une inquietude necessiteuse, et abandonnez au mespris de tous les autres hommes ?
A propos dequoy Virgile a raison de s’ecrier, Cruel demon de l’or, dont le cœur est battu, A quelle extremité ne nous obliges-tu ! Pareille fût l’avanture de ces deux Amis, qui voyageants ensemble par toute la Grece, arriverent de hazard en une Ville, où ils furent contraints de se separer, à cause que l’un des deux estoit obligé de visiter la maison de son ancien hoste, et de laisser son amy dans une hostellerie. […] Elle ne nous a pas obligés à porter de precieux habillements enrichis d’or et de perles.