dit la premiere, Faut-il que l’amour propre aveugle les esprits D’une si terrible maniere, Qu’un vil et rampant animal A la fille de l’air ose se dire égal ?
Sans doute Prométhée l’avait fait grand et beau, il lui avait armé la mâchoire de dents et muni les pattes de griffes, il l’avait lait plus fort que tous les autres animaux ; « mais avec tout cela, ajoutait-il, j’ai peur du coq. » Prométhée lui répondit : « Pourquoi m’accuses-tu à la légère ?
Un escarbot l’aperçut et s’étonna de la voir si laborieuse, elle qui travaillait au temps même où les autres animaux, débarrassés de leurs travaux, se donnent du bon temps.
Il a possible ouy dire qu’un Philosophe avoit entrepris d’enseigner à un animal de son espece la dance Pyrrhyque, dans le terme de dix ans, et qu’à dessein il s’estoit obligé envers un Empereur ; ou possible a-t’il appris que en Egypte, selon le dire de Cardan en ses subtilitez, par une certaine invention l’on apprend aux Asnes à trepigner à la cadance de quelque instrument, et reüssir de fort bonne grace à plaire à tous les spectateurs. […] ô la sottise de cét animal !
Or ces delices qu’on trouve à changer, viennent, sans doute, de ce que nous nous rassasions facilement d’une mesme action, ou d’un mesme object, et de ce que nostre entendement se portant à tout cognoistre, nostre volonté de mesme se porte à tout esprouver ; En quoy, certes, les animaux ont de l’avantage par dessus nous ; Car ils vivent dés le commencement du monde dans les mesmes regles, et relevent des mesmes principes. […] Que si Esope rend icy les Colombes capables de ces fautes, ce n’est pas que les animaux le soient veritablement d’aucun crime, non plus qu’ils ne le sont pas de la parole et du discours, mais il represente en leur personne la faute des hommes, et nous départ ainsi ses enseignements.
Un lion, ayant entendu coasser une grenouille, se retourna au son, pensant que c’était quelque gros animal.
Une taupe — la taupe est un animal aveugle — disait à sa mère qu’elle voyait clair.
Tous les animaux s’enfuirent ; seul, le lion le provoqua au combat.
Quelqu’un de ces Voluptueux peut bien dire avec ce foible animal ; « Voicy j’ay tant beu, j’ay tant mangé, je me suis tant lavé que je meurs saoul de ce broüet ».
Aussi ceste maniere de bassesse a esté attribuée par Esope au Bouc, le plus infect, et le plus vilain de tous les animaux.
Premierement, ce qu’il dit de la Chauve-souris, témoigne un naturel avare : Dequoy semblent faire foy les yeux surveillans, les ongles crochus, et les monstrueuses aisles de cét Animal.
Ce maudit animal vient prendre sa goulée Soir et matin, dit-il, et des pieges se rit : Les pierres, les bastons y perdent leur crédit.
L’Animal se tient prest ; Remerciant les Dieux d’une telle avanture.
Les Fables ne sont pas ce qu’elles semblent estre ; Le plus simple animal nous y tient lieu de Maistre.
Il che veduto allhor l’afflitta madre Restò del caso rio trista e dolente ; Et non potendo farne altra vendetta, Quando per esser animal terrestre, Et senza penne da levarsi a volo, Non può gir dietro a sì veloce augello ; Di cor la maledice, et la bestemmia, Sì come fanno i miseri impotenti, C’han per solo rimedio in mezo a i guai Lo sfogar in tal guisa il giusto sdegno Contra chi loro a torto ingiuria move : In tanto odio e veleno si converte De le grate amicitie la dolcezza Quando da gli empi simulati amici Indegnamente violate sono.
L’Asne pesant et tardif se mocquoit un jour du Sanglier, qui grinçant les dents de courroux ; « Lasche animal », luy dit-il, « si tu valois la peine d’estre battu, je sçay que tu ne le merites que trop, mais ce me seroit une honte de te chastier. […] Si donc ceste experience est visible, et au temperamment de nos personnes, et en la nature du feu, n’aurons-nous pas raison de dire aussi, qu’il en arrive de mesme en la vengeance des animaux, à sçavoir que le sang leur boüillant autour du cœur par le moyen de la colere, ne s’aigrit pas si aisément pour une petite resistance, que pour une grande, ny ne desploye pas toutes ses forces naturelles contre un petit object, voire mesme le laisse aller bien souvent sans le toucher, pource qu’une si chetive presence n’est pas assez forte sur sa fantasie, pour l’esmouvoir à courroux.
Que les grands Seigneurs se viennent instruire icy par la voix d’un pauvre animal, qui reproche de bonne grace à son Maistre une excessive ingratitude.
Car l’homme, le plus noble des animaux, et qui a de l’empire sur eux, vange la querelle des petits contre les grands, et nous apprend par cét exemple, qu’il faut que nous soyons protecteurs de l’innocence, quand la fortune nous en donne le pouvoir et l’authorité.
Ce n’est point de la hauteur de tes cornes que tu dois faire tant de vanité, ô animal inconsideré.
Je pense qu’il y a deux ou trois Fables dans ce livre, qui contiennent le mesme sens de celle-cy, à sçavoir que la Nature a doüé châque animal de quelque vertu, capable de rendre tout le monde satisfaict, et cela avec tant de justesse et de proportion, que nul n’est mécontent de son partage.
Ou si c’est qu’en sa naissance l’Aigle fût un Animal genereux et noble, de qui la Vertu s’abâtardit insensiblement en une Cour, depuis que ce Roy des Oiseaux vint à estre le favory de Jupiter, qu’il fût employé à porter les armes, et qu’il se mesla de l’infame ministere de ses amours ? […] L’Aigle donc ne sera point excusable, pour avoir usé de tromperie envers un animal infidele, quand mesme il l’eust esté mille fois davantage.
Le noble et courageux Oyseau de Jupiter instruit aujourd’huy par son exemple, les hommes, qui avec trop de franchise et de simplicité, se gouvernent par le conseil des Trompeurs, car ayans suivy celuy de la Corneille, il se trouva n’avoir esté que le cuisinier de ce vil animal, et luy avoir appresté en mesme temps, et à manger et à rire.
Qui n’estimera l’obeïssance de cét animal innocent ?
En vain pour estre paré de la glorieuse dépoüille du Lion, tu penses épouvanter les autres bestes ; ô stupide animal d’Arcadie : ta feinte n’est pas assez adroitte ; tes longues oreilles te trahissent, et ceste affreuse peau qui te couvre, ne peut aucunement te faire perdre ta lascheté naturelle.
Jupiter voulut une fois que tous les animaux comparussent devant luy, pour juger lequel d’entr’eux avoit de plus beaux Enfans.
Il avait fait peindre, pour le distraire, des animaux de toute sorte, parmi lesquels figurait aussi un lion.
Par exemple, quoy qu’en l’achapt des chevaux, les Princes, les Gentils-hommes, et les Soldats, fassent librement de la despense pour en avoir, et qu’il n’y ait point de peuples qui les prisent plus que font les François, les petits Tartares, les Causaques, et les Arabes ; Il y a toutesfois une certaine mediocrité, proportionnée à la valeur de cét animal, selon laquelle il est juste de l’achepter, et de le vendre.
Voicy un exemple du peu de generosité d’un foible animal, comparable à la coustume des femmes et des poltrons, qui ont recours aux injures, et aux poüilles mesmes, quand ils sont en lieu de seureté ; mais s’ils se trouvent quelquesfois en pleine campagne, ils oublient alors le langage de leur colere, et ne s’abandonnent plus qu’aux prieres et aux supplications.
Sappi, che l’animal, che tanto humile Prima ti parve, e di bontà ripieno, È il più malvaggio, che si trovi in terra, Perfido, iniquo, fiero, discortese, E di tua specie natural nimico : E sol ti si mostrava in vista humano Sol per assicurar tua puritade Di farsegli vicina, onde potesse Dapoi satiar di te sua ingorda fame.
Alors il s’est demandé qui des animaux régnerait après lui. […] Alors le renard, se tenant à distance, lui dit : « Véritablement ce cerf n’avait pas de cœur ; ne le cherche plus ; car quel cœur pouvait avoir un animal qui est venu par deux fois dans le repaire et les pattes du lion ?
Or quoy que le procedé que tiennent ordinairement ceux qui veullent accabler l’Innocence, soit en tout temps des-agreable à Dieu et aux hommes ; si est-ce que les plus artificieux ont accoustumé de le colorer d’un faux pretexte de justice, imitant le Loup de ceste Fable, qui imposoit au malheureux Aigneau d’avoir troublé l’eau de la riviere pendant qu’il beuvoit, quoy que la delicate bouche de cét animal ne peut faire beaucoup d’agitation, eu égard à la distance qui estoit entre l’un et l’autre.
Mais comme la force vient à luy manquer, à cause de son extraordinaire vieillesse, il veut s’ayder de la ruse, et oublier pour quelque temps qu’il est Lion, c’est à dire, le plus genereux de tous les animaux.
Alors les Egyptiens bien estonnez, et bien fâchez tout ensemble de voir traicter de ceste sorte un animal qu’ils avoient si fort en reverence, accoururent tous à la foule, et arracherent le pauvre chat des mains de ceux qui le battoient ; puis ils s’en allerent au Roy, pour luy dire comment l’affaire s’estoit passée. Nectenabo fist à l’instant appeller Esope ; et s’estant mis à le tancer ; « D’où vient », luy dit-il, « que tu as ainsi fait battre un chat, que tu sçais estre un animal, que nous reverons comme un Dieu ?
Pour nous figurer cette verité, le subtil Esope introduict en cette Fable le plus prudent des animaux, à sçavoir le Serpent, qui se despoüille bien veritablement de toute rancune contre le Laboureur qui l’a offensé, mais qui n’est plus resolu de retourner en sa maison.
Cét animal, qui n’est qu’une Gruë, te rend la pareille de fort bonne grace, et te fait porter la peine de ta mocquerie.
A quoy j’adjousteray le raisonnement, qui pour estre en nous tres-imparfaict, ne laisse pas toutes-fois de contenir quelque chose d’excellent et de grand par dessus tout ce qui est dans le monde : Or que la beauté du corps nous rende semblables aux animaux, cela se découvre assez en ce que la leur consiste comme la nostre, et en couleur, et en proportion ; Et ne sert de rien de dire, qu’ils n’ont pas les traits de leur corps semblables aux nostres, puis qu’il est certain que nous ne leur ressemblons pas, ny du visage, ny de la stature.