Car la Nature ayant fait naistre Esope d’un Esprit libre, la Loy des hommes livra son corps à la servitude. Elle ne pût toutesfois ny corrompre la liberté de son esprit, ny le mettre hors de son assiette, quoy qu’elle transportast son corps en plusieurs lieux, et en diverses affaires.
Car ce Renard, qui entre fort aisément par l’ouverture d’une cloison, quand il a le corps déchargé de graisse, que peut-il signifier plus à propos, si ce n’est que l’acquisition de la science n’est pas mal-aisée aux personnes deliées, et déprises de toutes voluptez superfluës. C’est ce qu’ont voulu dire les Anciens, en nous representant les Muses chastes et sobres, et en donnant aux Poëtes le Lierre, qui represente par sa pasleur je ne sçay quelle abstinence des aises du corps. […] Pour ceste mesme raison Jules Cesar souloit dire, qu’il n’apprehendoit point les hommes gras comme Crassus, mais bien les décharnez, et les maigres, comme Brutus ; par où il vouloit monstrer, sans doute, que la magnanime pensée d’affranchir l’Estat de sa sujection, ne pouvoit pas tomber dans un corps enflé de delices, et assouvy de voluptez ; mais que telle entreprise n’appartenoit qu’aux personnes subtiles et Philosophiques.
Il crut que dans son corps elle avoit un tresor.
Le mesme arrive ordinairement aux fiévres, et aux intemperies des corps humains. Car la fiévre estant proprement un combat de la chaleur naturelle contre l’estrangere, nous voyons, que si ceste derniere ne survient qu’avec peu de force, et peu de malignité, nostre vigueur naturelle ne se produira pas tout à faict pour la repousser, et ne causera point dans nostre corps ceste generalle alteration, que nous voulons signifier par ce mot de fiévre, qui se terminera par une migraine, par quelque douleur particuliere, ou tout au plus par une petite Ephemère, qui ne durera pas plus d’un jour. […] A cela j’adjousteray, comme je l’ay promis, les exemples des bestes brutes, qui sçavent pardonner aux ennemis, leurs inferieurs, et principalement le Lion : Car comme dit le Poëte, C’est assez de victoire au Lion genereux De terrasser les corps, et de se voir sur eux. Le mesme effet de Noblesse se trouve en l’Ours, qui ne met jamais la dent sur un corps mort, à cause, comme je croy, qu’il est incapable de resistance.
Aux raisons de l’hirondelle la corneille répliqua : « Ta beauté ne fleurit que pendant la saison du printemps, tandis que moi, j’ai un corps qui défie même l’hiver. » Cette fable montre qu’il vaut mieux prolonger sa vie que d’être beau.
» Li corps respunt : « Laisse m’ester !
Il arriva par là que les hommes de petite taille, remplis par leur portion, furent des gens sensés, mais que les hommes de grande taille, le breuvage n’arrivant pas dans tout leur corps, eurent moins de raison que les autres.
Damoiselle Belette au corps long et floüet, Entra dans un Grenier par un trou fort étroit.
Dunc [s’en] revolt as corps aler, si cum einz fist, corp resembler ; mes il l’unt tut descun[e]u, si l’unt ocis e debatu.
Mais la revolution des temps fist qu’ils se détromperent enfin, quant à l’excellence du corps, et trouverent qu’il y avoit une plus noble et plus loüable qualité en nous, à sçavoir la cognoissance des choses, et la veritable force de l’ame ; Qu’au reste, ceste derniere faculté n’alloit pas tousjours conjoinctement avecque les graces corporelles, mais qu’on voyoit d’ordinaire les belles personnes foibles et stupides ; et au contraire quantité de corps monstrueux, doüez d’un entendement extraordinaire. […] Il suffit d’avoir monstré l’intention du sage Esope, à sçavoir que les gents bien avisez n’ont jamais creu que la Souveraineté se peust acquerir par le seul merite du corps, mais qu’au contraire, elle estoit deuë aux excellentes parties de l’ame.
Enfin il se trahit luy-mesme Par les esprits sortans de son corps échauffé.
Gaillard Corbeau disoit, en le couvrant des yeux, Je ne sçay qui fut ta nourrice ; Mais ton corps me paroist en merveilleux état : Tu me serviras de pâture.
A son réveil il treuve L’attirail de la mort à l’entour de son corps, Un luminaire, un drap des morts.
Fust teus ses chanz cum est ses cors, il vaudreit meuz que nul fin ors. » Li corps se oï si bien loër quë en tut le mund n’ot sun per, purpensé s’est qu’il chantera, ja pur chanter los ne perdra : le bec overi, si chanta e li furmages li eschapa ; a la tere l’estut cheïr e li gupil le vet seisir.
Ce que j’avance icy n’est point hors de propos ; Puisqu’il s’agit dans cette Fable D’une femme qui dans les flots Avoit fini ses jours par un sort déplorable, Son Epoux en cherchoit le corps, Pour luy rendre en cette avanture Les honneurs de la sepulture.
mais elle n’a pas de cervelle. » Cette fable convient aux hommes magnifiques de corps, mais pauvres de jugement.
MONSIEUR, La deformité du corps estant, comme elle est, une marque ordinaire de celle de l’ame, j’auois un juste sujet d’apprehender que pour cette raison ce pauvre Esclave estranger, à qui je fais parler nostre langue, ne fust mal venu aupres de vous. […] Son corps est esclave d’un maistre ; mais son ame est libre et Reyne de ses passions, et quelque laid que soit son visage, son esprit est pourtant extrémement beau.
Je dis donc, que l’estat de la richesse immoderée est pernicieux à l’homme, autant qu’une chose le peut estre, c’est à dire, à l’ame et au corps tout ensemble. […] Mais je pense que nous avons suffisamment prouvé, que la richesse excessive est dangereuse, quant à l’ame : Voyons maintenant s’il n’est point vray qu’elle ne haste pas moins la ruyne du corps. Il n’y a point de doute qu’il faut que le corps perisse, d’autant qu’il est materiel, et par consequent corruptible. […] Or ces deux sortes d’inconvenients sont beaucoup plus frequents à l’homme riche qu’au pauvre, et par consequent la richesse est plus ruyneuse au corps, que la mediocrité.
Des chasseurs parurent : les grues, légères, s’envolèrent ; mais les oies, retardées par la pesanteur de leurs corps, furent prises.
Certes nous sommes agiles de corps, mais lasches de cœur.
L’on va, l’on vient, les valets font cent tours ; L’Intendant mesme, et pas un d’aventure N’apperçut ny corps ny ramure, Ny Cerf enfin.
Je t’en dis de mesme, ô grand Roy, et soubmis à tes pieds, je te prie de ne me point faire mourir sans cause, car je ne suis pas homme qui veüille nuire à personne, et si l’on peut blasmer quelque chose en moy, c’est qu’en un corps chetif et difforme, je loge une ame qui ne sçauroit rien flatter ».
S’il a quelque besoin, tout le corps s’en ressent.
Tesmoin le Chien du Poëte Hesiode, qui demeura prés du corps de ce grand homme, jusques à ce que des survenants le mirent en terre ; et peu de temps apres il accusa les assassins de son Maistre avec des cris et des hurlements, en suitte desquels ces meschants furent mis en prison, d’où ils ne sortirent que pour aller au supplice. Une pareille chose, et encore plus admirable, se raconte d’un autre Chien, qui fit un duel contre un homme, pour prouver corps à corps l’assassinat de son Maistre ; et de cela il en arriva la victoire au Chien, et la punition au meurtrier. […] La source, à mon advis, en est tirée de bien plus loing, à sçavoir de la Metempsicose de Pythagore, qui ayant publié par toute l’Italie, que les ames humaines passoient d’un corps à l’autre jusques à la fin des siecles, donna sujet à ceste opinion, et fist croire à beaucoup de gents, que les esprits vertueux avoient leur retraicte asseurée dans des corps aggreables et tranquilles, comme sont le Cygne, la Brebis, et quantité d’autres ; que les genereux ranimoient des Aigles ou des Lions, et que les Malicieux avoient à devenir Renards, les Voluptueux, Pourceaux, les Bien-advisez, Elephants, les Fideles, Chiens, les Ingenieux, Singes, et ainsi des autres ; Puis il disoit, que ces mesmes ames rentroient dans des corps humains, et revenoient faire une course en leur premiere lice, continüant de cette sorte jusqu’à l’entiere revolution des siecles, qu’ils appelloient la Grande Année, à sçavoir celle-là qui ramenoit les choses à leur premier poinct, et faisoit revenir en mesme estat, en mesme circonstance, et en mesme progrez toutes les actions de la vie. […] Cela estant plus clair que le jour, et generallement avoüé par toutes les Escolles, nous voyons bien en quoy l’homme convient avec tous les autres corps de la nature, à sçavoir en l’estre, et pareillement en quoy il convient avecque les bestes, à sçavoir en l’Animalité. […] Ce qui ne seroit point, à la verité, si avec les advantages du corps, la Nature leur avoit donné la faculté de discourir.
Un lion dormait ; un rat s’en vint trottiner sur son corps.
Le Firmament se meut ; les Astres font leur cours ; Le Soleil nous luit tous les jours ; Tous les jours sa clarté succede à l’ombre noire ; Sans que nous en puissions autre chose inferer Que la necessité de luire et d’éclairer, D’amener les saisons, de meurir les semences, De verser sur les corps certaines influences.
Premierement je mettrois en question, si c’est une chose réellement faisable de transmuër les corps des uns aux autres ; ou si ce qu’on nous raconte de la Lycantropie n’est qu’un fantastique changement, qui a l’apparence de la chose, et non la réalité. […] Ce que les Poëtes ont expressément témoigné par la Fable de Circé la Magicienne, à qui ils ont donné le pouvoir de changer en bestes les corps des hommes, pour monstrer par là que les vices immoderez nous ostent l’usage de la raison. […] Si elle est trop vieille, ils loüeront l’assemblage du bon jugement avecque celuy du corps.
» Esope n’eust pas plustost achevé ces mots qu’un des Assistants se tournant vers Xanthus ; « Asseurément », luy dit-il, « si tu ne prends garde à toy, j’ay belle peur que ce poinctilleux ne te fasse devenir fol, Car tel qu’est son corps, tel est son esprit » ; Mais Esope le renvoya bien viste, et sans s’émouvoir autrement : « Va », luy dit-il, « tu me sembles étre un tres mauvais homme de te mesler des affaires d’autruy, et d’irriter sans raison le Maistre contre le serviteur ».
Mais ayant dessein de parler d’elles en Philosophe, et non pas en Poëte, ny en homme enflammé d’Amour et de colere, je ne leur donneray point des loüanges si excessives, ny des blâmes si desobligeants ; et diray seulement, que supposé qu’en tout le genre humain l’Ame soit égale, et que neantmoins elle produise ses effets differamment, selon les corps où elle est infuse, et les organes qu’elle y rencontre, il arrive presque tousjours que l’homme surpasse la femme, et en grandeur de courage, et en force de jugement. […] Bref, c’est l’accomplissement de la Nature humaine que le Masle, au lieu que la femme luy doit ceder, soit quant aux conditions de l’esprit, soit pour la force du corps.
Il suivit le conseil, se laissa tomber et se froissa tout le corps.
Son camarade le voyant gras et en bon corps, lui rappela sa promesse et lui reprocha de ne lui avoir rien rapporté. « Ne t’en prends pas à moi, répondit-il, mais à la nature du lieu : il est possible d’y trouver à vivre, mais impossible d’en emporter quoi que ce soit. » On pourrait appliquer cette fable à ceux qui poussent l’amitié jusqu’à régaler leurs amis, mais pas plus loin, et qui refusent de leur rendre aucun service.
Car il est bien mal aisé de s’accoustumer à une vie molle et faineante, de ne refuser rien à ses sens, et de vivre pour la seule satisfaction de son corps, sans trouver sa fin avant l’âge.
Quand il arrive que dans un corps Politique quelques-uns des Membres sont lâches et endormis, ou plongez dans les delices, et les autres entierement adonnez à leur proffit, il est presque impossible que leur gouvernement soit bon, ny que leurs entreprises réüssissent au gré de la multitude.
Un Fanfaron, amateur de la chasse, Venant de perdre un Chien de bonne race, Qu’il soupçonnoit dans le corps d’un Lion, Vid un Berger.
D’où luy venoit ceste vigueur extraordinaire de corps, sinon de sa forte nourriture ? […] O qu’il eût bien mieux vallu pour telles femmes, d’avoir esté steriles, que de mettre au monde des Miserables abandonnez à toutes les delicatesses du corps, et à tous les débordements de l’ame !