Il n’y a pas beaucoup à dire sur le sujet de ce Pescheur, sinon que toutes choses ont bonne grace faites en leur saison, et qu’au contraire elles sont déplaisantes et importunes, quand on les tire de leur assiette naturelle, pour les transferer à d’autres usages.
Vostre compassion, luy répondit l’Arbuste, Part d’un bon naturel ; mais quittez ce soucy.
» Il en est de même chez les hommes : quand on confie un dépôt à des gens cupides, il est naturel qu’on le perde.
Les gens de naturel peureux Sont, disoit-il, bien malheureux.
Cette fable montre qu’un naturel pervers ne peut donner un caractère honnête.
Ce luy fut toûjours une amorce, Tant le naturel a de force, Il se mocque de tout, certain âge accomply.
Réchauffé, le serpent reprit son naturel, frappa et tua son bienfaiteur, qui, se sentant mourir, s’écria : « Je l’ai bien mérité, ayant eu pitié d’un méchant. » Cette fable montre que la perversité ne change pas, quelque bonté qu’on lui témoigne.
L’effroi m’ôte l’esprit, et je ne sais que faire : je suis partagé entre mon amour des richesses et ma couardise naturelle.
Je sçay qu’il s’est trouvé plusieurs grands hommes, de qui la plume excellente s’est employée à nous mettre par écrit l’estat des choses du monde, et leurs naturelles revolutions, affin d’en pouvoir laisser quelque memoire à la posterité.
Je le fais ; et je baise un beau sein quand je veux : Je me jouë entre des cheveux : Je rehausse d’un teint la blancheur naturelle : Et la derniere main que met à sa beauté Une femme allant en conqueste, C’est un ajustement des Moûches emprunté.
La belette lui dit qu’elle ne pouvait la relâcher ; car elle était de son naturel ennemie de tous les oiseaux.
Premierement, ce qu’il dit de la Chauve-souris, témoigne un naturel avare : Dequoy semblent faire foy les yeux surveillans, les ongles crochus, et les monstrueuses aisles de cét Animal.
N’est-ce point leur vouloir du mal que de leur rendre naturelles de si pernicieuses habitudes ; et ne peut-on pas bien dire avecque le doux Bertaud, C’est hayr que d’aymer ainsi. […] Premierement, qu’un fils peu caressé de son pere, s’évertuë à devenir homme de bien, affin de surmonter l’aversion naturelle qu’on a contre luy, par un effort de merite extraordinaire.
C’est donc au seul instinct naturel que toutes ces choses se doivent attribuër, veu le desir que la Nature semble monstrer de sa conservation, qui est double, à sçavoir de l’Individu, et de l’Espece. […] Plusieurs autres exemples se disent des Elephants, qui les font semblables non seulement à l’esprit de l’homme, mais encore à son naturel, comme, l’amour des femmes, la jalousie des Rivaux, le courroux, les menaces, et quantité d’autres sentiments approchants de nostre nature, parmy lesquels il n’y en a point de plus memorable, que celuy dont Lipse fait mention, qui est tel. […] Pour ce qui est des Chiens, à peine y a t’il personne qui ne s’estonne de leur bon naturel, qui ne les trouve sensibles aux caresses, revéches à des obliger, bons, dociles, et hazardeux pour la deffence de ce qu’ils ayment. […] Car si le naturel instinct qui les accompagne les porte necessairement à maintenir leur espece par la generation, et l’Individu par la nourriture, à plus forte raison le discours les convieroit à chercher de plus en plus les moyens de se maintenir en vie et en liberté, comme il se remarque tous les jours en l’homme, qui de sa nature est raisonnable. […] Ce que font aussi bien les Fourmis, et les bestes qui ruminent, à qui le naturel instinct à donné certaines retenuës pour conserver leur provision, soit qu’ils se trouvent incapables de manger avec excez, comme nous faisons, soit que la Nature ait de la prevoyance pour eux, et les incline à l’espargne de leurs biens.
Car comme nous enseigne la Loy naturelle, il n’y a point de blasme ny de honte aux actions necessitées. […] De plus, encore que le desbordement des Vicieux, et la correction des Sages, ayent reduit les communautez à certain estat qui déroge à l’égalité naturelle, si est-ce que de rendre la disproportion entre les hommes plus grande qu’ils ne l’ont faite, on ne peut nier que cela ne soit une action injuste et mesprisable.
En vain pour estre paré de la glorieuse dépoüille du Lion, tu penses épouvanter les autres bestes ; ô stupide animal d’Arcadie : ta feinte n’est pas assez adroitte ; tes longues oreilles te trahissent, et ceste affreuse peau qui te couvre, ne peut aucunement te faire perdre ta lascheté naturelle.
Car les hommes d’aujourd’huy sont d’un naturel si dépravé, qu’ils se portent plus volontiers à la convoitise d’un bien faux, s’il est de difficile conqueste, qu’au desir d’un veritable, qui ne leur devra guere couster.
Il faut donc que pour se contenter ils se vengent, et qu’ils cherchent pour cét effect le moyen le plus sortable à leur meschant naturel.
A quoy il ne s’estudiera, que pour en prendre peu à peu l’habitude, et se détracquer par ce moyen de sa naturelle imperfection.
Mais comme ils furent tous deux au lict, Venus voulant éprouver si le changement de forme ne luy auroit point aussi faict changer de naturel, lâcha expres un Rat dans la chambre. […] Venons maintenant à la troisiesme partie de nostre Discours, à sçavoir que la condition ne change pas les vertus ny les vices de l’ame, principalement s’ils sont contractez par une longue et naturelle habitude.
Que sa laideur donc, je vous prie, sa mauvaise mine, et sa fortune encore pire, ne le vous fassent point rejetter : tout ce qu’il a de recommendable est interieur, il a corrigé ses defauts naturels par la force de sa raison ; et jamais homme n’a mieux que luy fait mentir les Physionomistes.
Pour le premier poinct à sçavoir que ce n’est pas un crime d’y consentir, il suffit de s’en tenir à la loy naturelle, qui porte tout le monde à sa propre conservation, non seulement au pris de dire un mensonge, mais encore de faire un homicide, ou quelque action plus tragique et plus extraordinaire.
Ainsi en ont usé les plus grands personnages de l’Antiquité, principalement Cesar et Alexandre, à l’imitation desquels, ou plustost par un instinct naturel, la pluspart de nos Roys ont tousjours couronné leur valeur d’une Clemence heroïque.
Mais la crainte d’une eternelle infamie, et le naturel ressentiment de sa perte, ne la sçeurent contraindre à se démentir.
Ce qui est tellement vray dans les actions moralles, qu’il passe aussi jusques dans les Physiques : tesmoin ce fameux axiome des Philosophes naturels, « Que toute vertu est plus forte quand elle est unie », que lors qu’elle est dispersée.
La malice des Enfants se verifie, et par la journaliere experience que nous en faisons, et par une raison naturelle, qui est tirée de la facilité de cét âge.
Or ne croy-je pas qu’aucun homme raisonnable voulust contre-dire cette verité : autrement il faudroit advoüer que l’estat de maintenant ne pourroit pas estre appellé naturel ; ce qui seroit un miracle aussi bien que le reste.
Les Scythes qui suivent la loy naturelle, et tiennent une sorte de gouvernement eslogné de toute ruse et supercherie, n’ont jamais pû estre surmontez, ny par Cyrus, ny par le grand Roy Alexandre.
Car nous lisons dans les Histoires des Grecs, qu’un jeune homme ayant eslevé un Dragon depuis sa naissance, le despoüilla si bien de sa fierté naturelle, que durant plusieurs années il ne luy fist aucun mal, ny à ceux de son logis.
Il est, certes, mal-aisé de sçavoir au vray d’où procede en nous ceste imperfection : car de l’imputer à un defaut d’esprit, nous voyons d’ordinaire que les plus habiles sont les plus sujets à l’amour des choses naturelles, et qu’ils troublent ordinairement la tranquilité de leur Patrie.
Les tettons mesmes, s’avalent par l’âge, et sont composez d’une chair mollasse et glandugineuse, prouvent infailliblement cette humidité, qui se rencontrant avec excez dans le temperament des femmes, semble alentir de necessité leur chaleur naturelle, et les rendre moins capables que les hommes de toutes les bonnes choses.
Or bien qu’il y ait plusieurs ressemblances, et conformitez d’où l’on peut tirer le sujet des fables ; Il me semble neantmoins qu’il s’en trouve trois principales, dont la premiere consiste en operations, qui ne sont pas naturelles ; comme on pourroit dire de la ressemblance de l’homme à la Chimere, non pas touchant la figure exterieure, mais quant aux operations representées par ce monstre imaginaire, dont le devant tient du Lyon, le milieu de la Chevre, et le derriere du Dragon ; par où il nous est enseigné, que la pluspart du temps les hommes se laissent conduire ou par l’apetit irascible, ou par le Concupiscible, ou par leur propre fantaisie, et leur imprudence.
Que si l’on m’objecte que ses delices sont moins precieuses, moins cheres, et plus mal assaisonnées, je l’advoüeray ; mais aussi sont-elles plus seures et plus naturelles.