Jadis Prométhée, ayant façonné les hommes, suspendit à leur cou deux sacs, l’un qui renferme les défauts d’autrui, l’autre, leurs propres défauts, et il plaça par devant le sac des défauts d’autrui, tandis qu’il suspendit l’autre par derrière. […] On peut appliquer cette fable au brouillon, qui, aveugle dans ses propres affaires, se mêle de celles qui ne le regardent aucunement.
À cette vue, il s’écria : « C’est pour moi un surcroît de chagrin de mourir par mes propres plumes. » L’aiguillon de la douleur est plus poignant, quand nous sommes battus par nos propres armes.
Herode tout de mesme donna plus de preuves de sa ferocité dans le lict de la mort, qu’il n’en avoit donné auparavant, jusques à faire égorger son propre fils Antipater, et à commander serieusement, qu’à son heure derniere l’on fist un massacre general, pour obliger tous ceux de la Ville à pleurer, en les interessant par leur propre perte. […] Ce que fist fort adroitement le Cheval de nostre Autheur, quand il rencontra son salut dans la propre ruse de nostre Ennemy, qui fut une chose tellement juste et adroicte, que le Lion mesme ne trouva point d’occasion de l’en blasmer, et ne se plaignit que de soy-mesme en son inconvenient. Nous voyons par là que les meschants sont d’ordinaire enveloppez dans leurs propres menées, et portent presque tousjours le dommage qu’ils veulent faire tomber sur autruy.
Et disoit en souffrant un surcroist de douleur, Faut-il contribuer à son propre malheur ?
Car les hommes peuvent déchoir de leur fortune, ou par leur propre faute, ou par l’envie, et la malignité d’autruy, ou par le seul malheur de leur vie. […] Premierement, ils y peuvent contribuër par leur propre faute, veu le peu d’experience qu’ils ont de la grandeur, à cause que leur nourriture a esté prise au milieu de la bassesse. […] Car soit que nous soyons coûpables, ou qu’ils ayent conçeu quelque fausse opinion de nous, tant y a qu’ils se plaisent quelquesfois à destruire leur propre ouvrage.
Le Lion, terreur des forests, Chargé d’ans, et pleurant son antique proüesse, Fut enfin attaqué par ses propres sujets, Devenus forts par sa foiblesse.
Elle est au reste Raisonnable, Morale, et Meslée, ou Propre, ou tres propre. La Raisonnable est celle où l’on feint l’homme estre autheur de quelque chose qu’on se figure ; La Morale, qui tasche d’imiter la façon de vivre des Creatures raisonnables : La Meslée, qui comprend ensemble ce qui est pourveu de raison, et qui ne l’est pas : La Propre, qui par l’exemple des bestes, et des choses inanimées demonstre tacitement ce que l’on veut enseigner, comme fait Esope en toutes ses Fables ; Et la tres-propre, qui convient aux hommes, et aux fabuleuses Deïtez, en ce qui regarde les actions. […] Or bien qu’il y ait plusieurs ressemblances, et conformitez d’où l’on peut tirer le sujet des fables ; Il me semble neantmoins qu’il s’en trouve trois principales, dont la premiere consiste en operations, qui ne sont pas naturelles ; comme on pourroit dire de la ressemblance de l’homme à la Chimere, non pas touchant la figure exterieure, mais quant aux operations representées par ce monstre imaginaire, dont le devant tient du Lyon, le milieu de la Chevre, et le derriere du Dragon ; par où il nous est enseigné, que la pluspart du temps les hommes se laissent conduire ou par l’apetit irascible, ou par le Concupiscible, ou par leur propre fantaisie, et leur imprudence. […] Il y a une autre sorte de Fables à qui l’on peut proprement donner un sens tout à fait moral, comme à celle de Narcisse, qui ravy de sa propre beauté, trouva la cause de sa mort dans la belle source où il se miroit, et fut depuis transformé en une Plante appellée de son nom.
Car ils se trouvent d’ordinaire embroüillez dans les propres menées de ceux qu’ils ont servis, et sont pour la pluspart, le propre suject de leurs infidelitez. […] Car outre que ce n’est pas le propre d’un genereux courage de faire une courtoisie avec l’espoir d’en estre payé, ce seroit de plus une chose ridicule de le penser estre bien à propos par de meschants hommes.
Ce qu’ils ne feroient jamais, s’ils sçavoient bien considerer qu’en nos affaires propres nous sommes tous-jours interessez, et que par cette raison notre esprit ne voyant pas les choses toutes pures, mais par les yeux du profit tant seulement, n’est point capable de les examiner avec tant de soing, ny si sainement, que s’il n’y avoit aucune part. Ce qui neantmoins est tellement vray, que de deux Esprits égaux, l’un sera moins clair-voyant en ses affaires propres, qu’en celles de son compagnon.
Un chameau que son propre maître contraignait à danser dit : « Ce n’est pas seulement quand je danse que je manque de grâce, j’en manque même lorsque je marche. » Cette fable peut se dire à propos de tout acte dépourvu de grâce.
Un milan, l’ayant aperçue, dit : « Tu n’as que ce que tu mérites, puisque, née oiseau, tu cherchais ta vie sur la mer. » Ainsi les gens qui abandonnent leur propre métier pour en prendre un qui n’est pas le leur sont justement malheureux.
Ainsi voyons-nous que les Peres, pour donner trop de commoditez à leurs enfants pendant la fougue de leur jeunesse, travaillent contre leur propre repos. […] La mesme chose arrive entre les Chicaneurs, qui se surprennent les uns les autres par les papiers qu’ils se prétent, et obligent quelquesfois les personnes ignorantes en ce mestier, à signer des actes contre leur propre cause, sans sçavoir le dommage qu’ils se font.
» Pareillement les hommes qui sont aveugles sur leurs propres intérêts sont mal qualifiés pour conseiller leur prochain.
Avec l’argent qu’elle recevait de lui, elle s’ornait de brillantes parures et rivalisait avec sa propre maîtresse.
» La société des méchants est propre à causer les plus grands dommages et même la mort.
Ou bien, est-ce qu’Esope a voulu monstrer, qu’on n’est point obligé de garder sa parole aux meschants, en quelque temps qu’on la leur ait donnée, et qu’à ceste occasion l’Aigle ne fist point difficulté de trahir le Renard, en luy ravissant ses petits, pour en repaistre les siens propres ? Mais si c’estoit là son intention, je ne serois pas d’accord avecque luy ; Car j’estime tout au contraire, que s’il faut manquer de parole à l’un des deux, à sçavoir à l’homme de bien, ou au meschant, il est presque plus à propos que ce soit au premier, pource qu’il tire de si grandes satisfactions de sa propre vertu, qu’il luy est aisé de prendre patience en toute sorte d’accidents, voire mesme de trouver des delices en sa mauvaise fortune. […] Car s’il n’y va que de nostre interest propre, il n’y a point de si grande lascheté que de tromper. […] Car ils permettent que son nid propre soit embrasé, et que ses petits, pour se sauver de la flamme, tombent dans la gueule de leur Ennemy.
Mais il eut beau répéter ses essais : il ne réussit pas à prendre exactement la voix du cheval et il perdit en outre sa propre voix.
» Elle répondit : « C’est notre façon de vivre ; ne ma tue pas ; car je ne puis pas faire grand mal. » L’homme se mit à rire et lui dit : « Tu vas mourir tout de suite, et de ma propre main ; car quel que soit le mal, petit ou grand, il faut absolument l’empêcher de se produire. » Cette fable montre qu’il ne faut pas avoir pitié d’un méchant, quel qu’il soit, fort ou faible.
Là-dessus son épouse en habit d’Alecton, Masquée, et de sa voix contrefaisant le ton, Vient au prétendu mort ; approche de sa biere ; Luy presente un chaudeau propre pour Lucifer.
Comme au contraire elle a de l’aversion, pour les enfans d’autruy, et par je ne sçay quelle envie, elle retranche de leur nourriture, pour la donner aux siens propres, qu’elle cherit comme ses creatures, et hayt les enfans de son Mary, comme estrangers. […] Va t’en maintenant, si bon te semble : Je ne te demande rien pour ces herbes, et te permets d’en cueillir desormais toutes les fois que tu voudras venir en mon Jardin, où tu pourras entrer comme en ton propre heritage ».
» Ne blasphémez pas contre les dieux, quand il arrive un malheur ; examinez plutôt vos propres fautes.
Comme ils adressaient des reproches aux pigeons domestiques, parce que, étant de la même tribu, ils ne les avaient pas avertis du piège, ceux-ci répondirent : « Nous avons plus d’intérêt à nous garder du mécontentement de nos maîtres qu’à complaire à nos parents. » Ainsi en est-il des serviteurs : il ne faut pas les blâmer, quand, par amour de leurs maîtres, ils manquent aux lois de l’amitié envers leurs propres parents.
Son maistre fut reduit à garder les Brebis ; Non plus Berger en chef comme il estoit jadis, Quand ses propres Moutons paissoient sur le rivage ; Celuy qui s’estoit veu Coridon ou Tircis, Fut Pierrot et rien davantage.
» Cette fable vise les gens qui ne retirent que des désagréments de leurs propres biens.
Ceux qui abandonnent leur patrie et lui préfèrent un autre pays sont mal vus dans ce pays, parce qu’ils sont étrangers, et ils sont odieux à leurs propres concitoyens, parce qu’ils les ont méprisés.
Certes, si cette bonne fortune fust arrivée à un Lapidaire, il en seroit plus joyeux, pource qu’il en sçauroit bien le prix ; Mais pour moy, à qui cela n’est nullement propre, je l’estime si peu, que j’aymerois mieux un seul grain d’orge, que toute la pierrerie du monde ». […] Quant au Coq, je pense qu’il est pris pour l’homme voluptueux, qui met tout dans l’indifference, horsmis son ordure propre, representée par le fumier.
Alors le crabe, sur le point d’être dévoré, s’écria : « J’ai mérité ce qui m’arrive, moi qui, habitant de la mer, ai voulu devenir terrien. » Il en est ainsi des hommes : ceux qui abandonnent leurs propres occupations pour se mêler d’affaires qui ne les regardent pas, tombent naturellement dans le malheur.
Quant au lion, il se déchirait de ses propres griffes, jusqu’à ce qu’il renonça au combat.
Quand ils eurent pris un certain nombre de pièces, le lion partagea et fit trois parts qu’il étala. « Je prendrai la première, dit-il, comme étant le premier, puisque je suis roi ; la deuxième aussi, comme associé à part égale ; quant à la troisième, celle-là te portera malheur, si tu ne te décides pas à décamper. » Il convient en toutes choses de se mesurer à sa propre force, et de ne point se lier ni s’associer à de plus puissants que soi.
Un berger ayant trouvé des louveteaux les nourrit avec beaucoup de soin, dans l’espoir que, devenus grands, non seulement ils lui garderaient ses propres moutons, mais encore en enlèveraient d’autres et les lui apporteraient.
Mais elle est une Vertu, quand il ne s’y trouve point aucune de ces circonstances, et qu’au contraire nous voulons nous deffendre des ruses d’autruy par nostre propre déguisement ; et c’estoit ainsi que l’entendoit Tacite, quand il disoit, « Qui ne sçait dissimuler, ne sçait pas regner », bien que toutesfois ce ne fût pas en ce sens là que Louys XI. avoit accoustumé d’user de ceste maxime.