Aussi-tost on ouït d’une commune voix Se plaindre de leur destinée Les Citoyennes des Etangs.
La Genisse, la Chevre, et leur sœur la Brebis, Avec un fier Lion, Seigneur du voisinage, Firent societé, dit-on, au temps jadis, Et mirent en commun le gain et le dommage.
Dequoy sont cause en partie les animositez qu’ils suscitent à l’encontre d’eux, estant bien plus ordinaire aux hommes de murmurer contre ceux qui changent de condition, que contre les autres, d’autant que c’est un effect moins commun, et qu’ayant eu plus d’égaux en leur premiere bassesse, ils ont par consequent plus d’Envieux, puis que selon Aristote, l’envie est entre les semblables. […] Quant à la troisiesme cause de leur achoppement, elle leur est, sans comparaison, beaucoup plus commune qu’aux hommes de condition, veu qu’il est presque asseuré, qu’apres un bonheur extrême, il arrive une disgrace infaillible.
Car il s’empara par ce moyen de la plus grande partie de la Grece, pendant que ces Republiques mal-advisées estoient plus attentives à se deschirer en pieces, qu’à se guarantir courageusement de leur commun ennemy. […] Nous ne voyons guere un frere divisé d’avecques son frere, qu’il ne donne occasion à leur commun ennemy de les ruyner par brigues, ou par procez.
Le semblable presque fut veu en l’entreprise que les Romain firent contre les Gaulois, lors qu’appellez à la conqueste de ces pays-là, par les communes divisions de leurs habitans, ils y envoyerent avant le Regne de Jules Cesar deux ou trois Capitaines fort aguerris, qui toutesfois n’en purent venir à bout, et s’accorderent ensemble contre leur Ennemy commun.
De l’Asino lo stratio, e ’l tristo fine Dato m’ha de le leggi la dottrina ; Ch’a ben patir quel, ch’è commune, insegna ; E m’ha fatto legista in un momento.
Le Lion, et la Brebis, avec quelques autres animaux, estant demeurez d’accord d’aller à la chasse ensemble, et de posseder en commun tout ce qui en proviendroit, il arriva qu’ils prirent un Cerf.
Quelqu’un luy dit alors : N’en accuse que toy, Ou plutost la commune loy, Qui veut qu’on trouve son semblable Beau, bien fait, et sur tous aimable.
Mais croyez-nous ; livrez-nous tous les troupeaux et nous les mettrons en commun pour nous en rassasier. » Les chiens prêtèrent l’oreille à ces propositions ; et les loups, pénétrant à l’intérieur de l’étable, égorgèrent d’abord les chiens.
Un renard, ayant eu la queue coupée par un piège, en était si honteux qu’il jugeait sa vie impossible ; aussi résolut-il d’engager les autres renards à s’écourter de même, afin de cacher dans la mutilation commune son infirmité personnelle.
Un loup, étant devenu chef des autres loups, établit des lois générales portant que, tout ce que chacun aurait pris à la chasse, il le mettrait en commun et le partagerait également entre tous : de la sorte on ne verrait plus les loups, réduits à la disette, se manger les uns les autres.
GIACEA ’L Leon nella spelonca infermo, E tutti a lui, come a commun Signore, Gli animali eran iti a visitarlo.
Il faudroit alleguer des volumes entiers, pour la preuve de ceste mesme recognoissance, qui ne me semble que trop commune d’homme à homme, puis qu’elle a passé jusques aux animaux. […] Mais c’est assez prouvé par des exemples, que la recognoissance des biens-faits est commune mesme aux animaux.
A ces mots Xanthus tout enflammé de colere, envoya chercher Esope, et luy demanda, pour quelle raison il avoit ainsi honteusement chassé ses amis. « Mon Maistre », luy dit Esope, « ne m’as-tu point commandé exprés, de ne laisser venir à ton Festin des gents du commun, et des ignorants mais seulement des hommes doctes ?
Elle est toutesfois si commune, que nous ne voyons jamais personne tomber en la disgrace d’un Grand, que les Courtisans ne luy tournent le dos, et n’aggravent sa misere par quelque malicieux rapport.
Ne t’attens qu’à toy seul, c’est un commun Proverbe.
L’Aigle et le Renard ayant fait amitié ensemble, conclurent de demeurer l’un auprés de l’autre, s’imaginant qu’ils en vivroient en meilleure intelligence, et que leur commune affection s’affermiroit par leur conversation mutuelle. […] Le Renard ne fut pas plustost de retour, qu’il recognut le cruel carnage qui s’estoit faict en son absence, et en fût extrémement fasché : mais d’autant que pour estre quadrupede, et n’avoir des aisles, afin de poursuivre son ennemy, il jugeoit comme impossible de s’en venger ; s’aidant du commun remede, qui reste seul aux miserables, et à ceux qui ne peuvent faire ce qu’ils voudroient bien, il se mit à maudire l’Aigle, et souhaitta que toutes sortes de maux luy advinssent, tant a de pouvoir la haine, apres une amitié violée.
Il y en a encore une autre qui n’est pas moindre, à sçavoir la passion d’aquerir de la loüange, qui leur est commune avec les Vaillants, mais qui agit plus foiblement, et plus vicieusement en eux.
Le sage Inventeur n’a voulu representer autre chose par ceste seconde Fable, que l’oppression des petits par les Grands, qui est si commune dans le commerce des hommes, qu’il n’y en a point de foible, ou de mal accommodé, qui ne soit sous la domination de plusieurs Tyrans.
Ce n’est donc pas avec intention d’étre recompensé, qu’il faut obliger les meschants, mais seulement à dessein de faire une bonne action, et de respecter en eux, le mesme Dieu qu’ils ont commun avecque nous.
Pour n’avoir pas voulu me charger d’un léger fardeau, voilà que je porte tout, avec la peau en plus. » Cette fable montre que, si les grands font cause commune avec les petits, les uns et les autres assureront ainsi leur vie.
Mais au lieu de le delivrer, ils le mirent en prison, pour avoir, disoient-ils, commis un sacrilege bien manifeste ; et d’une commune voix ils le condamnerent à mourir.
Or qu’il ne soit vray que les mocqueurs sont quelquesfois le sujet d’une risée, outre que la commune experience le prouve, il y a des raisons qui le persuadent aussi.
Le premier est celuy que nous avons desja touché, à sçavoir, que l’une nous rend semblables à Dieu, l’autre nous est commune avecque les bestes.
De là s’est ensuivy que les premiers hommes d’entre les Sages ayant condamné ce qui leur sembloit mauvais, et tous d’un commun accord approuvé le bien, c’est à dire la mediocrité, nous les avons outre-passez à force de les vouloir imiter.
C’est bien la commune interpretation de ceste Fable, de l’appliquer aux grands Prometteurs, qui ne respondent pas aux esperances qu’ils font naistre, ou aux Fanfarons, qui ne mettent point en effect la centiesme partie de leurs menaces ; mais qui tremblent à la veuë du peril, apres l’avoir méprisé dans leurs Maisons.
Ceste faute neantmoins, en matiere d’eslection, n’a pas laissé d’estre commune à divers Peuples du monde, comme aux Agrigentins, lors qu’ils mirent Phalaris en une condition éminente par dessus eux, et porterent bien-tost apres la peine de leur imprudence, quand par ses horribles cruautez il faillist à rendre sa Ville deserte de gents de bien, et la peupla presque toute d’assassins.
Ceste maniere de presomption a esté remarquée par Esope, comme la plus commune de celles qui tombent d’ordinaire en praticque parmy les hommes, qui estans presque tous naturellement enclins à l’émulation, aspirent à de mesmes desseins que les autres, sans mesurer leurs forces avecque celles de leurs rivaux.
Voicy un exemple qui nous fait souvenir du commun Proverbe, qui dit, « qu’il n’y a point de petits ennemis ».
Tels furent les déportements du perfide Ganes, qui voyant fleurir en gloire et en vertu les unze Pairs ses Compagnons, veilla jour et nuict à leur commune ruyne, et fit amitié avec les Roys Sarrasins, tout de mesme que le Renard la fait icy avec un Berger, pour l’obliger à surprendre le Loup qu’il envioit.