Esope se moque à bon droict en cette Fable, de ceux qui se veulent mesler d’un mestier qui ne leur est pas ordinaire, ny propre, et laissent pour cét effet leur vray et naturel exercice, chose, ce me semble, la plus digne de reprehension qu’on puisse faire, pource que, non seulement on hazarde en cela sa reputation, mais aussi on y ruyne ses affaires, et celles d’autruy ; ce qui ne peut proceder que d’une excessive vanité, joincte à une foiblesse d’esprit encore plus grande. Or est-elle si ordinaire au siecle où nous sommes, que mesme les simples femmes veulent passer pour sçavantes ; Et n’est pas jusqu’aux moindres Artisants qui ne parlent publiquement de la guerre, et des affaires d’Estat.
L’Elephant devait sur son dos Porter l’attirail necessaire, Et combattre à son ordinaire : L’Ours s’apprester pour les assauts : Le Renard ménager de secrettes pratiques : Et le Singe amuser l’ennemi par ses tours.
Mais parmy ceux qui font mestier de se plaindre de leur humeur, il n’y en a point en la bouche de qui ces injures soient plus ordinaires, qu’en celle des Amants. […] Ce qui n’est pas seulement ordinaire en nostre espece, mais en celle de tous les animaux. […] Ce que tesmoignent assez leurs évacuations ordinaires, par qui elles se deschargent d’un sang malin, et provenant d’une complexion trop creuë et trop flatueuse.