Si le possesseur de ces champs Vient avecque son fils (comme il viendra) dit-elle, Ecoutez bien ; selon ce qu’il dira, Chacun de nous décampera. Si-tost que l’Aloüette eut quitté sa famille, Le possesseur du champ vient avecque son fils. […] Mon fils, allez chez nos parens Les prier de la mesme chose. […] Retenez bien cela, mon fils, et sçavez-vous Ce qu’il faut faire ?
Ennus estant remis en grace, Esope l’accueillit si genereusement, qu’il ne le voulut fascher en rien ; au contraire il le traicta mieux que jamais, et comme son propre fils, luy donnant plusieurs belles instructions, dont les principales furent celle-cy. « Mon fils, ayme Dieu sur toutes choses, et rends à ton Roy l’honneur que tu és obligé de luy rendre. […] Voila quelles furent les instructions d’Esope à Ennus son fils adoptif, qui le toucherent si avant dans l’ame, qu’étant frappé comme d’une flesche, tant par la remonstrance d’Esope, que par le remors de sa conscience, il en mourut quelques jours apres.
La Grenoüille avoit un si grand desir de devenir aussi grosse que le Bœuf, qu’elle faisoit un estrange effort, et se roidissoit en tous ses membres : dequoy son fils s’estant apperçeu, « Ma mere », luy dit-il, « quittez moy là cette entreprise ; il n’y a nulle comparaison d’une Grenoüille à un Bœuf ». Elle toutesfois n’en voulut rien croire, et s’enfla derechef plus qu’auparavant : Ce qui fit peur à son fils, qui pour ne la perdre ; « Ma mere », luy cria-t’il derechef, « vous creverez plustost, que de surmonter le Bœuf » : Comme en effet elle ne tarda guere à crever, apres qu’elle eust fait un troisiesme effort.